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12/10/2010

L'acharnement - 7

Je vais, ce jour-là, rassembler toutes les forces qui me restent pour "assurer".
D'abord, boulot, j'appelle chef adoré qui me dit "rien de prévu pour le décès des beaux-parents, démerde-toi avec tes collègues".
Un collègue est heureusement partant pour une permutation, j'ai ainsi 4 jours de libre. Pas un de plus !  Puis je fonce chez moi, et vois mon épouse dans un état pas possible.
"J'y vais", me dit-elle, en empoignant une valise.

Là, gros dilemme. Y aller toute seule en voiture, dans son état, c'est l'accident assuré.
En train, le dernier qui pouvait nous faire arriver là-bas ce soir est déjà parti...

Ne reste qu'une seule et unique solution : Que je l'emmène là-bas en voiture. Oui, je sais, là aussi risque d'accident, mais nettement moins que si elle partait toute seule.

Et notre fille? Lui faire manquer le collège? Pas possible, elle redouble. La laisser toute seule? Elle n'a même pas douze ans... Et dire que Nat est à l'autre bout de l'Europe...
Finalement, nos voisins vont s'en occuper, lui faire à manger, elle ne restera à la maison que pour dormir.

Et c'est ainsi que par la grâce de Dieu, j'ai pu rallier le soir même Orléans. J'ignore encore comment j'ai pu effectuer ces 500 bornes, mais j'y suis arrivé. Si, vraiment, à la grâce de Dieu !

La Normandie est atteinte le lendemain midi, et je revois à nouveau ces visages pleins de détresse. Je détestais ma belle-mère, mais vraiment, de voir ces gens pleurer me bouleverse complètement.

C'est moi qui ferai la lecture à la messe, avec mon intonation de zombie.

Au retour, je passerai le volant à mon épouse, et dormirai sur tout le trajet....

C'est Nathalie qui à son retour la réconfortera le plus. Sa bonté a encore pris le dessus sur son exaspération, la hache de guerre est définitivement enterrée.

Mon épouse sera mise immédiatement sous prozac, mais celui-ci ne fera pas effet tout de suite.
Et un jour elle va se pointer au boulot, pour reprocher à chef adoré... de ne pas avoir envoyé de fleurs à sa mère !
L'autre ne prend pas de gants, et l'envoie balader sans ménagements.
"N'importe quoi... j'aurai vraiment tout entendu"...
Il ira même plus loin la semaine d'après : il interdira carrément à mon épouse l'entrée du bureau.
"Si tu entres, j'appelle les gendarmes" lui dira-t'il...

On mesurera là la vertigineuse connerie du bonhomme qui avait là une occasion unique de casser définitivement le couple Patrick et Nathalie en se mettant dans les petits papiers de mon épouse! Mais sa méchanceté naturelle a eu le dessus.

Je n'ose à peine imaginer ce que l'on aurait enduré si le monsieur, en plus d'être méchant, avait été intelligent. Là nous n'aurions pas "duré" longtemps je crois.

 

Alors que la pression de mon épouse va devenir de moins forte, peu à peu Nat et moi commençons à reprendre un peu - un tout petit peu - de poil de la bête, mais lui va cogner de plus en plus fort.

Mon épouse commence à avoir une petite idée de ce que je (nous) subissons au boulot, et se rend compte que sans Nathalie, je me serais depuis longtemps laissé couler. Et pas que dans mon lit...
Elle réalise certainement aussi à quel point elle a été odieuse, à quel point elle a profité de cette situation.
Mon épouse qui est aussi intelligente, et qui sait également que c'est une énorme bataille que nous livrons, et que pour la gagner, il ne faut surtout pas se disperser.

Et puis, je suis persuadé qu'elle sait depuis longtemps pour Nat et moi, un amour qui ne passe pas inaperçu. Elle a compris les longs "raccompagnements" du soir, elle a compris aussi mon attitude prostrée à chaque fois que je reviens de Marseille.
Certes, elle ne peut pas approuver - elle n'est pas maso - mais je pense qu'elle est admirative par rapport à une femme d'exception, et aussi un amour d'exception. Et surtout elle sait que si elle déclenche la guerre atomique, alors là je n'hésiterai pas une seconde....

Du coup,  nous ne nous sentons plus obligés de nous comporter comme si nous vivions nos dernières heures, et à présent, nous allons être plus "mesurés", avec la ligne bleue de l'an 2002 en point de mire.

Du coup aussi - de mon propre "chef" - sourire- je réduis sérieusement les médicaments. Sérieusement et progressivement.

Entre le prozac et Nat, mon épouse se rétablit peu à peu de la mort de sa mère, et du coup organise un week-end en Espagne pour le 11 novembre. Pour moi, malgré mon "zombisme" prononcé, mon amour du lit, c'est oui si Nat vient avec nous.
Elle viendra.
J'ai quelques souvenirs de ces trois jours, où j'avais toujours ce mal fou à m'extirper de mon lit...Mais où j'ai pu apprécier une balade le long du littoral.


