Web Analytics

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/08/2010

Comment mon père m'a monté un bateau (1964/65)

A partir de 1964, l'ambiance sera tellement dégradée entre mes parents qu'il sera décidé que les mois de juillet, je les passerais avec lui seul, et les mois d'août, seul avec ma mère, avec un petit chevauchement de quelques jours.

Certes, il ne la battait plus à coups de martinet comme dans les années 50 lorsqu'on occupait nos treize mètres carrés, mais c'était dispute sur dispute. Mon père reprochait à ma mère ce qu'il faisait lui-même, c'est à dire la tromper. Alors que le sexe (elle me le confiera souvent) ce n'était vraiment pas sa tasse de thé.

Aussi attendions-nous avec impatiences ces "missions" qu'il s'inventait pour aller à Toulon, Brest ou Cherbourg. Nous savions en quoi consistait ces "missions" où il était plus question d'anatomie comparée que de vaisseaux de marine (mon père avait commencé sa carrière en tant que militaire), mais au moins on était tranquilles, ma mère pouvait respirer, ma mère qui savait très bien ce qu'il faisait, et ne lui en voulait pas, ne pouvant pas elle-même le satisfaire. Comme elle disait "un homme est un homme, après tout".

Mais, sentimentalement, j'ai toujours été persuadé que malgré tout il y avait entre eux une certaine tendresse, même si cela s'exprimait peu, ou de façon maladroite. Cela faisait quand même plus de trente ans qu'ils étaient ensemble...

C'est dans ce contexte que, fin juin 64.  Je débarque à la gare de Brest, avec mon père. Nous devons passer tout le mois de juillet au bord de la mer, dans une chambre mansardée qui donne directement sur la plage. Le bonheur pour un petit parigot enfermé dans son taudis...

J'aurais déjà dû me méfier quand mon paternel semble hésitant dans le hall de la gare de la Cité du Ponant. Comme s'il était complètement paumé. Alors qu'il y venait régulièrement en mission pour son boulot environ 2 à 3 fois par mois depuis près d'un an.
Logiquement il devait avoir ses repères...

Mais à 13 ans, ce sont des choses auxquelles on ne pense pas.


Je ne me méfie pas non plus quand, en sortant de la gare, il aborde une jeune femme pour lui demander l'adresse de l'hôtel où nous devons séjourner avant le 1er juillet, date prévue de notre arrivée à Sainte Anne du Portzic. Alors que - et souvent il me l'a dit - il est timide comme pas permis, sortir d'une table dans un resto relève pour lui de l'exploit olympique.
Souvent, quand il y avait un renseignement à demander, c'était "mon chou tu peux demander au monsieur s'il te plaît ?"
Alors, là, aborder une nana qu'il ne connaissait pas...

Je ne me suis toujours pas méfié quand j'ai vu la dame lui faire un énorme sourire et surtout à moi ! Comme si elle venait de voir la Sainte Vierge et son mari...

Bref, de là va naître entre nous trois une grande "amitié", et cette dame, qui est - quelle coïncidence - en vacances en même temps que nous, va alors nous balader quasi quotidiennement à travers tout le finistère dans sa  4 CV verte...
Seule exception : un dimanche avec mon cousin germain !

C'est ainsi, que ma carte Michelin 58 à la main, je découvrirai un à un les coins les plus pittoresques de ce beau département. Et certaines bonnes tables, bien cachées, parfois dans des villages ignorés.
Mon père ne le sait pas, mais mon plus beau souvenir culinaire reste à jamais un civet de lapin dans une gargote enfumée de Locmaria-Plouzané...

Je ne me méfierai toujours pas lorsqu'un jour mon père appellera notre nouvelle amie "Titania", alors qu'elle l'appellera "Obéron".
Pour moi ils avaient un peu trop abusé du chouchenn, voilà tout !

Et pour situer l'étendue de ma naïveté je resterai de marbre quand je les verrai graver leurs initiales sur un piler des ruines de l'abbaye de la Pointe St Mathieu...

