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11/12/2024

c'est pas normal !

"les températures resteront bien au-dessous des normales" disent les présentateurs météo.
Mais c'est quoi la normale ? Celle des années 80, 2000, 2020 ? Pas du tout la même chose !

En météorologie, les "normales climatiques" désignent des moyennes statistiques calculées sur une période de référence standardisée de 30 ans. Ces normales servent de point de comparaison pour évaluer les anomalies climatiques et décrire le climat d'une région, voire d'un pays. Ces normales sont mises à jour tous les 10 ans à chaque changement de décennie.

C'est la définition de l'Organisation Météorologique Mondiale (O.M.M.).
Ainsi, quand je suis entré à l'Ecole Nationale de la Météorologie en 1971 (au passage, quand je vois les charlatans des télés qui foisonnent de plus en plus, SEULS peuvent se prétendre météorologues ceux qui sont passés par cette école) la normale sur laquelle on se basait était la période 1941/1970 soit 12°1 sur 80 stations françaises.
Cette valeur faisait suite à la 1931/1960, qui affichait également 12°1,  Et précèdera la 1951/1980 qui sera de 11°9, deux dixièmes de moins qui ne représentaient que la marge d'erreur des thermomètres à mercure qui étaient utilisés à l'époque.
Mais pour ceux qui songeaient à un début de refroidissement climatique, on respira quand "tomba" la 1961/1990 qui sera de... 12°0 !

Bingo, on avait démontré que la température moyenne de l'Hexagone était de 12 degrés,  et cela depuis au moins 90 ans, absorbant les éventuels cycles et les terribles hivers 62/63 (j'en parle dans "les chansons de papa"), 41/42, 45/47, 33/34, 40/41, 55/56, 31/32, 52/53 et 44/45. Ainsi que les canicules de 1947, 1950, 1983, 1952, 1945 et 1976.

12 degrés, comme le titrait le vin du midi. Ce degré d'alcool (que les petits hommes gris de Bruxelles ont remplacé par "% vol") est après tout un instrument de mesure comme un autre...

Bref, à partir de cette température-étalon, on pouvait, sans risque d'erreur, situer les records, définir leur durée de retour et cela sur tout l'hexagone.
Comme le douteux 40°4 de Paris en 1947 que pas mal de professionnels - dont bibi - considéraient comme une erreur de mesure. Seize degrés plus haut que la normale de juillet, on avait calculé que ça ne se produisait que tous les 500 ans ! im-pos-si-ble...

On passa au 3 ème millénaire et avec lui la toute fraîche normale 1971/2000.
12°3.
Oh bien sûr ce n'est rien, trois petits dixièmes. 20 ans auparavant c'était 2 de chute, et finalement c'était remonté.
Remonté ? Attends, je récapitule :
1951/80 -> 11.9
1961/90 -> 12.0
1971/2000 -> 12.3.
Serait-ce l'amorce de quelque chose ? Car il ne faut pas oublier que c'est une moyenne sur l'ensemble de l'hexagone...
Et chacun dans sa station (devenu "Centre Départemental") de faire ses petits calculs, bien évidemment sur des endroits dont l'environnement n'avait pas été modifié. Pas comme cet abracadabrantesque point de mesure implanté à Mende au milieu des prés en 1985 à mi-pente entre le plateau (1050m) et la ville (750 m) et qui est à présent entouré de maisons !
Enfin bref, en 2001 je sévissais pour ma part en Bretagne, et Lorient n'avait gagné qu'un dixième de degré au cours de la décennie, comme Brest, deux pour Nantes, Belle-Ile, Rennes et Dinard. 
Pas méchant...
Ce n'était pas l'avis des collègues d'Orange, où j'avais également bossé dans les années twist, pour qui c'était 4/10, comme au Puy en Velay. Voire le demi-degré comme à  Lyon, St Etienne, Bourg St Maurice, Brétigny..

On s'est posé des questions pendant deux ans, jusqu'à l'été 2003 où on a cessé de s'en poser.
Cet été-là fut monstrueux, de juin à août. Pas seulement des records, mais une longueur...
Chez mes parents, dans les Cévennes, la barre des 30 degrés sera franchie près de soixante-dix fois. Les 40 degrés furent atteints en Bretagne. Près de 30.000 morts (15.000 selon la police), mon père de 91 ans a failli faire partie du lot.

On revient aux normales.
1951/80 -> 11.9
1961/90 -> 12.0
1971/2000 -> 12.3 donc.
1981/2010 -> 12.6 (plus 0.3 encore)
1991/2020 -> 13.0 (plus 0.4)
L'été 2022 a battu 2003. A Paris les 40°4 'inatteignables" se sont fait exploser en 2019 avec 42°6 !!! La barre des 30° a été franchie à l'île d'Ouessant et au Mont-Aigoual. C'est, sinon l'emballement, du moins la hausse continue. Un petit croquis valant un long discours, le voici
Capture du 2024-11-24 11-54-36.png

En bleu Marine les températures, en rouge les "normales" correspondant aux 30 années précédentes. Ce graphique montre bien qu'à partir d'une certaine date la courbe rouge a commencé à monter, et ce d'une manière régulière. Cette date, c'est 1993. qui couvre les 30 années précédentes soit 1964/1993.
En examinant la courbe bleue, on voit bien que c'est à partir de 1980 (11°2) que ça a commencé à bouger, pour atteindre 14°5 en 2022. Mais on s'en tiendra à la courbe rouge, bien qu'en retard, qui moyenne ces données sur les 30 dernières années.

