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04/02/2013

15ème anniversaire

C'était un matin ensoleillé. Le 4 février 1998.

J'étais arrivé à Vannes depuis quelques mois, ayant laissé en Lozère ses beaux paysages, mes parents et Nathalie.
Je n'y avais pas laissé ma dépression, en revanche, et après quelques semaines d'espérance, je m'étais vite remis à mes 14 comprimés quotidiens, cockail explosif d'anti-dépresseurs, de tranquillisants et autres somnifères.

J'avais certes réussi à fuir le tortionnaire du boulot qui m'avait rendu comme ça après 3 années d'acharnement, mais Nathalie s'était découragée et hélas côté boulot j'étais toujours au fond du trou, mes nouveaux collègues - sans me le dire - commençant à en avoir ras la casquette de ce boulet venu du Sud...

Néanmoins je persistais à vouloir apercevoir le bout du tunnel un jour.
Un jour j'arrêterais mes médocs, et pourrais récupérer mon niveau, voire plus. J'aurais alors une grande explication avec Nathalie, qui comprendrait peut-être que je n'avais pas fait de "choix", et je reverrai mes parents, surtout ma mère qui avait été desespérée par notre départ.

Oui, certaines de ces prédictions s'avèreront justes.
Le jour, par exemple où je pourrai travailler à l'aise dans 10 endroits différents et y faire du bon boulot, il arrivera mais il ma faudra attendre encore 9 ans.
L'explication avec Nat, elle viendra aussi, mais trop tard.
Quand au reste....

Les vacances de février approchaient, et nous devions nous rendre à cette occasion chez mes parents.

Mon épouse avait lâchement profité de mon état pour, en octobre, obtenir un prêt en vue d'acheter un terrain afin d'y faire construire une maison. Mais le montant du prêt (un des taux les plus chers du marché, au Crédit Foncier) était insuffisant pour couvrir tous les frais et du coup nous lancions des SOS désespérés à nos familles, qui bien que pétées de tunes, nous rembarraient rapidement.

Ma mère, l'année passée, m'avait pourtant fièrement montré ce qu'ils possédaient : entre les divers livrets, les assurances-vies, les SICAV et autres, ça se montait à environ 700.000 francs soir 130.000 euros actuels.
"tout ça sera pour toi, mon fils..."

Ils s'étaient fait mettre dehors très bêtement de leur appartement. Leur propriétaire vendait, et leur demandait le tiers de leur pécule pour qu'ils en soient propriétaires. Pourtant mon père avait refusé et avaient dû quitter les lieux ! Ils s'étaient alors retrouvés dans un gourbi du centre-ville où le soleil ne pénétrait jamais.
Ma mère avait été épuisée par le déménagement et déprimait d'avoir quitté son bel F3 ensoleillé d'où elle voyait la montagne.
Elle aussi comptait les les jours qui la séparait de notre venue, elle allait enfin revoir sa petite-fille unique, qu'elle adorait.

La veille, je m'étais disputé avec elle, je demandais à mon père un petit prêt de 50.000 francs (un peu moins de 10.000 euros) , qu'il m'avait refusé. Ma mère avait pris sa défense et j'avoue que j'avais été un peu sec ce soir là...



Ce fameux 4 février, donc.
Je ne conduis plus, sauf les 800 mètres qui séparent mon domicile de l'endroit de mon travail. Je peux me le permettre, car à l'heure de l'embauche (5h45) les rues sont désertes. Pour le retour mon épouse vient me chercher.

Il fait frais, il gèle légèrement, et le ciel est constellé d'étoiles. Une belle journée s'annonce.

J'arrive, comme d'habitude, au boulot avec 1/4 d'heure de retard, je bois deux ou trois cafés pour essayer d'émerger et je me mets lentement, très lentement, au travail.

Sur les coups de 8h45, coup de fil.

C'est mon épouse.

"tu es assis ?"
Et sans le temps de pouvoir lui répondre quoi que ce soit elle assène :
"ta mère est morte"...

Certes, sa c...ne de soeur aînée lui avait annoncé de la même façon la mort de la sienne, mais pas une raison !!!

J'ignore alors comment j'arrive, tel un automate, à revenir en voiture chez moi... Outre que je n'ai pas conduit depuis près de trois ans dans la circulation, la pensée que plus jamais je ne verrai ma maman m'a complètement envahi...
Il y a un Bon Dieu pour les conducteurs du dimanche, car j'arrive à me garer sur ma place de parking.

