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01/01/2024

Mes années-radio, chapitre 4: le baptême (juin 82)

Je passerais donc très bien à l'antenne. Paraît-il puisque tout le monde me le dit ! Après tout pourquoi pas ? Qu'ai-je à perdre ? Rien, au contraire je m'ennuie comme un rat mort depuis que je suis "célibataire".

Je contacte donc Muzol, qui est content et me dit que la tranche 11/14h est libre. Il ne me prend pas en traître, me dit bien que c’est une tranche « difficile », d’abord vu la durée (3h, et sans pause-déjeuner) et surtout l’audience, qui si elle excellente de 11 à 12, chute vertigineusement ensuite. Ok, ne reste qu’à fixer une date, qui sera le jeudi 24 juin. Jacqueline est contente, moi j’ai la trouille.

24 juin 10h, je pars de chez moi. Déjà j'ai programmé mon magnéto pour 10h30, afin de pouvoir m’écouter quand je reviendrai le soir. Là je jugerai si je suis ridicule ou pas ! S’il y aura une deuxième émission ou pas. Je pars donc avec ma vieille GS, branché bien évidemment sur radio 5, comme tout le temps. Et j’entends bien sûr Cathy et Régis faire leur émission. J’entends les jingles extraits de Saturday Night fever qui sont gravés dans la mémoire des premiers auditeurs de la radio.
Lorsque je franchis le pont de Savines, j’entends Cathy annoncer: « A 11 h, une nouvelle émission sur notre radio, émission pour les nostalgiques et aussi les jeunes, Flash-Back, que vous présentera Patrick, notre nouvel animateur venu d’Embrun ».
Je réalise.. Quand je vois - à présent - des jeunes filles en fleur manquer défaillir dans des émissions où des vedettes préfabriquées, inconnues 1 mois avant, viennent - payées grassement - leur dire coucou, comment puis-je une seconde imaginer entendre sur l’autoradio que dans ¾ d’heure « je » serai à l’antenne ?
Moi !

J’arrive à 10h40 et me gare sur la place, n’importe où tant je suis émotionné. Je me dirige vers la cave où sont les fameux studios et y pénètre. S’y trouve Régis qui donne la réplique à sa nana tout en faisant la technique. Il me donne un bonjour chaleureux, et me dit que dans ¼ d’heure c’est à moi. Je zieute le matos :
- 2 platines disques
- 2 platines cassettes
- 1 magnéto "révox"
- 1 micro "bouyer" animateur
- 5 micros "bouyer" pout la salle
- 1 insert téléphonique
Tout cela régi par une table de mixage 15 entrées  ! Rien à voir avec la boum de ma cousine...
Je n’ai pas pu faire un seul essai, je dois partir comme ça, et en direct ! J’ai apporté ma mallette de disques, avec une liste bien établie. Mon premier disque perso à passer sera Slow pour Alvina. Histoire de la faire connaître aux auditeurs. J'ai choisi le thème du retour en arrière : d'abord des chansons des années récentes (pour 82 je puiserai dans la discothèque de la radio), puis vers le passé, avec de plus en plus de disques perso. Et puis, psychothérapie ! Pour moi à chaque chanson est associée un évènement. C’est comme ça pour beaucoup. Et j’ai donc décidé de « faire le deuil » de tout ce qui m’est arrivé en 80 et 81 par ce biais. Un peu comme si je me disais à chaque émission « Tu vois tu es en 82, tu t’en es sorti... »

Passeront donc 3 chansons de 82. Puis 2 de 81, l'année-hôpital. Puis une de 80. Millau. Vite passer dessus. Puis une ou deux de 79, le pré-divorce. Puis 78, 77, etc... Le jour où je pourrai d’abord passer Spacer de Sheila, puis l’écouter sans rien ressentir, là ce sera gagné, pensai-je. En fait je devrai attendre encore 10 ans...

11h. Jingle, et Régis annonce les derniers flashs d’info locale présentés par Cathy. Bien sûr j’ai droit à une grande démonstration de jingles incrustés, de complicité à l’antenne, d’apparente facilité. Le parano dira  « c’est pour me montrer ce qu’eux peuvent faire » et moi je pense tout simplement « tu vois, ces gens-là il y a quelques mois ne savaient rien de ce métier, et regarde à présent ! ».

Je tremble de plus en plus. Mais me répète encore une fois que je n’ai rien à perdre, que même si je me ramasse lamentablement à Gap - en dehors de Jacqueline qui m’a poussé - je n’y connais personne et je n’aurai donc pas de répercussions.

11h02, Régis me cède l’antenne. Mais déjà je crois poindre une sorte de déni envers moi.

