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22/01/2021

Mon premier blog : Le harcèlement au travail (mai 2005)

le harcèlement moral au travail


C'est comme les accidents de voiture, on pense que ça n'arrive qu'aux autres... Hélas non, et je vais vous raconter mon expérience, qui sans aucun doute va vous édifier.

Je suis fonctionnaire, depuis 1971, dans une entreprise publique, dont, par charité ( et par prudence aussi ) je tairai le nom. 

Je passe sur mes 22 premières années de carrière qui se sont déroulées façon "long fleuve tranquille".

Pourtant, durant ces 22 ans, j'avais pas mal bourlingué, des Cévennes à la Région Parisienne en passant par les Alpes et l'Aveyron. Pour finir en Lozère.  J'avais enfin atteint mon but, et je pensais y finir ma carrière. Le pied, quoi !

J'y débarquai en mars 87, et d'entrée je me mis au diapason avec les collègues, et les différents chefs qui se succédèrent.

Pour le dernier je n'eus aucun problème vu que c'était... moi !
Je m'étais retrouvé dans ce rôle très précipitamment, le dernier boss en date ayant réussi un concours et étant parti au triple galop .

Ce rôle de chef, je l'assumais bien, mais il était quand même relativement éprouvant. J'avais "sous mes ordres" deux femmes, et le courant passait bien entre elles et moi ( mais pas du tout entre elles ).  Ce n'était pas de travailler avec des femmes qui rendait ma tâche éprouvante, bien au contraire ( c'était des bosseuses hors pair ) mais plutôt de devoir me taper 50 à 60 heures hebdomadaires. Et surtout l'une de ces collègues était l'élue ( interdite ) de mon coeur, j'intégrais donc très mal le fait d'être l'homme de sa vie "à la ville" et son supérieur hiérachique "à la scène" et je me résolus à demander quelqu'un pour me remplacer dans ce rôle.

J'aurais dû m'abstenir... C'était un "jeune" ( de 32 ans quand même ) , sorti à peine de l'école, qui d'entrée de jeu à commencé à se prendre la grosse tête.

Une des mes deux collègues, à l'annonce de son arrivée demanda illico sa mutation.

Elle fut remplacée par deux hommes, numériquement on y gagnait...

Logiquement cette petite équipe de 5 aurait dû tourner comme une horloge, mais c'était sans compter sur la personnalité de mon "remplaçant". Il avait compris tout de suite qu'il fallait diviser pour régner, et il appliqua très vite ce précepte.

Il commença à nous diviser en deux clans, les "jeunes" - les deux nouveaux arrivants - et les "anciens", soit moi et ma collègue de même pas 26 ans... Le fait que cette jeune femme ait repoussé ses avances n'a certainement pas dû être étranger à cet état de fait.

Et le harcèlement commença.

D'abord contre le "maillon faible", c'est à dire la jeune femme, bien entendu, par besoin de basse vengeance. Il  n'arrêtait pas de la critiquer pour un oui pour un non, alors qu'elle était arrivée au "top" de la profession. A l'inverse de notre tortionnaire, dont nous nous demandions elle et moi comment il avait pu arriver à ce grade.

Je pris bien évidemment la défense de ma bien-aimée ( mais j'aurais fait pareil pour n'importe quel autre collègue, je déteste l'injustice ) et c'est alors c'est sur moi qu'il concentra le tir.

Il avait bien saisi - les regards ne trompent pas - dans quelle situation bancale je me trouvais, et bien entendu en a profité à fond.


Ce fut très exactement le 8 juillet 1994.

Sur le moment, c'est la colère qui me submergea. Puis l'inquiétude. Et enfin la terreur.

Il mit rapidement au point un stratagème imbattable :  des réunions mensuelles, qui ne servaient à rien sinon qu'à régler ses comptes. Pendant deux heures on débattait " du sexe des anges", puis quand venaient les fameuses "questions diverses" c'était alors l'assaut !

Tant ma collègue que moi en prenions plein la poire. Il nous humiliait devant les autres en se délectant. Le must pour lui c'est quand il arrivait à faire pleurer la jeune femme...

Donc, comme je l'explique sur ma note "dépression", je me mis à avaler des kilos de comprimés, jusqu'à 14 par jour. Pas question de nous arrêter ni l'un ni l'autre car nous savions que dans ce cas celui ou celle qui resterait prendrait double ration...