Oui, j'avais 13 ans et demie, d'accord, mais quand même !


"Hasard" malencontreux, notre logeuse s'était emmêlé les pinceaux et du coup nous devions quitter les lieux un jour plus tôt que prévu.
Qu'à cela ne tienne, son mari n'étant pas là, Titania s'est alors proposé de nous héberger chez elle...
Chacun sa chambre ! Du moins, je sais que j'en avais une à moi tout seul...

Bref, en tout état de cause, pour moi c'était clair comme de l'eau de roche, "nous" nous étions fait une nouvelle amie.
Et rien d'autre.
Et, du coup, elle nous avait demandé de revenir l'année d'après. Ce que mon père avait bien entendu accepté...

 

 

Donc, nous revoilà, un an pile après, fin juin 65 sur le quai de la gare de Brest.

brest05.jpg

Mais ce jour-là, la dame avait eu un "empêchement".

Certes on la verra, oui, mais pas quotidiennement comme l'année d'avant.

Je me souviens que mon père était alors très nerveux, soucieux, pendant les périodes où elle ne venait pas.
"je m'étais habitué aux balades en auto" me disait-il pour justifier son attitude. "ca ne te manque pas, à toi ?"

Ben oui, forcément que ça me manquait. J'avais des bons souvenirs de la Pointe du Raz, de la St Mathieu, de Porspoder, enfin bref de tout ce que Titania nous avait montré de son beau pays à bord de sa quatre chevaux verte...

 

Mais entretemps je fis connaissance d'une bande de jeunes de mon âge.

Dedans se trouvait une belle blonde du prénom de Nadine, laquelle faisait tourner tous les petits mâles que nous étions en bourrique !

6707.JPGPour résumer la demoiselle, elle avait institué un "hit-parade" dans la bande. Le premier du hit avait droit à la grâce suprême, un (vrai) baiser sur la bouche. Et pour monter en grade, telle Isabelle de Pagnol, elle nous faisait passer des épreuves. Des épreuves de dingue !

Ma chance à moi, ce fut le flipper.
Pour moi, le verbe flipper a un tout autre sens que celui qu'on lui prête généralement !
Nous formions des équipes, chacun un bouton, et je dois à ma dextérité dans ce "sport" de l'avoir eue finalement comme... coéquipère ! Et donc de gratter des places.

Tant et si bien, quà la fête de Ste Anne, elle m'annonça que j'étais devenu son "numéro deux"...
Hourra !!!
En plus, j'étais devenu copain avec le numéro un, un certain Bernard, qui deviendra un moment mon meilleur ami.


Et c'est avec ce copain Bernard, que, le lendemain de la Sainte Anne, donc, le 27 juillet 1965, j'aperçois deux amoureux s'embrasser fougueusement appuyés contre un arbre.
Mieux qu'au cinéma ! On aurait dit qu'ils allaient se dire adieu dans la minute qui allaient suivre, tant ils étaient bouleversants d'amour. Ils ne voyaient rien autour d'eux, étaient tout seuls au monde...
Beau à voir, vraiment.

 

 

Le petit souci, c'est que l'homme en question n'était autre que mon père...

 

Je suis resté pétrifié pendant un temps indéfinissable. Sur le "premier jet" de ma note j'avais écrit 30 secondes, mais je crois que ça a duré bien plus que ça...

Je ne voulais vraiment pas croire ce que mes yeux me montraient.
C'était la première fois de ma vie que je voyais mon père embrasser une femme, et fougueusement encore, et cette femme ce n'était pas ma mère...

Cette scène me marquera à vie, à tel point qu'elle ne cessera de s'imposer dans mon esprit des dizaines d'années plus tard.
Non pas du fait de "tromper ma mère". Si j'avais autant de billets de 50 euros que mon père a couché avec des femmes "illégitimes", je pourrais payer une BM à ma fille.
Non, c'est le fait qu'il m'ait trompé, qu'il ne m'ait pas mis dans la confidence, qu'il n'aie pas eu confiance en moi...

