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08/10/2010

L'acharnement - 1

Malgré cette maladie qui pose ses premiers jalons, malgré, pour moi, les effets des médicaments - envie de dormir permanente, entre autres -, malgré cela nous continuons à y croire. D'autant que cela nous sera facilité par l'embauche en CES de mon épouse. Plus besoin d'échafauder des plans abracadabrantesques pour nous voir.

Surtout que notre vie en couple durant ce mois de juillet nous a laissé un tel souvenir que nous brûlons d'envie de recommencer...
La plénitude de s'endormir à deux, enlacés comme pas possible, et surtout de se réveiller à côté de l'être aimé, se demandant si l'on est réellement réveillés, où si cela fait partie de la "vraie" vie.
Ces nuits-là nous manqueront tellement que l'on viendra à imaginer un stratagème pour les revivre.

Pour cela nous allons profiter de mes nombreux déplacements au siège Régional de la boîte, c'est à dire Marseille. Je l'ai dit - et mon épouse le sait - que, tenant à mes os, je ne tiens pas du tout à aller en voiture dans la cité phocéenne et que du coup je prends le train. Pour l'aller pas  de souci, partant à 18h, j'arrive à St Charles à 23h34. Mais pour que je puisse rentrer le lendemain soir à Mende, il faudrait que je sois quitte à 16h. Ce qui n'est jamais le cas. Force m'est de coucher une seconde nuit à Marseille.
Cela, je le fais régulièrement depuis 1987, et si mon épouse a eu quelques soupçons au début, assez vite elle a admis que je ne pouvais faire autrement.

Ces déplacements ont lieu environ 4 fois par an : Réunions d'information, réunion syndicales, stages même.
Et c'est ainsi que la seconde nuit se passera désormais avec Nat, dans un hôtel d'Alès - 1 heure et demie en voiture - , un hôtel différent à chaque fois. Je pense qu'en-dehors des hôtels de passe, nous avons dû tous les faire !
Non, nous ne sommes pas décidés à baisser les bras, un amour comme le nôtre ne mérite pas qu'on les baisse au premier coup de vent - quoique là on en arrive au stade du Grand Frais - et du coup, je me réduis de moitié ma ration d'anxyolitiques.

Et pour bien marquer le coup, elle sera avec nous chez mes parents le week-end de l'anniversaire de ma fille. Présentation "officielle" de Nathalie à mes parents...


Fiasco total. Miracle, mon père, lui, le sauvage, le misanthrope, a la même réaction que l’an passé à la communion. Il est sous le charme. Et fait tout son possible pour qu’elle soit bien.

Mais ma mère, elle, ne la saque pas. Et elle lui envoie des vannes dès qu’elle peut. Le repas du soir se passe très mal, celui du lendemain midi encore plus mal. Pourtant Natou sera parfaite. Très polie, très discrète...
En fait je saurai pourquoi bien plus tard, par un cousin :

De deux choses l'une : Soit cet amour est à sens unique, et alors elle déteste légitiment celle qui ferait souffrir son fils.
Soit nous nous aimons pour de bon, et alors ça signifierait divorce, et leur petite-fille en Normandie, qu'ils ne reverraient jamais. En 1994, mes parents ont 82 ans...

Nat souffrira énormément de ce rejet de ma mère. Comme moi je serai mal à l'aise face au rejet de la sienne.
J'aurais dû retenir la leçon de mon premier mariage : quand les parents sont contre un couple, celui-là ne va jamais bien loin...

Octobre arrive. Nat et moi commençons à redresser la tête. Nous profitons au maximum des occasions qui nous sont données d'être ensemble. Nous allons très souvent au cinéma, nos mains l'une dans l'autre pendant près de deux heures...

Mais également, nous avons de plus en plus de scrupules vis à vis de mon épouse. Laquelle - je ne saurai jamais pourquoi - multiplie pourtant les occasions de nous voir en dehors du boulot. Invitations à dîner, promenades les après-midi... Elle le fera jusqu'au bout !
Je sais mon épouse intelligente et intuitive, et je me demande encore le pourquoi de cette attitude...

Par exemple, c'est devenu un rite, après chaque soirée chez nous, Nat insiste pour que je la raccompagne chez elle. A l'étage du dessous  !
Et le "raccompagnement" durera à chaque fois près d'une heure !!
Et jamais mon épouse ne me l'interdira ce "raccompagnement" qui fut parfois torride.

