Web Analytics

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/09/2010

Première grosse épreuve : le service militaire (1972/73)

Les années passèrent, et je finis par rencontrer une jeune fille dont les parents ne me rejetaient pas. C'était en 1972, elle avait 16 ans et moi 21.

Très vite nous nous aperçûmes que nos étions rigoureusement les mêmes personnes, mais de sexe différent. Elle adorait faire du cyclomoteur, moi aussi. Elle adorait écouter les hit-parades tous les dimanches, moi aussi. Elle avait été un enfant " de remplacement", moi aussi.

A cette époque, j'avais enfin réussi à quitter Paris. Enfin, je le pensais.
Je me trouvais alors en montagne dans le Gard, au point le plus haut du département. Mon père, profitant de sa retraite toute neuve, vint passer quelque temps dans la vallée, qu'il trouva à son goût.
A tel point qu'il prit cette affectation "provisoire" comme étant définitive, et déménagea de paris, avec femme, bagage, chienne et chat.

 

Mais pour décembre, autre chose m'attendait : le service militaire.

Je n'avais pas trop d'appréhension là-dessus, malgré tout ce qu'on m'en avait dit. Je savais que je pouvais dire adieu à ma longue chevelure, mais sinon, pour le reste, les "3 jours" que j'avais faits à Vincennes avaient fini par me convaincre que l'Armée n'était pas si terrible que ça, pourvu qu'on y aille la fleur au fusil. Qu'il suffisait de se plier à certaines règles et ne pas jouer les matamores. Se faire discret pendant un an.

Seul (et énorme) problème : la séparation d'avec ma petite fiancée Mireille.

Le 30 novembre au matin, je pris l'autocar qui devait m'amener à Sommières, puis un autre autocar qui lui me déposerait à Montpellier, de là je prendrais un train jusqu'à Toulouse, puis un autre jusqu'à Bordeaux, et enfin, un autre train de Bordeaux à Rochefort sur Mer où j'arrivai à 2h30 du matin. C'était l'heure normale !

C'est là que je compris que les permissions de moins de 72h ne me serviraient à rien, vu les 20 heures de voyage (19 dans l'autre sens : 2h30/20h56)


Il ne me fallut pas moins de 24h pour me rendre compte que j'avais pénétré en Enfer.

Qu'un appelé, en 1972, était traité comme un chien. Humilié, maltraité.


La journée type : lever à 5h avec un coup de sifflet strident (moi qui pensais au son du clairon...). Puis douche, mais pas le temps de se sécher. C'est donc mouillé que l'on s'alignait face au drapeau pour la cérémonie du matin. Je rappelle qu'on est en décembre.

Puis à 17h30, ces messieurs les engagés qui nous traînaient dans la boue (au sens propre) se transformaient en travailleurs ordinaires et prenaient leur petite voiture pour aller gentiment s'agglutiner dans les bouchons Rochefortais. je suis sûr qu'à la maison ils devaient être tendres comme des agneaux, bons pères et bons maris.

Enfin un moment pour souffler ? Erreur, car c'est là que le calvaire allait s'accentuer.
Ces engagés étaient remplacés par des Kapos. Oui, j'insiste sur ce mot, des soldats même pas de première classe, mais qui étaient plus anciens et faisaient fonction de caporal.

Avec ceux-là, pas de pitié à attendre. Les "FFC" comme on devait les nommer repéraient vite quels étaient les plus fragiles et ceux-là allaient déguster. Dans notre chambrée, ce fut un ingénieur de 26 ans qui fut pris pour tête de turc, et bien souvent je le vis pleurer... J'en verrai du reste pas mal des collègues sangloter.

Pas une larme en ce qui me concerna.
Car j'avais déjà disjoncté. Je ne me considérais plus comme un être humain parmi d'autres humains, mais comment dire... un zombie chez des fous.

7212.jpgOn voit du reste ma mine réjouie sur la photo, au premier rang à gauche de l'image...

Des fous, ils en fabriquaient à la pelle. Déjà en nous interdisant de sortir pendant 4 semaines ! Des garçons en pleine force de l'âge ...
Ne nous restait que l'alcool et le tabac (qui lui au contraire était encouragé !!) , même la branlette était impossible, car aucune porte ne fermait. Pour aller aux WC il fallait tenir la porte...

Ceux qui tombaient malades devaient s'inscire la veille pour une "visite médicale". Je mets des guillemets car c'était un élève aide-soignant qui faisait office de médecin-trieur (on avait du bol ils auraient pu prendre un charcutier) pour séparer ceux qui pourraient enfin recevoir des soins, et les autres, ceux qui ne lui semblaient pas malades. Ils repartaient alors sans avoir consulté, avec en prime un bon pour une, voire deux corvées.