Mon épouse prend vite les choses en main, et décide le départ immédiat, afin d'arriver le soir même.

Vous pouvez regarder Mappy, le voyage Vannes-Le Vigan (804 km) demande 10h39 actuellement. A l'époque, les routes étaient loin d'être ce qu'elles sont aujourd'hui, 13/14 heures étaient un minimum.

Il était 10h30, mon épouse avait été chercher notre fille au collège, elle prend le volant et on part.

Là encore, en 1998 les radars automatiques n'existaient pas !!

Nantes est atteinte en 1 heure, nous sommes à Niort à 13h30 !!! C'est à la "cafétéria Mendes-France" que je regarde mon épouse manger.
On n'y reste pas longtemps !!! Les 160 km qui nous séparent de Limoges sont avalés en deux heures...

Il est 16h, il nous reste la moitié du chemin à faire. La plus dure...
Mon épouse se rend compte alors qu'on ne pourra pas rellier le Gard avant demain.

Limoges est bourrée d'hôtels, je lui demande de s'arrêter là, elle refuse.

Cap au sud, donc.
Pas question non plus de faire étape à Brive, où nous sommes à 17h. Le jour décline sérieusement.

A partir de Decazeville, enfin elle consentira à essayer de trouver un hôtel. Mais ce n'est qu'à Rodez que nous trouverons quelque chose d'abordable, l'hôtel de la gare.

Pas question encore une fois de manger quoi que ce soit !
Et malgré mes 14 comprimés, je n'arrive pas à fermer les yeux avant 2 heures du matin.
Ce que j'avais tant redouté depuis des années, depuis son infarctus de 1984 est arrivé : je suis orphelin...

Tout en me demandant si je n'étais pas quelque part responsable de son suicide. Passif mais suicide quand même.
Je peux dire que désormais je connais par coeur les paroles de la vieille chanson "qui a tué Davy Moore" ...

Je vous embrasse.

14:34 Publié dans détripage | Lien permanent | Commentaires (4)

Commentaires

Ne pas chercher par tous les moyens à etre responsable de la mort des siens...D'ailleurs,dans la chanson,à la fin,il dit bien:"c'est le destin"...je t'embrasse.

Écrit par : lynda | 05/02/2013

J'ai réalisé finalement au bout de quelques années que je n'avais été que la goutte d'eau.
Ma mère avait été très "entamée" par notre départ forcé à l'autre bout de la France. Elle avait ce jour-là donné une énorme bague à ma fille, en lui disant "je ne sais que je ne te reverrai pas"...
Premier responsable, et largement : ce départ, donc le tyran qui me servait de chef entre 1994 et 1997.

Ensuite, leur déménagement. Mon père n'avait pas voulu participer à quoi que ce soit et ma mère (40 kg) s'était coltinée pas mal de choses.
Du coup sa maladie de coeur avait empiré.

Troisièmement, le gourbi : Ils avaient atterri dans un taudis misérable sans lumière, j'ai encore la lettre de ma mère me disant "je ne vais pas tenir longtemps ici..."

Je n'ai été que la goutte d'eau, donc. Là ça a été moi, ça aurait pu être autre chose. Non je ne culpabilise plus...

Je t'embrasse.

Écrit par : Cica pour Lynda | 05/02/2013

Syndrome du nid vide...toutes les mamans connaissent ça un jour ou l'autre...si en plus le mari n'est pas facile....Je t'ai lu,larmes aux yeux...ma fille est partie continuer ses études à l'autre bout de la france (par rapport à là ou je suis)...Je t'embrasse avec toute ma peine!

Écrit par : lynda | 05/02/2013

Les papas aussi.... en 2004 ma fille est allée faire ses études à 700 km... Elle préférait les copains à la maniaco de son père et l'épilepsie de sa mère. Je la comprenais mais j'ai eu mal, très mal... Cette année-là j'ai vraiment pété les plombs !!!
Le pire ce fut l'accompagner dans son appartement. Je me revois, le matin, la regarder prendre son métro à travers les carreaux...
Je suis reparti très vite, j'ai fait Rennes-Biarritz sans m'arrêter à 125 km/h de moyenne !
Là encore, j'ai du mal... te dire !
Je t'embrasse.

Écrit par : Cica pour Lynda | 05/02/2013

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