18/10/2012
Nostalgie....
Un couple d'un certain âge. Lui veut rester à la maison, mais elle tient absolument aller à la "Foire de Saint Luc".
Lui la connaît cette foire, pour l'avoir arpentée l'an passé : 4 km de stands de marchands de fringues. Bref une foire "pour les femmes", ennuyeuse et fatigante. 4 km à piétiner, merci !
Mais elle insiste. En plus c'est son anniversaire !
Alors ils y vont. 18 km de bagnole pour faire plaisir à Madame.
Il la laisse au début de la foire, "rendez-vous dans une heure", lui lance-t'il...
Une heure à perdre. Où va-t'il aller ? Pas grand-chose à visiter dans cette ville...
Et soudain, l'envie le saisit.
Il reprend sa voiture, sort de la ville et parcourt une petite dizaine de kilomètres. Oui, à chaque fois qu'il allait dans cette ville (environ 3 fois par semaine), il était à 10 minutes de ses souvenirs.
Il s'arrête dans un village. Un de ces villages-rues, kilométrique, comme il s'en fait pas mal dans la région...
C'est la première fois depuis 42 ans qu'il ose.
Qu'il ose s'arrêter dans le bas du village.
Oh oui, dix ans auparavant, il y avait été en gîte, mais d'abord c'était dans un nouveau quartier, de plus il était complètement bouffé par une histoire d'amour impossible (il pensait en avoir encore l'âge, des histoires d'amour...) et surtout, surtout, à pied il n'avait jamais dépassé l'Eglise, en plein milieu.
800 m d'un côté, 800 m de l'autre. La "Vraie" frontière, celle avec la Suisse se trouvait à 2 km, pour lui, c'était là la véritable limite à ne pas franchir. Souvenirs, attention danger...
Le vieux monsieur va regarder alors un banc de pierre, près d'un arbre. Ils n'ont pas changé, peut-être l'arbre, qui a quand même 42 ans de plus...
Une larme lui vient, qu'il chasse vite.
Puis il remonte doucement le village. Village en plein travaux. Il remonte jusqu'à une maison, devant laquelle il reste un bon moment. C'était là que, 42 ans avant, il était en location avec sa mère.
Il remonte encore, jusqu'à une autre maison, un peu plus haut. Là se trouvait une épicerie jadis, une épicerie où une jeune fille travaillait pendant les vacances. Elle s'appelait Brigitte.
Une jeune fille qui, chaque soir, dévalait la rue pour aller manger à toute vitesse, et rejoindre son amoureux. ils s'aimaient comme peuvent l'être deux gamins qui découvrent l'amour, elle 16 ans lui 19...
Elle lui apportait toujours une grappe de raisin, un rite pensait-il. Ainsi leurs baisers avaient le goût de raisin !
C'était sans doute un de ces "amours de vacances" qui font la joie des paroliers de chansons, mais pour eux, c'était autre chose : la première fois. Non, pas la première fois que beaucoup peuvent penser... Nous étions je le rappelle en 1970. La première fois pour tous les deux de connaître ce sentiment, de sentir le coeur et le corps de l'autre contre soi, qui battaient comme des fous.
Ils n'avaient jamais appris à embrasser quelqu'un du sexe opposé, mais apparemment ils étaient très doués, car cela durait parfois longtemps, très longtemps, et comme tous les amoureux, ils étaient seuls au monde.
Pas toujours. Un jour ils avaient participé à un feu de camp, où avait lieu "l'élection du plus beau couple de l'année". Ils avaient voulu, par bravache, s'inscrire, avec des "vrais" couples de tous âges, des couples bien établis. Ils n'avaient aucune chance, pensaient-ils mais ils s'en fichaient un peu...
C'est transis de froid et serrés l'un contre l'autre qu'ils entendirent leurs prénoms : ils avaient gagné ! Leur jeunesse avait ému le jury...
Puis ce fut la séparation. A son tour elle partait en vacances. Ils se promirent de se revoir, et bien avant l'année d'après. Il ne savait pas comment, mais il y arriverait.
Quand il vit la voiture s'éloigner, et descendre vers la vallée, le jeune homme ne pleura pas.
Non, il tomba malade, terrassé par la fièvre, une fièvre qui devait le clouer au lit trois jours et trois nuits...
Puis ce fut lui qui dut rejoindre la grande ville.
Ils s'écrivaient tous les jours, souvent en cachette car leurs parents étaient contre cette "fréquentation". Ses parents à lui parlaient de "petite paysanne", ses parents à elle parlaient du "hippie de la ville" (car il portait la barbe !)
Des mots maladroits, qui peuvent faire sourire, mais des mots sincères...
Il accomplit un exploit hors du commun pour pouvoir revoir sa belle.
Mais ses parents (à la belle) l'avaient mise en pension, pour la "punir" d'avoir osé fréquenter un "touriste". Et aussi pour éviter des éventuelles retrouvailles.
Ils ne se virent que durant 2 minutes à travers des barreaux... Ils ne purent même pas s'embrasser.
Plus tard, elle épousera un paysan qui avait de la terre et du bétail, comme ses parents.
Lui épousera la fille d'un fonctionnaire, comme son père.
C'était dans l'ordre des choses.