Au bout de deux ans, miraculeusement, nous tenions encore sous ces "bombes". Car si nous ne voulions pas quitter ce département si cher à notre coeur, nous tenions encore moins à nous faire séparer.

Cercle vicieux, mon travail bien évidemment s'en ressentait, et les reproches pleuvaient encore plus. D'où une plus forte prostration, etc. En septembre 1996, il n'hésita pas à virer - par la force - mon épouse qui était venue me voir au boulot...

Le coup de grâce fut porté en mars 1997, où ce triste sire envoya un rapport circonstancié - et entièrement mensonger - à la Direction de la boîte pour demander une mutation disciplinaire contre ma petite collègue.

Celle-ci dut alors se résoudre à partir, et moi, ne pouvant envisager d'être l'un sans l'autre sous la coupe de notre tortionnaire, demandai à mon tour une mutation. Que j'obtins facilement, vu mon ancienneté.

L'histoire aurait pu s'arrêter là. Du moins du côté strictement professionnel. Mais non.

Je pensais naïvement que de changer d'endroit allait tout faire rentrer dans l'ordre, pour moi c'était évident, plus de harceleur = plus de harcelé...

Déjà, mes nouveaux collègues ne furent pas ravis de voir arriver l'incapable que j'étais devenu. Dans mon métier, il faut se recycler en permanence, et ma dépression m'avait fait perdre 3 années, pas évidentes à rattraper. J'étais en quelque sorte "le boulet" de l'équipe, celui derrière lequel il fallait tout le temps repasser...

Ils commirent l'erreur de ne pas m'en parler, de ne pas me demander si j'avais un problème ( pourtant ma démarche et mon élocution étaient assez éloquentes ). Au lieu de ça, ils "prenaient leur mal en patience", n'attendaient qu'une seule chose, c'est que je m'en aille.

Hyper intuitif, je ressentais ce rejet, et je serais bien parti si... mon épouse, profitant du fait que j'étais  - sous l'effet des antidépresseurs - incapable de prendre une décision, n'avait entrepris de construire une maison ! Et donc, pour le coup, j'étais vraiment coincé...

D'autant que pour ma fille, je jouais en permanence la comédie. Du Dany Boon avant l''heure. En rentrant du boulot, je disais que la journée s'était super bien passée, alors que personne ne m'avait adressé la parole, si ce n'est pour me reprocher quelque tâche mal effectuée.

Elle était si contente que j'aille mieux...

Sur ces entrefaites je perdis ma maman, qui était devenue désespérée de me voir parti à l'autre bout de la France. Cela n'arrangea pas tellement mon moral...

Et je finis quand même par craquer un an après la mort de ma mère, lorsque, en avril 99, le chef décida de me "rétrograder". 

Sentant que je ne pourrai faire face tout seul je mis alors ma petite famille au courant, et parallèlement je stoppai tout médicament. Par effet rebond s'ensuivit une maniaco-dépression, où alternèrent des périodes d'hyperactivité ( que je mis à profit pour récupérer mon retard professionnel ) et d'abattement total où je ne pensais qu'à une chose, me tuer.

Cela dura 4 années. Jusqu'au 23 février 2003 où, tranquillement, sereinement même, j'avalai 35 comprimés de rohypnol.

A présent je suis dans une autre région, j'ai intégré une nouvelle équipe qui n'est pas au courant de mon "passé" et je pense être plus ou moins admis.

D'autant que... on me proposait la place de chef, et là, pas par intérim, mais de façon définitive.

Directeur de Biarritz, quelle belle carte de visite...

Mais je préférai refuser, ne voulant plus m'exposer. Cependant, je reste sans cesse aux aguets. Je guette le moindre signe qui pourrait annoncer un retour à ces 9 années pourries. J'ai bien pris soin cette fois de ne pas acheter un bien immobilier, prêt à me faire muter à la moindre alerte. Même si je n'ai que 6 ans à faire, je sais que je ne pourrai jamais revivre ce que j'ai vécu.

Visiblement, cette cicatrice-là ne s'est pas encore refermée...

Merci d'avoir pris la patience de me lire.

Rédigé le 04 mai 2005 à 15h32 dans Elle, Moi, Psy | Lien permanent | Commentaires (1)

 

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Un commentaire "de charité" sur cette note où je me livrais à fond.  En ce début mai, où je sentais que ma dépression était derrière moi,  avec ma maison en construction j'étais résolument tourné vers l'avenir, que j'imaginais tout rose.