Alors, 2 questions se posent :
1) quelle est à présent la température "normale" de l'année 2024 ?
2) de combien est-elle montée depuis sa valeur initiale (avant 1980) ?

Je vais essayer de faire le plus simple possible.
On sait que la fameuse "normale" est la moyenne des 30 dernières années. Si la courbe est linéaire, cette moyenne sera très proche de l'année du milieu. Vite des exemples :

La normale 1981/2010 sera très proche de l'année 1995, et celle couvrant 1991/2020 très proche de 2005. 
C'est la dernière en date, la "normale officielle", mais qui a 19 ans de retard.....

Comment obtenir la normale 2024 ? Disons 2025 c'est quasiment la même.
Vu que la courbe est linéaire, la hausse est constante. Ce que l'on devra ajouter à 2005 pour arriver à 2025 sera donc, au dixième près, le double de ce qu'il a fallu ajouter à 1995 pour arriver à 2005. 

En d'autres termes, normale 2011/2040 (donc 2025) = normale actuelle 1991/2020 + 2 fois la différence entre la 1991/2020 et la 1981/2010.
Je résume :

Température qu'il fait sur la France actuellement =
3 fois la normale actuelle 1991/2020 - 2 fois la normale 1981/2010.

Soit (3 x 13.0) - (2 x 12.6) soit 39.0 - 45.2 soit 13.8.
Par rapport aux années 1900/1980, la hausse est donc de 1°8 !!!

Cela donc pour la moyenne sur le pays, mais ies variations ne sont pas les mêmes pour chaque point de l'hexagone.

Et là je sors un lapin de mon chapeau : les normales 1991/2020 et 1981/2010 sont ICI .
Vous aurez ainsi la température qu'il devrait faire chez vous, et la hausse de température enregistrée en 10 ans. Et qui n'a pas l'air de fléchir. 
Les littoraux semblent moins touchés, ainsi "seulement" 1 degré pour Perpignan, 1°2 pour Lorient, Toulon, Biarritz, Bastia et Brest. A contrario, l'écart atteint 2°6 à Lyon, 2°5 à Bourg St Maurice, 2°4 à Strasbourg, Brétigny et Lille, 2°3 au Puy en Velay..

D'aucuns diront que 2-3 petits degrés ne représentent pas grand-chose. Détrompez-vous ! Par exemple Lille avec ses 12°3 a aujourd'hui les mêmes températures qu'avait Sisteron en 1980, et aura dans dix ans celles qu'avait Toulouse...
Mieux : les banlieusards de Brétigny (91, surtout connu pour son déraillement) qui, en 1980 se tapaient 700 bornes vers le sud pour se réchauffer, n'ont plus besoin de bouger : Avec 12°9 ils ont atteint les températures de Montélimar à cette époque ! De son côté Montélimar 2024 c'est Ajaccio sous Giscard.

Et puis, point besoin de thermomètre : on vendange de plus en plus au mois d'août, le "douze degrés" qui, du temps où j'écoutais SLC, ne se trouvait que chez les cavistes, fait aujourd'hui figure de piquette à côté de certains Côtes du Rhône qui titrent quinze degrés.
Les cigales sont arrivées en Haute-Loire et le citronnier a touché la Bretagne. On fait du vin en Bretagne et en Angleterre.

Tout ça pour dire que, depuis 40 ans - comme disent les chroniqueurs à la télé - les températures figées c'est terminé et qu'il faudra s'habituer à voir arriver la chaleur par le sud à raison de 150 km et plus par décennie.
Et dans certains coins de montagne l'air chaud de la vallée gagnera les cimes à raison de 10 m par an en altitude.

Si le sujet intéresse les lecteurs, je peaufinerai saison par saison.

Je vous embrasse.

12:12 Publié dans météo | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

très instructive Patrick ta note sur les normales climatiques, tu fais une démonstration éclatante pour ceux qui doutent encore du réchauffement climatique de la planète. Je dois te dire que je suis même stupéfait d'apprendre que l'écart de température en 10 ans à Lille (près de chez moi) atteint +2°4, et que tu soulignes qu'avec 12°3 aujourd'hui cette même ville a les mêmes températures qu'avait Sisteron dans les Alpes de Haute Provence en 1980. Il est vrai qu'avec le recul je m'en rends compte, les hivers chez moi sont plus doux, l'an dernier à peine 5 à 6 jours de gel entre -1° et -5°, lorsque j'étais enfant les jours de gel en hiver cela durait presque 1 mois. Pour la vigne je te rejoins, on en avait d'ailleurs déjà parlé, le vin des Côtes du Rhône qui est passé de 12° à 14°5 voir 15° pour certains, ce n'est vraiment pas normal, moi qui apprécie les vins de cépage syrah et grenache de la Drôme je dois faire plus attention, et plus que jamais boire avec modération, un tout petit verre le midi avec le fromage. Je suis bien sûr intéressé pour la suite de ton analyse saison par saison. Amitiés à tous, Renaud.

Écrit par : Renaud | 11/12/2024

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