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11/10/2010

L'acharnement - 6

Toujours 1996. Vacances de Pâques avec la micra. J'ai quelques bribes de souvenirs, sans pouvoir parvenir à y mettre de date précise. Je sais que nous alllons à Lorient, près de ma famille, qui ne se privera pas de m'affubler de noms d'oiseaux. "Le zombi" pour le père de Jean-Yves - ce qui était tout à fait exact - "le crado" pour mon cousin/frère Jean-Yves lui-même, en évoquant mon odeur de sueur et mes cheveux gramouillés. Ca ça se reconnaît aussi à l'odeur, un dépressif...

Durant ces vacances, je me laisserai balloter au gré des vents, au gré des personnes. Je me contenterai de suivre, durant les rares moments où je ne serai pas à transpirer dans mon lit. Certes, il n'a pas fait beau, ce qui - côté lit - m'a simplifié la tâche !

Je me souviens d'une balade à Pleumeur-Bodou, près de Lannion, une balade qui m'aurait enchantée ne serait-ce que deux ans plus tôt, mais qui fut un véritable supplice...

Et je me souviens surtout d'une réflexion de Natou, pendant une des 3 conversations téléphoniques que nous allons avoir.
Là aussi, de plus en plus dur de m' "échapper" afin de trouver une cabine pour appeler ma bien-aimée.
Elle me lancera cette phrase : "c'est drôle, depuis que tu es parti je me sens mieux..."


C'est sûr, j'étais en train de lui bouffer les quelques forces supplémentaires qu'elle avait en plus, je l'entraînais vers le bas. Surtout, étant une personne exceptionnelle, elle ne comprenait pas que face au Mal, à la dépression, je ne réagisse pas comme elle.

Mais j'étais loin d'avoir atteint son degré à ce niveau !
                                 

Et là va commencer une période de 5 mois où elle va s'éloigner de moi.

Notre tortionnaire le voit, et change alors la règle du jeu pour les emplois du temps. Désormais "dans un souci d'assouplissement", nous pourrons chacun choisir les jours où nous voudrons bosser, et avec qui nous voulons bosser. Ce "rite" se situera avant chaque réunion mensuelle, et il ne pourra cacher sa joie quand Nat fera exprès de mettre son nom à côté d'un autre collègue...
Puis elle va prendre ses congés, à la suite. Pour des destinations lointaines, comme la Réunion, Venise, les Lacs Italiens...

A partir de là, je me laisse couler.
A pic.

Je vais passer à côté de beaucoup de choses, dont deux cérémonies familiales importantes.

Les 60 ans de mariage de mes parents, d'abord. Je ne m'en souviens que grâce à la photo où l'on me voit, effectivement, dans un état de décomposition avancée.

Et la communion solennelle de ma fille d'autre part, que j'ai "survolée". 

J'espère qu'elle m' a pardonné aussi mon peu d'enthousiaste devant son gala annuel de danse classique cette année-là (ma fille, à 12 ans, était danseuse classique, de haut niveau) ...

Et puis des trucs que j'ai découverts plus tard, comme par exemple que mon épouse avait voulu devenir nounou, et qu'elle avait gardé un gamin pendant trois semaines. Je devais être dans mon lit pendant ce temps, lit que je ne quitterai plus désormais que pour m'asseoir dans le canapé regarder la chaine que mon épouse a programmé .
"Je passe à la télé" "questions pour un champion" et "qui est qui" seront ma grande trilogie, avant le salvateur "Bonne nuit les petits" !


J'interromps de moi-même mes émissions de radio hebdomadaires, me sentant incapable d'une part de faire les 900m à pied jusqu'au studio, et d'autre part de faire une émission correcte. Car si je n'arrive plus à conduire depuis un an, je n'arrive plus non plus à écrire et je n'arrive plus non plus à parler devant un micro. Il est loin le Patrick qui, 12 ans auparavant, faisait vibrer les foules...

Ma démarche est à présent celle d'un drogué, et - je ne mens pas - j'éviterai de passer par une certaine place pour aller au boulot, car la bande de gamins qui y joue me lancera des pierres en m'appelant "Vichnou" ...


Pire encore ! Jean-Yves débarque début juillet, pour une semaine. Et en plus le hasard veut que j'aie cette semaine-là en congés ! Mon cousin/frère chez moi, ça n'était pas arrivé depuis des années.
23 très exactement, au temps où j'étais la star de mon département !

Là encore, peu de souvenirs, sinon un truc que mon cousin essaiera de faire fonctionner, mais sans succès, car pas encore prévu pour la Lozère : le téléphone portable...

Je revois aussi ma fille en vacances, avec son passe-temps favori : balancer ses copines dans la fontaine en bas de l'immeuble et s'y faire balancer aussi... J'imagine que l'été a dû être chaud. Moi je n'en ai aucun souvenir..

Puis vient le moment des vacances. Il est prévu la Normandie puis l'Alsace, en finissant comme tous les ans à Lons le Saunier.

La fin de cet été 1996 va être l'horreur absolue pour mon épouse.
D'abord, dès qu'on arrive en Normandie, on lui annonce brutalement la mort de sa tante, un femme qu'elle a toujours adoré. Le séjour sera réduit aux funérailles. Sympa pour elle !

Puis direction l'Alsace, où l'on a réservé un gîte à Eguisheim. C'est sans doute un des plus beaux villages d'Alsace, et habiter en plein milieu est un privilège. En plus il fera super-beau pendant ces 8 jours.
Où, en dehors de 3 après-midi, je... resterai presque en permanence à transpirer dans mon lit ! Deux lits jumeaux de 90 dans la chambre, heureusement pour mon épouse car les draps seront trempés tous les soirs !