Le vieux monsieur regarda sa montre. Il lui restait 20 minutes. Juste le temps de descendre rejoindre son épouse qui l'attendait, "en bas".
Comme à chaque fois, il eut un haut-le-coeur en passant devant le collège des Augustins. Car vous avez deviné que le vieux monsieur, c'était lui...
C'était moi, tout à l'heure.
Je vous embrasse.
18:32 Publié dans ceux que j'aime, détripage | Lien permanent | Commentaires (10)
Commentaires
un vrai talent de conteur ;-))
Écrit par : Teb | 25/10/2012
En plus, j'ai écrit la note d'un trait ! J'étais là-haut à 15h20/15h40, et revoir ces endroits en marchant, en prenant mon temps (d'ordinaire j'y roule à 60/70, si un jour un radar s'y met je suis bon...) m'a donné l'idée de cette note. Dès mon retour ici je l'ai écrite.
On m'aurait dit ça ne serait-ce que ce matin....!
Bisous.
PS : neige pour samedi, chez toi comme pour chez moi !
Écrit par : Cica pour Teb | 25/10/2012
ah non, je pars au Verdon tôt le matin !
biz
Écrit par : Teb | 26/10/2012
Tu n'es pas si vieux!!!
Peut-être que du coup les prochaines fois tu seras plus appaisé en traversant le village... tu échapperas alors au radar le jour où ils le mettront!
Neige... déjà!! Ca se raffraichit chez nous, mais nous restons au dessus des 5 degrés.
Bon courage!
Bises.
Écrit par : CriCri | 26/10/2012
Si, je suis vieux... Même si je fais encore des prouesses dans les "blind-tests" de chansons :)))
Il me faut l'admettre, et ne pas chercher à se rajeunir.
Cela dit, je pense que les prochaines fois que je traverserai le village, je roulerai moins vite, non pas par peur du radar, mais parce que j'aurai osé marcher près de ce banc.
PS : un truc que tu ne sais peut-être pas : elle est morte il y a 12 ans, dans d'atroces souffrances, d'un cancer de la gorge...
Ah oui, la neige. Entre 10 et 15 cm demain soir ! Mais rien au-dessous de 200m.
Je t'embrasse.
Écrit par : Cica | 26/10/2012
Si je sais, tu l'as écrit! Et même si je ne me manifeste pas toujours, je lis tout!
Et je me répète, mais tu n'es pas un vieux crouton! Certes tu as dépassé les 60 ans, et alors? Ce n'est pas ça qui est important! Même si tu n'as plus 20 ans, tu restes jeune à ta façon, justement par cette vivacité d'esprit que tu racontes via les blind tests!
D'ailleurs tu as bien raison en soulignant que l'important c'est d'avoir pu marcher à côté de ce fameux banc... j'espère que ça t'aura un peu réconcilié avec toute cette histoire!
Écrit par : CriCri | 26/10/2012
Ce n'est pas coquetterie de ma part, CriCri, mais la retraite fait vraiment prendre de l'âge ! On s'installe dans une sorte de ron-ron, dont du reste on n'est pas mécontent, on se réfugie dans ses souvenirs, et aussi, le corps commence à se rebeller d'avoir tout subi pendant 60 ans ! Pour moi, depuis un an : bronchite qui m'a duré 3 mois, hernie discale, hypertension....!
Quand à l"histoire", elle fait partie de moi, et si je ne devais retenir que deux femmes dans ma vie, ce serait Brigitte et Nathalie. Nathalie ce n'est (hélas) pas encore "réglé", et je me demande si un jour ce le sera vraiment, même si la "Cicatrice" se voit de moins en moins, la blessure est encore à fleur de peau, certaines chansons me font encore monter les larmes aux yeux. Moins qu'il y a 10 ans, 5 ans, mais encore...
A propos de chanson, en voici une, d'Annie Cordy, qui te parlera sûrement lol ;-))
http://youtu.be/nhpYbVO_-gA
Bisous
Écrit par : Cica pour Cricri | 27/10/2012
Je me souvenais de son prénom, je me souvenais de l'histoire, alors j'ai très vite deviné.
Tu y retourneras ?
Écrit par : Cristophe | 05/11/2012
Oui.... Mais il me fallait marcher près de ce banc. Il représentait pour moi une grosse charge émotionnelle, que j'ai je crois désamorcée.
Curieux quand même que j'aie été marqué par cette histoire-là, qui en fait n'aura duré que quelques mois, plus que par exemple mon largage par mon ex-épouse (sur le coup, oui, j'ai perdu 30 kilos en 6 mois, mais 9 mois après je retombais amoureux !!!!)
Si, finalement, la réponse est dans une chanson de Rod Stewart : "The first cut is the deepest"....
Écrit par : Cica pour Cristophe | 06/11/2012
Je viens d'y retourner. Toujours un pincement au coeur (un premier amour ne s'oublie jamais) mais en revanche le "vieux monsieur" que je décrivais à laissé place à un autre homme, qui a dans sa tête 20 ans de moins. Miracle du Destin, le soir de ce 25 je recevais un "message" qui allait être le début de quelque chose qui allait changer complètement ma vie.
La boucle est bouclée, "de la première à la dernière fois". Cette fois la Vraie.
Écrit par : cica pour Cristophe (2) | 06/07/2013
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