20/08/2010
Le choriste II (1964)
Voici quelques semaines, j'écrivais une note ( souvenirs-d-enfance-le-choriste.html ) sur une chorale guindée dont j'avais fait partie à la fin des années 50 et au début des sixties.
Pour résumer, j'étais soliste (presque malgré moi) dans une chorale qui alait devenir célèbre et qui, par conséquent, ne pourrait pas intégrer - surtout à la première place - un gosse de pauvres. Et donc, le premier prétexte fut bon pour me virer. Ce qui ne me dérangea pas trop, ayant autre chose à faire que me pavaner en aube les dimanches matin à la grand-messe de St Germain des Prés.
Au printemps 1964, je n'avais toujours pas mué. Et cette fois, c'est au lycée (à l'époque le lycée commençait dès la 6ème - voir Pagnol !) que se monta une chorale, qui devait faire beaucoup moins de bruit.
Les répétitions se faisaient chez un camarade, rue Guynemer, à quelques mètres de chez les Mitterrand.
Je fus là encore bombardé soliste, mais l'ambiance était nettement plus cool. Cette fois ce n'était pas une affaire de parents, mais un truc qui venait des gamins eux-mêmes, sous l'égide de l'aumônier du lycée.
Je ne ferai qu'un seul concert.
A Garches, à l'hôpital Poincaré, devant un parterre de jeunes en fauteuil.
Rien à voir avec les demoiselles de St Germain des Prés....
Autant j'étais "cool" pour ma première "carrière", pas impressionné du tout devant la salle Gaveau, autant là j'étais tendu. Nous nous devions - et moi avec - de donner le maximum à ces jeunes qui ne méritaient pas leur sort.
Honte à moi, je ne me rappelle plus du répertoire qu'on leur offrit, mais en revanche, je me rappelle m'en être assez bien sorti, malgré un malaise persistant.
Ce dont je me souviens en revanche, c'est que en descendant de la scène, une petite fille en fauteuil me tendit la main et me dit "merci".
Je lui rendis son "merci", lui fis la bise, et sans attendre les autres, je me suis enfui. Vers la gare, où j'ai pris le train de St Lazare, puis le métro sans desserrer les dents, jusqu'à chez moi, où toujours sans un mot je fonçai dans ma chambre.
Et là, enfermé à double tour, je me mis à pleurer à chaudes larmes, pendant plus d'une heure.
Je ne suis plus jamais retourné dans cette chorale.
21:18 Publié dans détripage, moi, psy | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : chorale, handicapés, garches
30/07/2010
Souvenirs d'enfance : le choriste (1958/60)
En CE 2 j’avais une prof de chant qui tant bien que mal tentait de nous inculquer son art, madame De Lattre. Elle était très âgée, sûrement plus de 80 ans, et avait la particularité d’emmener les deux meilleurs du CM2 tous les ans à une messe aux Invalides.
J’apprendrai par mes parents qu’elle était en fait la tante d’un héros de la deuxième guerre mondiale, le Maréchal de Lattre de Tassigny. Moi j’avais tout le temps avant la fin du CM2 et en secret j’espérais le moment venu être troisième, car je détestais tout ce qui était militaire, non pas par antimilitarisme primaire (pas encore....je n’y avais pas goûté) mais tout bêtement parce que ça me rappelait l’Histoire de France, que je détestais.
Cette brave dame s’était mis dans la tête de fonder une chorale, avec pour matière de base les enfants de l’école de la Rue de l’Abbaye. Les "Petits Chanteurs du Vieux Paris" sont donc nés en ce mois d’octobre 1958.
Deuxième chorale de France pendant très longtemps (derrière bien sûr les petits chanteurs à la croix de bois) ses participants (je n’y étais plus) allaient dans les années 60 faire le tour du Monde.
Au départ nous n’étions que trois: les deux fils de l’antiquaire Marie-Anne (cf note précédente) et moi.
Les premières répétitions se faisaient en dehors de l’école, et cela rebutait pas mal de camarades de classe. Au bout d’un mois, avec un peu de chantage, nous nous retrouvâmes une douzaine qui ne se débrouillaient pas trop mal. J’avais pour ma part la ferme intention d’en partir car cela devenait de plus en plus dur, mais Mme De Lattre estimait que j’avais une voix de soprano fantastique, et me bombarda soliste !
Pierre, le fils aîné de l’antiquaire m'avait donc rejoint, du coup j’étais celui qu’il voyait le plus, même plus que son frère ! A l’école, à la chorale, aux louveteaux, que nous avions lui et moi intégrés.