 

Des dizaines d'années plus tard, Trente ans pour être précis.
Quand les rôles se seront alors inversés, quand ce sera moi qui serai obligé de me cacher pour embrasser fougueusement la femme que j'aimais à la folie mais que je n'avais pas le droit d'aimer.
Je ferai alors tout - même dans les trois dernières années où j'étais un légume - pour éviter que ma fille nous surprenne, sachant d'expérience le choc psychologique que ça lui aurait causé...

Paradoxalement, mon histoire d'amour m'aura quelque part un peu rapproché de mon père, juste avant sa mort.
Il n'était que temps !

D'ici peu je vous raconterai Nadine.

A bientôt.

18:23 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : brest, papa, maîtresse

Commentaires

Est-ce que tu n'as jamais ressenti du chagrin par rapport à ces trahisons envers ta mère ?
Je te le demande parce que je ne ressens rien de ce genre à travers ta note. Solidarité masculine peut-être ?

Bisous

Écrit par : Fiamella | 23/08/2010

Avec ton com je réalise que cette note est prématurée. C'est à dire que sans le contexte, on peut effectivement penser cela.
Il faut savoir qu'à l'époque je considérais ma mère comme une sainte et ma foi, je me fichais pas mal de ce que pouvait faire mon père, qui ne se souvenait qu'il avait un fils que lors de ces vacances de juillet. Là, il essayait en un mois de rattraper les 11 restants.
Quand à ma mère, je savais qu'elle ne pouvait "physiquement" pas le satisfaire, aussi non seulement fermait-elle les yeux sur ces "infidélités", mais en plus les souhaitait, parce que pendant ce temps mon père était un ange à la maison.

Une exception toutefois. En 1966 mon père tombera amoureux d'une fille, mais cette fois ce sera du sérieux. Au point qu'il envisagera de divorcer. Ma mère était d'accord, à condition que matériellement nous puissions nous en sortir, et moi aussi, car je préférais voir mon père heureux avec quelqu'un d'autre que nous distribuant torgnoles et réprimandes à la maison.
C'est en me souvenant de ça que je ferai le même geste avec ma fille en novembre 2001.
Mais on n'en est pas encore là !

Alors que fais-je ? Enlevai-je cette note qui peut se révéler macho voire pire pour qui ne connaît pas le contexte, ou pas ?
la nuit porte conseil, je verrai demain, suivant les (éventuels) autres commentaires.

Bises.

PS : je trouve la "solidarité masculine" complètement nulle ! Autant que la "féminine" d'ailleurs :)

Écrit par : Cica pour Fiam | 23/08/2010

Hum, enlever cette note, je ne crois pas que cela soit la solution! C'est ça un blog, parfois on raconte, et on veut raconter trop vite. Libre à toi de nous remettre le contexte dans une note future, c'est d'ailleurs ce que tu viens de faire dans ce commentaire!

Je ne la trouve pas macho, mais effectivement, tu en parles avec détachement. Deux raisons à cela je pense: le contexte toi, tu le connais, et par coeur encore, tu as été baigné dedans, il t'a construit et t'a permis de prendre des décisions, une fois adulte, ça c'était pour la première raison. La deuxième est tout aussi simple: on sent, dans tous tes écrits, que tu as du recul par rapport à tout cela (sauf quand tu parles d'un passé plus proche, où du présent), que ça a été réfléchi, digéré en quelque sorte, que l'analyse a déjà été faite.

Raconter, ce n'est jamais simple, on écrit des mots, ou on les dit, sans être jamais sûr que le lecteur ou l'interlocuteur en comprendra le sens profond ni l'état d'esprit dans lequel on se trouve... ça amène à des incompréhensions, et parfois à des conflits, simplement parce qu'on ne voit pas dans la même direction... mais c'est humain!

