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22/09/2010

Vers les étoiles - 5

30 janvier 1993. C'est mon anniversaire. pour la première fois Nat nous invite chez elle, car elle a préparé un repas pour cette occasion.
C'est la première fois que j'entre "chez elle", mais pas dans l'appartement ! Lequel avait déjà abrité mon ami-collègue dont j'ai été le témoin de mariage, qui lui-même succédait à un collègue de radio !
C'est dans cet appartement que nous créerons pendant quelques mois en 1989 une "radio pirate" dont la portée ne dépassait pas celle de l'immeuble.

Je regarde son appartement comme si c'était un sanctuaire. Peu ou pas de meubles. Juste le strict minimum. La porte de sa chambre est entrouverte, et je distingue deux choses : sur le mur un immense poster - qui recouvre l'intégralité de la surface - représentant un lac de montagne, et aussi une immense statue de Saint Joseph posée au pied de son lit.

Au vu de certaines de nos conversations sur Dieu, je savais qu'elle était très pieuse - attention, pas bigote, tout comme moi elle n'apprécie pas trop ceux qui seraient Ses représentants sur Terre, papes, évèques et curés - mais là, j'en mesure le degré.
Et là je me rends compte de ce qu'elle doit souffrir dans sa chair si jamais elle est amoureuse de moi, comme je le pense de plus en plus. Car cet amour représenterait pour elle la Tentation, le Diable en somme.



Donc, résumé de la situation, après cinq mois de passion dévorante, mais inexprimable :

De mon côté j'aime Nat à la folie, mais je ne peux concrétiser cet amour du fait que j'ai "des chaînes".
De son côté, en admettant que c'est réciproque, c'est encore pire.  Car en plus de sa mère, qui sera un "morceau" redoutable, j'ai aussi Dieu contre moi...


                                                    ♥♥♥♥♥♥


Ce mois de février va être décisif.
Désormais, nous essayons de nous voir le moins possible.
Inutile de nous torturer. Au boulot, nous "tournons" le plus souvent avec notre autre collègue, une femme de 35 ans.
Elle ne vient plus à la radio.
Ses week-ends Nîmois redeviennent nombreux, et pour ma part je multiplie aussi les sorties.
Nous espérons nous en tirer comme ça, à bon compte, pensant naïvement "loin des yeux loin du coeur".

Désormais, toute son affection, son amour, qu'elle ne peut canaliser, est reportée sur un seul être, un animal qu'elle a toujours considéré comme son enfant, et qui ma foi le lui rend bien. C'est cet animal qui lui fera passer ces mois extrêmement difficiles, un animal qu'elle chérira de toutes ses forces, le seul être qu'elle aime et qu'elle a le droit d'aimer.

Cet animal, c'est un petit cochon d'Inde.

Et qu'elle a baptisé "Pompon"...

Nous essayons de nous éviter, mais il apparaît que c'est désespérément impossible.
Un jour, notre chef nous fait une réflexion amusée, mais révélatrice. Il était question d'éditer une brochure, et on se demandait quoi mettre en couverture.
C'est alors qu'il lance "En tout cas, il ne faut pas confier ce travail à Patrick, car on risquerait fort d'avoir la photo de Nathalie"

Ce chef-là nous aime bien. Arrivé le 1er septembre, il a donc pu assister - discrètement - à l'évolution de notre relation. Pourtant il ne "cheffe" que peu, étant absorbé par la préparation d'un concours dans la fonction publique. Mais il a déjà tout vu en ce qui concerne notre "couple".
En attendant, même si Nat et moi jouons les offusqués, cela signifie une chose : notre amour ne passe pas inaperçu.

18 février, mon meilleur ami (qui décèdera en 2007) vient nous voir.  Nat est invitée à dîner, elle accepte du bout des lèvres. Ils font connaissance, c'est plutôt glacial...



Toujours notre chef, Michel. J'aurai toujours un doute sur son attitude, hyperbienveillante, car il fera son maximum pour que Nat et moi soyons le plus possible ensemble.
Et c'est ainsi qu'il nous met ensemble de service le 23 pour une tournée d'inspection à travers les Cévennes.

Donc, Nathalie et moi côte à côte dans la  4L fourgonnette de l'entreprise. Au début nous traversons des paysages enneigés, semblables au climat qui règne entre ma jeune passagère et moi. Elle ne se déride pas, les seules paroles auxquelles j'aurai droit seront des diatribes sur l"hypocrisie des mecs... Et puis peu à peu, au fur et à mesure que l'heure s'avancera, elle va se décoincer. A tel point que je vais lui proposer une chose, c'est de conduire la fourgonnette !

"mais je n'ai jamais fait ça...je n'y arriverai jamais !"

Je lui réponds du tac au tac que l'année passée à la même époque je tenais rigoureusement les mêmes propos. Et je m'improvise sur-le-champ moniteur d'auto-école !

