18/09/2010
Lune de miel (1983/85)
En 1983, alors au faîte de ma "gloire départementale", je prenais des tas de risques. D'abord je m'étais arrangé au boulot avec un collègue de 59 ans, je lui ferais ses nuits et lui me ferait mes journées. Déjà, une nuit sur trois, voire sur deux, à ne pas dormir.
Tous les jours, les 80 km pour aller au studio. Même quand je "sortais" de nuit. Et je ne vous dis pas la vitesse...!
Les nuits où je ne bossais pas, c'était boîte, au nom bien porté car pour emballer j'emballais :)
Le tout bien arrosé, le whisky m'était offert ils étaient tellement contents que "la vedette" soit chez eux !!! Bref je brûlais la chandelle par les deux bouts.
Mais j'étais heureux....
C'est en mai 1983 que Mme Cicatrice se pointa dans mon horizon.
Au moment où il fallait. Je me souviens de ce qui m'a plu en premier chez elle. A ma question "quelles sont les émissions que tu préfères parmi toutes les miennes ?" elle répondit "aucune, j'habite Briançon et je ne capte pas ta radio".
Cela signifiait que cette jeune femme (ravissante en plus) n'avait aucun a-priori sur moi. Je n'étais pas le "Patrick de Radio 5" mais "Patrick" tout simplement. Ca me changeait des "groupies" !!
On se plut, on s'embrassa, on fit l'amour et on ne se quitta plus.
Pour moi, sensation bizarre : j'étais "bien", tout en n'étant pas, je dois l'avouer, follement amoureux. Et venant d'où je venais, ça reposait pas mal...
Elle aussi faisait des rodéos pas possibles pour venir de Briançon à Embrun après son boulot (50 km) puis tous les deux en 2CV jusqu'à Gap.
Elle ne m'a jamais fait aucun reproche, mais je sentais bien que pour elle, même si c'était flatteur d'être le compagnon de "la vedette", ce n'était pas ça qu'elle désirait.
Et cette constatation m'a bien aidé au moment de prendre la décision de quitter la radio. Enfin la décision...
On fit les choses très vite.
En août je la présentai à mes parents, et elle me présenta aux siens.
Et là elle a été franche, en m'avertissant qu'elle avait subi un traitement neurologique, dont elle ignorait la raison, pendant de longues années. Elle ne prenait plus aucun médicament depuis 10 ans, mais tenait à ce que je sois au courant et que j'essaie de savoir par ses parents de quoi elle avait été atteinte.
J'obtins cette réponse: "Elle est guérie depuis ses 20 ans et de toutes façons ça ne vous regarde pas".
Je n'insistai donc pas. Si je n'étais pas renseigné sur sa maladie, au moins l'ai-je été rapidement sur ma future belle-famille ! Et sur ma future épouse, qui a vraiment été nickel sur ce coup-là.
Le mariage fut célébré en novembre, 6 mois après notre rencontre. Ca allait bien entre nous, nous voulions un enfant, pourquoi vivre à la colle ?
L'enfant sera à l'heure, il arrivera pile 10 mois après notre mariage. J'étais aux anges, mon ex était arrivée à me persuader que j'étais stérile...
Mais durant sa grossesse, elle me révéla qu'elle avait un genre de nausées.
Bah, des nausées pendant une grossesse, quoi de plus classique ? Mais quand même, certaines choses me troublaient, comme le fait de la voir cligner des yeux durant deux à trois minutes, sans raison apparente.
Je me souviendrai toujours du soir où elle devait accoucher. C'était une petite maternité, une de ces maternités promises à la fermeture car "non rentable". Le gynéco habitait à 110 km de là, et, voyant que l'accouchement se présentait très bien, mais qu'il risquait de se produire assez tard dans la nuit, me demanda si mon épouse souffrait d'une maladie quelconque.
Je répondis évidemment que non. Et il s'en alla.
Plus tard j'apprendrai que ma fille aurait eu de grandes "chances" de finir comme mon frère, c'est à dire morte à la naissance...