Bref, je m'égare. Tout ça pour dire que je la laisserais, moi, cette note! Bonne journée!

Écrit par : CriCri | 24/08/2010

En effet à la lumière de ce nouvel éclairage ta note prend une autre tournure. Je pense aussi que tu ne devais pas la supprimer mais peut-être guider d'autres lecteurs vers ton com ou bien en effet développer dans une autre note le contexte;

Comme toi je n'aime pas les solidarités "ciblées"... et encore moins sexistes :-)

Bisous

Écrit par : Fiamella | 24/08/2010

Vous avez raison les filles, je ne vais pas effacer la note, mais la modifier.
Plein de bises.

Écrit par : Cica pour Fiam et Cricri | 24/08/2010

Voilà, note remise dans son contexte.

Cri-cri, je ne sais pas si tu m'as déjà lu "ailleurs" (ou en tant que Lionel ici dans mon blog éphémère "tomber 7 fois..") mais j'ai vraiment l'impression que tu connais ma vie, que je partage en trois parties : avant 1992, après 1997, et entre les deux. Je considère personnellement que ma vie s'est arrêtée fin août 1997 et que depuis, je "survis", je gère les affaires courantes.
En revanche, je vivais entre ma naissance et 1992, mais le temps passant d'une part, et vu ce qui se passera pendant les 5 années magiques qui suivront, je relativise pas mal cette période.
Sauf un épisode qui se produira en 1970 et qui me marquera énormément.
Sinon, avant 1992, je me sens plus un spectateur de ma vie qu'un acteur. Alors qu'ensuite, pendant 5 ans, j'aurai l'impression de vivre au beau milieu d'une superproduction Hollywoodienne à fort budget :)

Plein de bises

Écrit par : cica pour Cricri | 24/08/2010

Je connaissais ton blog sur l'autre plateforme, mais je ne l'ai connu que quasiment le jour où tu as migré. J'ai donc parcouru quelques notes, mais de façon très rapide vu que j'ai privilégié tes écrits actuels, sur les anciens (et aussi que je manque de temps).
De fait, on ne peut pas vraiment dire que je connaisse ta vie... mais je crois avoir un espèce de 6ème sens, parfois, qui peut expliquer un peu ce que tu ressens.
Je vais relire cette note avec le contexte, maintenant! Des bises!

Écrit par : CriCri | 24/08/2010

En fait, toutes les notes que j'écris actuellement ne sont que des "hors d'oeuvre". Mais ici je ne ferai pas comme "là-bas", et je vais tâcher de respecter la chronologie.
Mais je ne te cache pas que comme dans les spectacles, la "dernière partie" sera, et de loin, la meilleure. Et tu sauras pourquoi mon pseudo.
bises !

Écrit par : cica pour Cricri | 25/08/2010

Dans les quelques notes que j'ai parcourrues, je pense avoir un peu compris ce qui s'est passé pour toi... Bises!

Écrit par : CriCri | 26/08/2010

Dans les dernières notes "là-bas" j'en parlais de moins en moins, car je savais que ça barbait l'auditoire habituel. Il y avait en fait trois réactions :
- celle du lecteur habitué de mon blog, qui disait "oh non, tu ne vas pas remettre ça..."
- toujours celle du lecteur habitué : le silence.
- celle du lecteur occasionnel ""ce que tu nous raconte là est un vrai conte de fée, merci de nous faire partager ces merveilleux instants".

Dans mon premier blog (Cicatrice.blogsP**.com/) j'avais procédé de manière différente.Je savais dès le départ pourquoi j'ouvrais ce blog, c'était pour en parler. Mais je me demandais bien par quel bout commencer. Aussi c'était un peu "brouillon".
Là je souhaite qu'on connaisse tout de ma vie précédente, pour justement avoir tous les éléments pour mieux apprécier.

Bises !

Écrit par : cica pour Cricri | 26/08/2010

Les commentaires sont fermés.