Ce qui sera vrai au niveau travail, mes 4 dernières années seront les meilleures de ma carrière, retrouvant sur ma feuille de notation annuelle, l'appréciation "excellent élément", renouant avec 1994. Je serai le Gérard Klein de Météo-France, polyvalent pour remplacer des collègues aux 4 coins de la France et dans tous les métiers. Mon graal sera atteint à Guéret en aout 2007 où je serai amené avec un ancien collègue de Mende, un autre Gérard, qui me félicitera d'avoir pu remonter cette pente qui semblait insurmontable.
Quand je ferai mon pot de retraite, le directeur interrégional se déplacera.

 

 

Commentaires

Patrick , tu as eu un sacré courage pour avoir vécu tout ça . heureusement que maintenant c'est du passé . amitiés . Jean

Écrit par : jean | 22/01/2021

pour avoir travaillé comme toi Patrick dans une agence régionale avec une configuration semblable (un directeur, une assistante, quatre commerciaux) je comprends et ressent tout à fait ton récit, selon la personnalité du directeur l'ambiance du travail peut être complétement différente, à la fin des années 90 j'ai moi-même pensé un moment démissionné tellement les relations avec mon responsable devenaient explosives, heureusement cela n'a pas tourné pour moi jusqu'à la dépression et qu'il est reparti au siège à Nanterre au bout de deux ans. En ce qui te concerne j'admire ton courage car tu t'es accroché et tu as pu rebondir et terminer brillamment ta carrière professionnelle avec une certaine sérénité. Amitiés à tous, Renaud.

Écrit par : Renaud | 23/01/2021

Je ne suis pas rancunier. Beaucoup m'ont fait des crasses, j'ai fini par leur accorder des circonstances atténuantes et j'ai pardonné. Même au collègue de Vannes aux doubles initiales et au nom prédestiné, qui est un vrai "méchant".
Mais en ce qui concerne le triste sire dont je parle ici, je vous assure que si j'apprenais son décès, je sablerais le champagne !
Il m'a TOUT pris : ma santé, l'amour, mon travail, ma dignité, mon cadre de vie, ma fille (qui face à une mère immature a dû se débrouiller toute seule de 1995 à 1998) et peut-être ma mère, par ricochet.
Son leitmotiv était "si tu n'étais pas fonctionnaire, tu serais SDF"... Il navait pas tort.
Je suis fier de moi quand je songe à ma remontée professionnelle. En 1998 je ne savais plus rien faire. Puis pendant 5 ans j'ai multiplié les stages de remise à niveau. En 2003 j'obtiendrai un 12/20 au concours d'ingénieur, que j'avais passé pour me "tester". En 2004, la directrice de Région me proposera d'être le patron du centre de Biarritz (que je refuserai). En 2007 j'obtiendrai mon bâton de maréchal, à savoir le poste de polyvalent, qui me permettra de travailler partout (aéroports, marine, montagne, agriculture, prévision régionale) et donc en 2007 je retrouverai Gérard, qui à Mende me trouvait le matin par terre en train de dormir. Et quand il me dira "Patrick je n'en reviens pas, tu es devenu très pointu", je savais que ma "parenthèse" de 10 ans était derrière moi.
Mais je n'ai jamais retrouvé la santé. Des 14 comprimés le soir je suis passé à 4, les "obligatoires" suite à ma grande dépression (dans le Haut-Doubs j'étais remonté à 8). Idem ma fille, qui a coupé les ponts soi-disant parce que je me suis séparé de sa mère. Comme le font un couple sur 2 !
Non elle est bien trop intelligente pour priver ses enfants de leur grand-père pour des histoires comme ça. La vérité (et je la comprends) c'est ces années de déchéance qu'elle ma vu vivre entre 1994 et 1998, à l'âge où justement les enfants se construisent. Certes j'essaierai de me rattraper et lui ferai passer deux classes "au forceps", mais le mal était fait.
Je pense que Hug aura certainement un commentaire sur cette vieille note d'il y a 16 ans.
Amitiés à vous deux.

Écrit par : Cica pour Jean et Renaud | 23/01/2021

Que dire, que dire…

Bravo pour avoir surmonté ce harcèlement! J'ai moi-même vécu du harcèlement…mais je ne vais pas la jouer Cloclo "Ouin, j'ai besoin d'amour!" et ne vais donc pas délier cette période de ma vie.






Pas la peine d'insister, j'ai dit non!

Écrit par : Hasni | 23/01/2021

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