28/07/2010
Souvenirs d'enfance: vision d'horreur (1956)
Après cette triste année scolaire vinrent de nouveau les grandes vacances. Nous étions pour la 2ème fois consécutive à St Gence (87)
Notre location se trouvait sur le bord d’une route, rectiligne et très belle (pour l’époque) mais que les gens n’empruntaient pratiquement jamais. Très peu de voitures, alors que c’était logiquement la route la plus directe pour Limoges. Ils préféraient prendre une petite route étroite et tortueuse. D’un côté ça arrangeait mes parents car je pouvais y jouer en toute tranquillité.
Tout de même, un jour j’interrogeai mon père sur cette route mystérieuse. D’un air grave il me dit que j’étais trop petit pour que je comprenne. Cela bien sûr ne fit qu’attiser ma curiosité et j’en parlai aux gosses avec qui je m’étais lié.
Peine perdue, on leur avait fait quasiment la même réponse. Certains parlaient même de «route maudite».
Un jour pourtant mes parents prirent cette route en voiture avec des amis. J'insistai lourdement pourqu'il m'amènent, pour que je sache ce qu'il y avait au bout de cette fameuse route. Mon père céda. Il n'aurait pas dû....
Le voyage fut rapide, il n’ y avait qu’une dizaine de kilomètres.
Dès que je descendis, je compris....Je me mis illico à pleurer et voulus tout de suite remonter dans la voiture. Mes parents étaient blêmes et nos amis, bien qu’habitués, ne valaient guère mieux.
D’abord l’odeur, Une odeur de brûlé qui vous prenait à la gorge, très discrète mais insistante.
Mais il y avait surtout la vision, une vision de cauchemar...
Des centaines de maisons calcinées, au milieu desquelles trônaient des outils brûlés, des jouets d’enfant et autres objets à moitié consumés.
D’instinct je cherchais des cadavres, qui auraient été tout à fait à leur place dans cet endroit. Heureusement point de cadavre bien sûr. Ils avaient été enlevés 11 ans auparavant.
Se dressaient aussi d’immenses pancartes, partout, avec des énormes lettres noires sur fond blanc, et le fait que je n’arrivais pas à les déchiffrer m’angoissait encore plus. Je demandai quand même à mes parents quelles étaient ces inscriptions, ils me répondirent :
« SOUVIENS-TOI ».
Je m’en suis souvenu, je n’oublierai jamais, surtout ayant appris plus tard ce qui était arrivé. Au début j’en ai voulu à mes parents de m’y avoir emmené, mais avec le recul je crois qu’il n’y a pas d’âge pour faire voir à un enfant de quoi peuvent être capables certains êtres humains avec leurs semblables, avec des gens qui ne leur avait jamais rien fait....
Depuis j’y suis retourné plus de cent fois, à Oradour sur Glane, nom de ce village-martyr.
(à suivre)
18:59 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : oradour sur glane, guerre