Novembre. Ma feuille de notation. "D'évaluation", litote-t'on maintenant.
Je m'attends au pire. En fait je serai très surpris :
___________________________________________________________________

Cet agent est passionné par son métier, dont il maîtrise tous les aspects avec brio. A su cumuler les tâches d’exploitation à celles de directeur départemental de novembre 93 à février 94. . Excellent agent..
____________________________________________________________________

Mais en revanche Nathalie est saquée.
Pas mal joué, pour semer la zizanie dans le couple : Il ne pouvait déjuger ses prédécesseurs, qui m'encensaient depuis des années, mais qui restaient réservés vis à vis de ma bien-aimée.

Elle ne m'en veut pas, au contraire, mais elle est peinée, immensément peinée de  se voir si mal jugée. Et du coup commence à perdre la confiance en elle qu'elle avait réussi, sur le plan professionnel,  à accumuler depuis deux ans.

Très dure pour elle, cette période. Rejetée par ma mère, rejetée par le travail...
Heureusement, il lui reste notre amour, qui lui n'est pas soumis à des notations annuelles.

12 novembre 1994. Pour moi, 11ème anniversaire de mariage !

A partir de cette date notre lutte ne sera plus la même.
Avant nous luttions pour rester ensemble, pour essayer de tenir le coup jusqu'en 2002, date à laquelle nous pourrions nous marier et faire de beaux bébés.

Mais ensuite, ce sera différent. Car il s'agira désormais ni plus ni moins de survivre, face aux coups de massue répétés que notre tortionnaire va nous infliger. Finis les projets à long terme, même à moyen terme, nous devrons désormais essayer de tenir jour après jour.

Le 12 novembre donc, notre tortionnaire passe au boulot, pour nous dire qu'il a prévu une réunion du personnel pour le jeudi 17. En ajoutant, le sourire carnassier aux lèvres, que nous n'allions pas trop être contents de ce qui allait en découler, certains de nos privilèges (sic) seraient dorénavant abolis.

C'est à cette occasion que j'apprendrai que la "réunionnite" à outrance est peut-être une des meilleurs méthodes de harcèlement qui soit. Je reviendrai - longuement - là-dessus, mais pour moi, de novembre 1994 à ... septembre 2006 (!) réunion rimera très souvent avec coups de bâton..

Quand notre tortionnaire quitte la pièce, Nat prend un rictus qui ne trompe pas. Et ses pleurs suivent. Quand à moi, je vais être pris d'un tremblement qui ne me quittera pas de la journée.
Il faudra appeler le médecin, qui me prescrira encore plus de médocs.

A partir de ce jour, ils vont de plus en plus prendre le pas chez moi, allant jusqu'à me transformer en parfait zombie.  Partant de 6 comprimés quotidiens en cet automne 1994, je vais arriver à ...14 quelques mois plus tard : un coktail à base de Xanax, de Lexomil, de Prozac, de Rohypnol et de Témesta.


Effectivement, il avait eu raison de nous prévenir.
C'est l'artillerie lourde qui se déclenche ce jeudi 17 : D'abord, fini les journées ensemble. Dorénavant, il faudra que nous nous "mélangions" entre collègues. L'argument étant qu'il n'y ait pas de "clans".

Et pour mieux marquer cette frontière, Nat et moi seront interdits de ... pause-café le matin ! Seuls notre tortionnaire et nos deux autres collègues y auront droit.
Et ce sera l'occasion pour nous - désormais séparés - d'entendre lors de ces pauses-cafés des phrases peu amènes à notre sujet, chuchotées/marmonnées au cours de ces pauses, mais néanmoins parfaitement audibles.

Je suis conscient, en écrivant cela j'imagine que les lecteurs auront du mal à le croire. C'est vrai que dans les blogs j'ai vu pas mal d'histoires de harcèlement moral mais qui n'ont - heureusement - jamais atteint un tel degré.

Seconde décision : Obligation de prendre nos repas sur place.
Notre tortionnaire a vu que nous étions dépressifs, et a dû se renseigner sur le fait que pour un dépressif "la maison" est le refuge. Nous priver de cette "plage" entre deux séances de bombardements accélèrerait à coup sûr le processus. 
Par chance, un collègue, habitant à 7 km de là, et ne voulant pas faire les frais de l'acharnement de Chef Adoré contre nous fera valoir qu'il n'y a pas de coin-cuisine pour manger sur place.

Et notre tortionnaire va aussitôt sauter sur l'occasion pour réaménager de fond en comble les locaux. Là aussi il fera fort... j'y reviendrai.

Il annonce aussi que ce type de réunion sera désormais mensuel, la réunion se passant après le travail, pouvant se prolonger jusque tard dans la soirée s'il y a lieu ! Aucune objection ne sera prise en compte, circulez y a rien à voir...