En fait c’étaient nos mères, qui allaient par la suite devenir des amies inséparables, qui avaient mis ça au point pour que l’on se surveille l’un l’autre.
Par Pierre on allait savoir ce que Patrick avait fait, et vice-versa.
En tous cas, au grand désespoir de nos mamans nous devînmes relativement copains mais sans plus. Et encore tant que l’on était dans la même école.
J’étais je pense inconsciemment jaloux, et ne comprenais pas bien pourquoi ayant le même âge, lui vivait dans un petit château avec des bonnes à son service, et moi je n’avais même pas l’eau chez moi et devais coucher avec mes deux parents dans une seule pièce...
Le début -inconscient - de ma prise de conscience politique.
Pierre aurait bien voulu que je sois son grand ami. Mais l'amitié ne se décide pas. J’allais de temps en temps à un "goûter" voir la fameuse télé, mais j’étais mal à l’aise à chaque fois. A six heures du soir quand il fallait rentrer je me faisais l’effet de Cendrillon qui allait quitter le bal pour retrouver sa citrouille.
Et sans que je le demande, on me fit comprendre qu'il fallait que je passe par l'escalier de service ! Mon rêve était alors exaucé, cet escalier ne menait pas dans les entrailles de la Terre mais dans une petite cour, semblable à la mienne. J'étais alors heureux, je retrouvais "mon monde".
La chorale prit assez rapidement de l'importance, en nombre et en qualité. Les répétitions se faisaient tous les mercredis soirs et se prolongeaient de plus en plus tard. Mme De Lattre n’avait pu faire face longtemps et un nouveau chef de choeur arriva à la rescousse, M. Rollin.
C’était un homme de petite taille, handicapé, physiquement mais pas du tout intellectuellement. Simplement lorsqu’il se déplaçait il prenait un mouvement de balancier qui aurait presque prêté à faire sourire les chenapans que nous étions. Mais ce n’était pas le genre de personnage à se faire marcher sur les pieds ; complexe d’infériorité sûrement. Déjà Mme De Lattre ne nous semblait pas commode mais lui allait vraiment nous en faire baver.
Pour commencer il n’apprécia pas l’histoire des deux solistes. Comme dans toute chorale qui se respecte il n’en fallait qu’un et donc il fallait nous départager Pierre et moi. Il nous fit donc chanter, chacun devant tous les autres, un chant russe (que je reverrai plus tard...) dont le moins qu’on puise dire est qu’il nous faisait « grimper haut ». Le fameux Plaine O ma plaine.
C’est Pierre qui commença.
Plaine O ma Plaine se passa il faut le dire sans trop d’encombre, mais il fut victime de la suite, de plaine o mon immense plaine. Pour un gars qui faisait partie de la Haute, sa voix ne suivait pas !
Rollin le regarda, et dit d’un air sec et sans appel :
"Stop!"
Puis il me désigna.
"A toi..."
Je vis de grosses larmes couler des yeux de Pierre et j’attaquai, sans aucun trac car au fond je n’étais là surtout pour faire plaisir à mes parents. J’attendais l’immense plaine au virage sans trop m’en faire, et finalement elle passa toute seule. Le nabot me souria (ce qui était en soi un exploit).
"C’est bon. Ce sera toi le soliste."
Je dois à la vérité de dire que sur le moment je m’en fichai comme de ma première chaussette. Mais dix ans plus tard, quand je glissais dans la conversation que j’avais été le tout premier soliste des Petits Chanteurs du Vieux Paris, cela posait...
A présent, et depuis quelques décennies, qui se souvient encore de nous ?
Si les répétitions étaient pénibles, il y avait de bons côtés : Par exemple de chanter en aube en l'église St Germain des Prés pendant la grand-messe. Soliste, j'étais sur le devant de la scène, et non seulement je n'avais pas de trac, mais je faisais de temps en temps des sourires à quelques demoiselles !
Le point d'orgue (si j'ose dire) eut lieu en mai 1960:
L'enregistrement d'un 33 tours "live", à la salle Gaveau. Mes parents étaient tout fiers de voir sa progéniture dans ces lieux illustres.
Hélas, le piston marchait dans les deux sens, et Rollin me renvoya peu après. J'étais trop "dissipé". En fait il avait un autre soliste à placer...
Depuis ce temps, je cherche le disque désespérément. j'écume tous les vide-greniers de ma région et je farfouille fébrilement les vieux vinyles, dans l'espoir de trouver la perle rare !
A bientôt.
18:22 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : chorale