Autre souvenir, celui d'un stage à Toulouse, stage de 5 jours que nous avions refusé de faire l'un sans l'autre. Nous étions logés dans les logements de l'Ecole de la Météo, dans deux chambres contiguës. Bien évidemment, la mienne restera vide !
Mais je ferai une découverte, lors de ce stage. C'est qu'au bout de 3, 4 jours, j'arriverai à me "dézombiser". A la grande joie de Nat, je me surprendrai  à... m'exprimer, durant la pause de midi, m'exprimer, comme "avant", face à notre formatrice.
Serais-je "sauvable" ?



La réalité va vite nous rattraper. La grève des routiers nous bloque, et nous rentrons avec un jour de retard. Et là, notre tortionnaire va téléphoner chez moi !
"Si ton mari ne prend pas son service demain matin, il devra en assumer les graves conséquences..."
Un temps, puis :
"Mais au fait, j'avais dit que je ne t'adresserais plus la parole !"
Et il raccroche...

Oui, je sais, on pourrait presque faire une bonne comédie dramatique avec tout ça. Les personnages sont tellement typés ! Mais hélas ce n'est ni théâtre ni cinéma.


Et les réunions continuent, de plus en plus ciblées. A présent, plus besoin de passer par le biais des "questions diverses" pour que Nat et moi s'en prenions plein la poire...
A tel point que Nat va refuser un beau jour de lui serrer la main. Pourquoi serrer une main qui vous étrangle ?

Car à  présent, Nat prend peur.
Peur physique d'un individu incontrôlable. Et c'est pour ça qu'elle ne mouftera pas quand il lui imposera - non vous ne rêvez pas - du boulot à la maison !!!

Bien entendu, dans la (faible) mesure de ce qui reste mes moyens je l'aiderai du mieux possible, et c'est comme ça que nous passerons tous les 4 l'après-midi et la soirée du premier dimanche de 1997 à travailler pour éviter que Nat s'en prenne plein la tronche.
Dans la bonne humeur, quand même....

 

Vacances de février. Mes nanas vont une nouvelle fois en Normandie, je dois les rejoindre à la fin. C'est là que j'aurai une révélation.

Ca se passe dans le Corail Paris-Le Havre. Je suis dans un compartiment, suant et somnolant. C'est fou ce que j'ai pu dormir dans les trains à cette époque-là...
En face, une dame et sa fillette de 3 ans.
Qui me regarde fixement et finit par demander :
"Dis maman, pourquoi il est bizarre le monsieur ?"

Ce jour-là je toucherai le fond, j'arrive à faire peur aux enfants, moi qui d'habitude les attire comme des mouches !

Mais enfin, nous tenons bon la barre, envers et contre tout. Nous commençons même à envisager l'hypothèse de l'existence possible d"un éventuel bout de tunnel.

Et c'est alors qu'il va employer l'arme suprême.

Un matin, il arrive à l'heure.
Déjà, là on s'inquiète. Pas normal pour un type qui se pointe régulièrement à 10 h.

Puis il se met à taper frénétiquement sur son clavier.
Il arrive à l'heure et il bosse, il est malade ou quoi ?

Ce n'est que vers 13h qu'il sortira de son bureau, l'air conquérant, pour donner une feuille à Nathalie.
"Signe !"
Nat lit, signe, et se met à pleurer. Sans pouvoir s'arrêter.
Elle me la tend, en m'implorant :"Pat, aide-moi"...
Et c'est à mon tour que je me suis mis à pleurer.


C'est fini...

Cette feuille, j'ai pu, des années après, me la procurer.

Ne tenant pas à donner le bâton pour me faire battre, je n'en livre pas ici la photocopie. Je ne la "publie" pas. Mais elle est disponible à tous ceux qui me la demanderont par mail. Bien entendu sans aucun nom de personne ou de profession.

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Mende, le 12/03/1997

Objet : Demande de mutation pour Mlle xxx Nathalie.

 

M. Le Directeur,

   Mlle xxx Nathalie a un comportement résolument asocial pendant ses heures de travail. Elle refuse tout changement qui n'a pas reçu son aval ou dont elle n'est pas à l'origine, elle s'emporte très facilement et ne s'entend plus avec 3 de ses 4 collègues.
Elle fait manifestement preuve d'un mauvais esprit. Son attitude est très préjudiable dans notre contexte de petit centre où un minimum d'esprit d'équipe doit prévaloir puisqu'il n'y a aucun cloisonnement des tâches.
   Pour illustrer mon propos, je ne citerai que son refus de s'abonner au téléphone pour éviter d'être dérangée par ses collègues en cas d'imprévus modifiant le tour de service.

   Elle refuse dorénavant que je lui serre la main en arrivant au bureau, nous en sommes arrivés au degré zéro des rapports humains.
   Cette situation conflictuelle qui vient s'ajouter aux autres problèmes humains du centre dont j'ai eu l'occasion de vous parler nuit à la bonne marche du service et ne favorise aucun épanouissement personnel et surtout pas le mien.

   (... ) Puisqu'elle m'en donne l'occasion, je tiens à vous dire qu'à mon sens, le départ de Mlle xxx Nathalie est tout à fait souhaitable.

    Je vous prie de croire, etc.

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( à suivre)

15:39 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : dépression, persécution, deuil