Mais le Destin veillait, et l'accouchement se passa sans encombre. Une belle petite fille de 3 kilos, toute brune et frisée.
Je commençai à m'interroger sérieusement quand ma femme me reparla de nausées. Que je sache, elle n'était pas de nouveau enceinte !
En mai 1985, notre fille avait 8 mois et on coulait des jours heureux. On proposa à mon épouse une place en or : directrice du département "Charcuterie" d'un supermarché qui se montait.
Oui mais...à 11 km. Sans le lui interdire, j'argumentai que cela serait très fatigant. Un supermarché classique pour, l'été, 50.000 clients potentiels !
"t'en fais pas, je suis solide..."
Elle était obligée de se lever à 4 heures et demie quand moi je bossais à 5h45, afin qu'elle puisse m'amener à la station.. Car au travail, les 2 x 12 c'était fini, remplacées par des journées de fou : 5h45/20h15 !!!
Elle tint comme ça 3 mois et demie. Heureusement que c'était l'été, des mois sans neige.
Et un beau jour de septembre...
Je la vis qui commença à me regarder d'un air bizarre. Puis ses yeux se révulsèrent, elle leva le bras droit, et prit une voix horrible, exatement celle qu'on entendait dans l'"exorciste". Elle se roula par terre en se mordant la langue, et continuant à hurler avec cette voix horriblement inhumaine.
J'étais pétrifié. Une forte envie de m'évanouir me prit, mais j'eus quand même la force de prendre ma fille sous le bras et de filer chez une voisine. Nous habitions un petit lotissement de 10 maisons accolées, une vraie famille où tout le monde s'entraidait.
Un médecin fut vite appelé, pendant que les voisins et moi assistions, sans pouvoir rien faire, à cette horrible scène. Quand il arriva, il me posa cette simple question : "ça fait longtemps qu'elle fait de l'épilepsie" ?
Epilepsie.
Ce mot, je l'avais souvent entendu, mais comme pour les accidents de voiture, on pense que c'est toujours "réservé aux autres". Et bien non.
La semaine qui suivit, elle fit une dizaine de grosses crises. De plus en plus espacées grâce au médicament - toujours le fameux gardénal - qu'on lui avait prescrit.
Et peu à peu, je m'habituai à ses maudites crises. Alors que l'entourage, lui, le plus souvent préférait tomber dans les pommes... Mais c'est vrai que pour les 5 ou 6 premières, à chaque fois j'étais pris d'une violente fièvre et je devais me coucher.
Hélas son caractère changea brutalement. J'avais épousé une jeune femme douce et posée, je me suis retrouvé du jour au lendemain avec une mégère colérique...
En plus, il fallait éviter que ma fille la voie en crise, mais quand même la prévenir que "si maman tombait par terre et disait des choses bizarres, il ne fallait pas avoir peur, et appuyer sur le bouton rouge du téléphone". A 3 ans, ma fille savait comment appeler le SAMU. Et elle l'a fait plusieurs fois...
Les SAMUs.... Vu le nombre d'hopitaux que j'ai fréquentés en urgence, je pourrais très bien collaborer à ces magazines qui en font des classements annuels...
Là, par exemple, je sors de Pontarlier, mon 34 ème hôpital !
Ma fille a grandi avec l'épilepsie de sa mère.
Au début, elle prenait ça plutôt bien. En 1988, lors d'une crise survenue sur une autoroute, où ma femme de par ses gestes brusques - elle devenait souvent très agressive et sa force était décuplée - gênait ma conduite, ma fille (4 ans à l'époque) me dit "papa, il faut laisser maman sur le bord de la route, on la reprendra quand elle ira mieux"....
Mais hélas, cette fraîcheur ne devait pas durer longtemps, et plus elle grandissait, plus elle était choquée de voir sa maman dans cet état.
Elle n'a jamais connu ou presque sa "vraie maman", sa maman sans maladie, l'adorable jeune femme aimante et douce que j'ai côtoyé de 1983 à 1985. Elle ne connaîtra que la mégère, celle qui le soir de Noël 1990 mit mes parents dehors de chez nous, sous prétexte "qu"elle n'aimait pas les vieux". !!!