« Pour notre part, Cathy il ne nous reste plus qu’à souhaiter un bon appétit à tous nos auditeurs ».
Il est 11h, je doute que les gens mangent à cette heure-là ! Là encore, question: Est-ce un simple réflexe, vu qu’ils terminaient la matinée avant que j’arrive, une mise à l’épreuve pour voir si je ne me déstabilise pas, ou vraiment un déni total de ma personne et de mon (sûrement éphémère) émission ?
Cathy tempère quand même. « Bon appétit à tous, donc, avec de l’avance, je vous souhaite bonne compagnie avec Patrick, et pour ma part je vous donne rendez-vous à 14h ».

Régis continue de faire le clown, puis me laisse les manettes. Pire, ils quittent le studio, je me retrouve alors tout seul, devant ce disque Saturday Night Fever, qui tourne, qui tourne... A vue de nez je n’en ai plus que pour une minute et quelque et cale mon générique, Speedway. Mes réflexes de la boum bretonne reviennent heureusement à toute vitesse et j’arrive tant bien que mal à enchaîner. Mais je ne regarde pas l’aiguille, qui est alors dans le rouge. En bref, je sature ! Et je prends le micro, mes premières paroles d’animateur :« Bonjour, Patrick avec vous jusqu’à 14h pour une nouvelle émission qui s’appelle Flashback » Je laisse passer un morceau de Speedway et enchaîne : " On va remonter dans le temps en partant de 82 jusqu’à ...jusqu’à 14h, et là on verra bien à quelle année on sera arrivés ». Ton badin, presque à l’aise. Je n’en reviens pas moi-même. Déjà, à mon niveau, je me dis là que si j’arrive à être si décontract, ça peut passer.
Mais j’ignore totalement ce que ça donne à l’antenne. Du coup -je serai le seul à le faire, pour le "retour" je laisse tomber le casque - je ne me vois pas trois heures avec ça - et me servirai d'un transistor calé sur la fréquence.
- On commence donc en 82 avec..
Avec ?

Et oui, incroyable mais vrai, je n’ai pas le souvenir de la première chanson que j’avais passée à l’antenne ! Il a fallu que j’aille « aux archives » pour savoir. En fait un truc que j’ai trouvé au dernier moment dans les studios, Cambodia de Kim Wilde. Puis un disque de la radio que j’aime bien, Miel, toujours pour 82. Je présente comme je peux la chanson. Je me sens de plus en plus à l’aise. Puis vient mon premier disque perso, avec un super-enchaînement, Slow pour Alvina.
Et c’est parti, peu à peu je me décontracte, et quand Cathy revient vers 13h50, elle lève le pouce et cligne de l’oeil pour me dire que c’est bien. Régis aussi. Ils me le confirment de vive voix.


Quand je sors du studio c’est la révolution. Au moins dix personnes se précipitent vers moi.
En m’insultant ! Car j’ai garé ma GS au beau milieu de la place, entravant la circulation...
Je me dirige tout de suite chez Jacqueline, qui me saute au cou. « Oh Patrick, c’était super...Vous voyez que j’avais raison.... ». Elle me donne une petite collation, et je file vers Embrun. Pour enfin m’écouter. Car les compliments sont là, mais je tiens à me juger moi, écouter ma cassette.
3 heures après je saurai. Stop ou encore ?

(à suivre)

 

15:12 Publié dans moi, Musique | Lien permanent | Commentaires (5)

Commentaires

stop ou encore ? Je ne sais pas car j'ai autant tremblé que toi, on aurait dit que c'était moi et je ne vais pas tenir longtemps à ce rythme là.
Très bien décrit car c'est cela la RADIO, seul sur une corde à 20 mètres au-dessus du sol. A la télé, tu peux encore ajuster ta cravate, faire une mimique, bouger sur ta chaise, mais là, à la radio, IMPOSSIBLE ! Le BLANC ne serait-ce que trois secondes se ressent pleinement à l'antenne. Je laisse les remarques des copains et je vous raconte TSF radio et vous passerait mon indicatif de l'époque.

Écrit par : boixiere | 01/01/2024

Très heureuse de découvrir ces aventures radiophoniques!

Écrit par : Marie-Odile | 07/01/2024

Je partage l'avis de Marie-Odile, je me suis régalé à leur lecture ...

Écrit par : Marc | 07/01/2024

j'ai enfin pris le temps de lire ta note mes années radio chapitre 4, c'est dingue cette vie au studio, le temps passe vite entre les chansons, on sent vraiment du direct sans filet et le fait que tu avais une certaine appréhension au départ, et puis quand tu as eu le micro comme tu le dis la décontraction est arrivée, finalement une belle aventure que j'aurai aimé vivre également, Amitiés, Renaud.

Écrit par : Renaud | 07/01/2024

Merci de vos commentaires, qui m'encouragent à poursuivre.
Amitiés

Écrit par : Cica | 07/01/2024

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