En écrivant ces lignes, je me remémore ces années. Et je comprends de plus en plus pourquoi, moi qui pardonne tout, qui pardonne trop, je serais aux anges si on m'annonçait un jour la disparition de ce type. Il y a six ans je m'interrogeais sur un forum "Suis-je un monstre" ? A présent que tout ça m'est revenu en mémoire, je peux répondre non sans hésitation.
 

(à suivre)

15:33 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : harcèlement

Commentaires

Dans la 1ère partie de la note, le paragraphe parlant des entrevues concernant Nat, toi, ton épouse, le raccompagnement etc, franchement pour moi c'est issu de la science fiction, je ne sais pas comment vous avez fait pour garder la tête froide, tu vois moi dans ton cas, je me serais rendue à la police, genre, Culpabilité peine maxi, finie insomnique j en passe et des plus belles Sourire, Bises.

Écrit par : Christel | 09/10/2010

A l'époque, hélas, le harcèlement n'était pas "reconnu". Ce fut Marie-France Hirigoyen qui, avec son ouvrage, ouvrira la brèche deux ans plus tard.

Sinon, je t'avoue que, 15 ans après, je n'ai toujours pas compris pourquoi mon épouse nous facilitait ainsi les choses (invitations à dîner, raccompagnement, vacances à répétition....) !

Bises

Écrit par : Cica pour Christel | 09/10/2010

Ah je ne savais pas, Merci Marie France Hirigoyen. ♥

J'ai l'impression qu'on a vraiment vécu la même chose à tout point de vue Cica. Moi aussi je viens de vivre 2 ans de cauchemar au travail, a s'est fini en septembre 2010 , le mois dernier, sans compter que ma mère que je supporte depuis 40 ans a de forts penchants PN. LOL

Tout ça je l'ai découvert cet été. Je ne savais même pas le cauchemar que je vivais pendant des années, tu te rends compte....

On dit que c'est l'estime de soi qui est en dessous de zero, même si tu es quelqu'un de très bien qui fait beaucoup de bien autour de toi, bin si tu ne t'aimes pas, "genre tes parents t'ont dit toute ta vie que tu es une merde" le harcèlement se répète jusqu'à ce que tu dises "NON je ne mérite pas ça.

Je sais ce que tu as vécu, c'est l'horreur. T'as mal au ventre tous les jours t'arrive plus à penser, ni à te concentrer et pour couronner le tout : t'a perdu le gout de vivre. Je crois que je commence à comprendre Cica par rapport à ton histoire.

Big Bises à bientôt.
Et très bon dimanche.

Écrit par : Christel | 10/10/2010

Lol , tu brûles encore les étapes ! Je passerai d'ici quelques semaines sur le côté "je ne suis qu'une merde et je l'ai bien mérité", mais il me faudra attendre 1998 pour arriver à ce stade. Je te dirai aussi pourquoi j'ai décidé de stopper les médocs (1999) ce qui n'a pas arrangé mon cas. Surtout en février 2003.
Disons que je suis vraiment "bien" de ce côté que depuis mars 2007. Mes 4 dernières années de travail se seront donc terminées du mieux possible.
Bon dimanche à toi :)
Je t'embrasse

Écrit par : Cica pour Christel | 10/10/2010

C'est vrai qu'il s'agissait d'une autre époque mais... en tant que personne syndiquée (une note précédente parlait de rencontre syndicales à Marseille) il n'y avait vraiment rien à tenter? Je veux dire, interdiction de pause café, obligation de prendre ses repas sur place... ce sont des FAITS, pas comme peut l'être le harcellement moral et ses phrases pernicieuses (gros doute sur l'écriture du mot d'un coup) et souvent sans impact sauf si on les additionne et qu'on y ajoute un climat de tension, de peur...

Écrit par : CriCri | 11/10/2010

Attends, tu n'as pas vu le plus beau !!!
Mais pour répondre à ta question, c'est vrai qu'avec le recul, avec nos forces de nouveau intactes, on se dit mais quand même, on aurait pu faire quelque chose. Mais le propre de la dépression, c'est qu'on est tout à fait incapable de réagir... On devient le spectateur de sa propre déchéance.

Écrit par : Cica pour Cricri | 11/10/2010

Je sais bien... Et de toute façon quand on est traîné plus bas que terre, on a toujours peur que ça soit pire, par la suite, si on réagit!

Écrit par : CriCri | 12/10/2010

....jusqu'au moment où le couvercle est plein et l'où on réagit (trop) violemment. Tu liras mes années 2000, enfin leur début et tu verras ce que peut être un mouton enragé !
Bises

Écrit par : Cica pour Cricri | 12/10/2010

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