Entre l'attitude pourrie avec moi et notre fille de la part de mes beaux-parents, plus ce caractère impossible, j'étais persuadé, en ce jour de Noël 1990, que nous ne finirions pas la route ensemble.
Mais il fallait attendre. Attendre la fin des crises, et aussi que notre fille grandisse. Je ne savais que trop comment elle serait reçue chez les beaux-parents, la "fille de ce salaud"...
Un mois passa, rien.
Ma fille et moi trouvions ça bizarre, un mois sans crise. Puis deux, puis trois... Puis un an.
A ce stade ma femme alla voir un professeur de neurologie de Montpellier qui lui diminua progressivement ses médicaments. Afin qu'elle soit moins "ensuquée". C'était un gros risque, mais qui ne tente rien n'a rien.
Fin 1993, elle arrivera à la dose minimale, et une prof de neurologie de Montpellier lui assura qu'elle était désormais stabilisée.
Pas guérie, cette maladie on l'a à vie. Mais pratiquement plus aucune chance qu'elle ne refasse une crise...
Allait-elle voir le bout du tunnel ???
(à suivre)
18:50 Publié dans détripage, moi | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : épilepsie
Commentaires
Voilà le genre de situation qui fait murir nos enfants plus vite que la musique !!!
Écrit par : Teb | 18/09/2010
Et qui les fait fuir, aussi :(
Bises
Écrit par : Cica pour Teb | 19/09/2010
Quelle angoisse durant ces crises... je ne sais même pas si on peut imaginer le ressenti que tu as pu avoir, ainsi que ta fille!
Écrit par : CriCri | 19/09/2010
C'est inimaginable comme sensation. On a vraiment l'impression de vivre un film d'horreur, que tout cela n'est pas vrai, d'autant que l'"interprète principale" est ta propre épouse ! Déjà voir quelqu'un faire de telles crises, c'est "hard" (j'en connais pas mal qui se sont évanouis devant mon épouse quand elle faisait ses crises) alors quelqu'un de proche....
Je peux dire qu'il y a un "avant" et un "après" septembre 1985. Comme je l'ai dit, elle changera du tout au tout, je ne la reverrai "comme avant" qu'à l'hôpital, sous Rivotril. Avec son regard de 83/84. Mais sinon, elle est devenue une mégère à l'oeil mauvais qui engueule tout le monde, un peu comme les volcans en sommeil, tantôt fumant, et c'est la crise d'hystérie - qui peut aller loin, comme par exemple de mettre à sac l'ANPE de Mende - et si c'est l'éruption, c'est alors la crise généralisée.
Notre fille va vivre avec l'épilepsie de sa mère pendant toute son enfance, jusqu'à ses 10 ans. Je prendrai ensuite le relais, mais ça c'est une autre histoire....
Bises
Écrit par : Cica pour Cricri | 19/09/2010
Et le traitement sous Rivotril au "long cours", ce n'est pas envisageable?
Écrit par : CriCri | 20/09/2010
J'ai posé la question.
On m'a alors indiqué que ce médicament était très dangereux à haute dose, ou à dose continue.
Pire, que dans ce cas l'effet produit est contraire au résultat désiré, en gros que ma chère et tendre deviendrait alors encore plus "hystérique". Un peu comme l'alcool qui, pris à petite dose, désinhibe (et parfois fait d'un mauvais conducteur un bon, mais chhht faut pas le dire) mais à dose plus fortes provoque des ravages (et donc chez les conducteurs !).
Voici un lien qui te résumera la chose
http://www.temoignages.re/rivotril-attention-danger,12181.html
Bisous.
Écrit par : Cica pour Cri-Cri | 20/09/2010
C'est compréhensible! Ceci dit, c'est étonnant aussi... certaines personnes que j'ai en charge ont un traitement pour l'épilépsie en prise quotidienne, et ce depuis des années... mais par contre j'ignore de quels médicaments il s'agit, si ça se trouve ils font aussi des "pauses", je ne sais pas!
Écrit par : CriCri | 21/09/2010
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