Au début j'aurai des sueurs froides. Notamment quand elle prendra très large certains virages au ras du précipice. Mais rapidement elle aura l'engin en main, et quand nous nous arrêtons pour déjeuner, elle sait la conduire aussi bien que moi.

"Tu vois bien que tu y est arrivée. C'est comme pour le reste, tu peux faire de grandes choses, mais tu n'as pas assez confiance en toi.."
Là - j'aurais dû m'y attendre - elle fond en larmes, comme à chaque fois que je lui fais un compliment.

Mais l'averse passe assez vite, et au fil des heures je la sens de plus en plus proche de moi. A tous niveaux. Plusieurs fois on se frôle, ça me fait un effet incroyable. Je meurs d'envie d'arrêter la voiture, et de tout lui dire. Lui avouer que je l'aime, à en crever, et ce depuis le premier jour où je l'ai vue. Mais ce n'est pas possible, ce ne serait pas "raisonnable", nous n'en avons pas le droit.                                     



                                                    ♥♥♥♥♥♥♥



Et c'est alors que, simultanément, nos deux corps vont se rebeller.

Tous les deux allons tomber malades.

Très malades, surtout moi.
Pneumonie.

Dès le lendemain de la tournée la fièvre va me gagner très vite. Elle sera suivie par une toux qui ne me quittera plus. Au départ, j'essaie de ne pas m'aliter, car c'est les vacances et si je suis "arrêté", c'est Nathalie qui devra bosser toute seule. Nathalie dont j'ignore qu'elle aussi est malade. Mais finalement je "craque" le mercredi 2 mars, je m'alite.
Nat que je n'ai pas prévenue, le prend mal, d'autant qu'elle n'est pas beaucoup plus vaillante que moi.

Dans mon lit, Complètement terrassé par la fièvre et la toux, je n'attends qu'une chose : que Nat vienne me voir, me dise qu'elle ne m'en veut plus. Et puis, pourquoi pas, me dire autre chose...

Un soir, la sonnette.
C'est elle. Je reconnais sa façon de sonner, très particulière. De mon étage - nous logeons dans un duplex - j'entends des bruits de voix, la porte d'entrée qui se referme, puis se rouvre, et se referme,  cette fois définitivement.

"C'était Nathalie ?", demandai-je fébrilement à mon épouse, dans tous les sens du terme.
"Non..."

En fait, je l'apprendrai plus tard, c'était bien elle. Mais ma chère et tendre, pour une raison que Nat ne voudra jamais me dire, la chassera méchamment.

A partir de là, je ne lutte plus. Je me laisse emporter par la maladie. Les toubibs se succèdent, me soignent à coups de piqures de cortisone (3 par jour) mais rien n'y fait. Mes fesses crient "grâce", mais fièvre et toux persistent.
Notre fille - heureusement - n'a pas trop l'air de réaliser, mais en revanche mon épouse oui. 
Un soir, je la verrai même pleurer devant mon état !
Ce sera la seule fois où mon épouse pleurera pour moi.

On me parle d'hôpital, je refuse catégoriquement.
Qu'on me laisse tranquille. Une seule chose pourrait me sauver : Voir Nathalie.  Mais au bout de tant de jours, je n'y crois plus. Bien entendu, j'ignore sa maladie, et surtout la façon dont elle a été "accueillie".

Ca aussi je le saurai plus tard : le 15 mars le médecin confiera à mon épouse que - sauf miracle - j'avais désormais peu de chance de voir la belle saison si je persistais à ne pas vouloir entrer à l'hôpital.

Pendant ce temps-là, Nat aussi luttait contre une terrible anémie.

Nos deux corps en avaient marre, des conventions, des obligations morales imposées par nos cerveaux. Puisqu'ils n'avaient pas le droit d'être ensemble, alors ils se laissaient mourir tranquillement.

 

(à suivre)

                                    

17:39 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

Eh oui... nos maladies en disent parfois long sur ce que nous refusons d'accepter ! J'en ai eu, moi aussi, très souvent la preuve (même si je ne l'ai compris que bien plus tard)
Bisous, Pat

Écrit par : Sylvie | 23/09/2010

Je ne peux pas imaginer ça... mais c'est beau, rien à faire, c'est beau...

Écrit par : CriCri | 23/09/2010

Ne vous inquiétez pas ça finira bien....
Pour ma prochaine note, je mettrai en exergue un article de la revue "psychologies", qui, un an auparavant (le numéro est de janvier 1992) expliquait que la maladie est une des rares choses sur lesquelles nous pouvons agir. Si la maladie a franchi la porte de nos défenses immunitaires, c'est que la porte avait été ouverte ! Dépression, stress, choc. Ce qui explique d'ailleurs, après le départ de ma première épouse ma tuberculose (1981) et ma typhoïde (1982).

Bises

Écrit par : Cica pour Cri-cri et Sylvie | 23/09/2010

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