Je pourrais en raconter baucoup des comme ça...

Et c'est alors que je me mis à écrire. A tour de bras. A ma fiancée, à mes parents.
Ma fiancée me reçut 5 sur 5, et il n'était pas rare que je reçoive deux, voire trois lettres par jour pour me réconforter. Des lettres roses ce qui faisait doucement rire mes compagnons d'infortune. Et qui n'arrangeait pas mon cas.

Je recevrai pendant ce mois de décembre une quarantaine de ces lettres, et... deux de mes parents. La première qui essayait de me "raisonner" du style "montre que tu es un homme, ne nous fais pas honte..." et une seconde où ils m'annonçaient qu'ils allaient déménager !

 Perte brutale de deux illusions.

Dans le fait que, d'une part, j'avais découvert que l'être humain pouvait être un fauve pour ses semblables, et surtout que mes parents se fichaient pas mal de ce qu'endurais.

Je tombai vraiment de très très haut....

"Petite" chute (par rapport à ce que j'allais subir dans ma vie) mais marquante.

 
Heureusement, les choses allaient petit à petit s'améliorer. Après les classes, je rejoignis la base la plus proche de mon domicile, c'est à dire Istres. Là-bas, le soleil aidant, ce n'était déjà plus pareil. Ce fini les "une-deux, une-deux", j'étais là pour bosser. Et dans ma branche.

Certes j'y perdais côté salaire, 32 francs mensuels (l'équivalent de 40 euros) au lieu de 2000. Mais j'y gagnais en liberté puisque mes collègues étaient des pères de famille comme tout le monde, avec un uniforme dessus qui ne leur déteignait pas (trop) sur le cerveau, rien à voir avec les cinglés Charentais...

Ces pères de famille ne rêvaient que de week-end, moi de liberté. Nous devions faire 45 heures par semaine à l'époque, le dimanche étant bonifié à 30%. C'est ainsi que je ferai leur week-end et que j'aurai la semaine de libre !
Semaine type : Journée le jeudi, après-midi du vendredi, matinée du samedi, nuit du samedi au dimanche, et après-midi du dimanche.  J'étais libre du dimanche soir au jeudi matin. Parfois je demandais à ce que les "tours" soient plus resserrés, avec deux nuits de suite, ce qui me faisait gagner un jour.

7311a.jpg

Bref, je n'étais pas malheureux, et c'est avec une légère déception que, le 1er septembre, je fus "muté" à Orange. Un peu plus loin de chez moi (135 km), mais entre le train et le stop, il me fallait parfois moins de deux heures...

 

Sur cette photo je fête le "père Cent", date où le nombre de jours à effectuer devanient inférieurs à 100.

On notera ma sveltesse, c'est vrai que côté bouffe, j'espère qu'ils ne servent pas le même rata à leurs professionnels, car d'une part il y aura des ruptures de contrat en masse, et aussi des organismes très affaiblis.

 

Mais cette vie militaire m'aura quand même énormément marqué.

Pendant trois ans, je ne pourrai m'empêcher de marcher au pas, et de sursauter au moindre képi ou à la moindre casquette.

Quand je pense que lors de ma première permission, j'ai salué un... contrôleur SNCF !!!
Vu qu'il fallait saluer tout ce qui portait autre chose qu'un calot sur la tête, j'étais déjà bien formaté !

 

On dit que le service militaire "fabrique des Hommes". Moi je dirai "ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort, et les 93% qui réchappent de ce régime (oui je sais il reste 7% de pertes "autorisées") sont certes plus aptes à affronter les vicissitudes de la vie. Laquelle à côté de ce qu'ils auront vécu pendant 12 mois leur paraîtra de l'eau de rose.

Il y aussi le fameux "brassage" des jeunes gens, l'aristo du XVIème et l'agriculteur qui n'a jamais quitté son patelin. Là je répondrai que c'est comme les fruits : quand on mélange un fruit pourri à 10 autres sains, ce n'est pas le fruit pourri qui va devenir sain, mais l'inverse.

Moi j'aurai appris à boire, à boire des bières à la queue-leu-leu pour oublier où j'étais. Par chance, allergique au tabac je ne pouvais pas profiter des 10 paquets de clopes qui accompagnaient la "solde" en fin de mois.

Enfin, je trouve que priver des jeunes gens en pleine force de l'âge du sexe opposé pendant 4 semaines de suite est ni plus ni moins qu'aberrant.

Merci, Monsieur Chirac, d'avoir supprimé cette école du vice.

 

A bientôt pour de nouvelles aventures !

 

15:40 Publié dans détripage, moi, psy | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : armée