J'ai aussi le vague souvenir d'avoir été à Europa-Park, le Disneyland Allemand. Là encore, au lieu de m'amuser, je subissais, en essayant de "faire semblant" pour ma fille, ma fille qui méritait bien de s'éclater..
Puis Lons le Saunier où le canapé de notre vieil ami m'a encore plus vu que l'année d'avant :(

Mais cette année, une chose se passe. J'ai la hantise de retourner à Mende.

Qu'est-ce qui m'attend là-bas ? Un appartement sinistre, un chef de plus en plus redoutable, et une Nathalie qui - c'est ce que je pense sur le moment - ne m'aime plus. Non merci...
Et de la même manière que ma fille disait l'année d'avant "non, je ne veux pas aller à la colo", là c'est "non je ne veux pas retourner en Lozère.."

Deux surprises de taille m'attendent, au retour.

D'abord, dans ma boîte aux lettres, un billet doux du tortionnaire me disant que j'avais commis une faute et qu'il fallait que je me présente le lendemain à son bureau :(
Et au répondeur, Nathalie.
Une Nat affolée :
"Viens vite, je t'en supplie !!!"

Appel daté de moins d'une heure, et sans demander l'avis de quiconque, je fonce chez elle.
Là je vois la table mise. Deux couverts. Et une Nat en train de pleurer. Elle m'explique.

Nat était, sentimentalement, complètement perdue. Pour elle je n'étais plus "fiable", et je comprends fort bien sa réaction. Elle était allée au bal du 15 août, et avait fait la connaissance d’un mec. Qui lui a raconté des salades, et qui l'a bien embobinée. J'ai déjà parlé ici de l'énorme quantité d'amour qu'elle avait à donner, et à présent que Pompon était mort, que moi je n'étais plus en état de le recevoir, ça débordait de partout. D'autant que c'était moi qui lui avait fait réaliser que cet amour pouvait être aussi donné aux humains, pas qu'aux cochons d'inde.

Nat a cru ressentir un petit quelque chose dans son coeur, si bien que cela s'est terminé par une invitation  à dîner en tête à tête.
Il s’est pointé avec 1 heure de retard... accompagné d’une nana, qu’il a présenté à Natou comme sa “véritable fiancée ”.
Elle les a jetés avec pertes et fracas, mais à présent réalise.

Loin de lui en vouloir c'est ça aimer quelqu'un, ne chercher que son bonheur, quel qu'il soit) je la console comme je peux, et lui dis (vraiment sincère) : “tu vois, ça sert d’avoir un ami sur qui on peut compter ”. 

Car ça y est, j’avais intégré à nouveau l’idée de n’être plus que l’ami; le confident. Si bien sûr ce n'est plus déjà trop tard !

Alors elle me regarde en souriant. Je reconnais ce regard.

Elle me dit “imbécile” et se jette dans mes bras.

Elle m’aime toujours, elle m'a toujours aimé...
Il a fallu ce triste épisode pour qu'elle s'en rende vraiment compte.

Fin de notre - seule et unique - crise de couple. A partir de maintenant, on va s'aimer comme jamais. Malgré les bombardements de plus en plus ciblés que nous allons recevoir de tous les côtés.

Tant et si bien qu'elle est triste, quand elle part pour le voyage organisé qu'elle a prévu de longue date. Pour un peu, elle y renoncerait.

Cela fait 4 ans qu'on se connaît, 3 qu'on est ensemble, reste 6 pour le mariage, sans doute moins, notre fille ayant bien grandi et surtout réalisé que les ogres de Normandie ne sont que des ogres de carton.

                                                       
                                                    °°°°°°°


Vendredi 13 septembre. 13h50. Je suis au taf. Coup de téléphone, c'est mon épouse.
Des hurlements inarticulés. Elle vient de perdre sa mère...


(à suivre)

 

15:01 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : harcèlement, dépression

Commentaires

Bonsoir Cica. Tous ces jugements, humiliations, incompréhensions, et surtout ce tortionnaire et ses stratégies, un vaste chantier qui t'ont laissé de vilaines traces, j'essaye vraiment de me mettre à ta place et je crois que je m'en approche assez, sans prétention aucune. Celà dit soyons honnête tout ce remue ménage couronné de bombardements, c'est sacrément violent, mais entre nous, le plus violent n'était il pas cet éloignement de Nathalie pendant ces 5 mois ? je ressens celà comme un déchirement physique et moral ou il n'existe pas de mot pour exprimer cette violente et lente douleur, car elle est lente latente omniprésente, à chaque seconde du temps qui passe, à chaque minute, chaque heure, chaque journée chaque semaine chaque mois, ...............chaque année pour d'autres..........
Avoir un toit, et soyons heureux ! me dir (s) ais je....

Écrit par : Christel | 12/10/2010

Par chance, les médocs faisaient leur office d'anesthésiants. Lente et lancinante douleur, oui. Mais pas violente. C'est dur de pouvoir parler sur ce sujet, la dépression est tellement complexe, mais je dirai que pour moi, à l'époque, l'éloignement de Nat, ça faisait partie de la descente aux enfers.
En fait je n'existais plus, je passais de plus en plus à côté de moi, de cette carcasse dont la seule utilité était de gagner de quoi faire subsister ma fille.
Le choc violent arrivera, d'une force inouïe, quand j'arrêterai les médocs et que je constaterai les dégâts. Je peux dire que d'une certaine façon, ces comprimés ont amorti bien des choses, et heureusement car j'allais quand même au boulot avec une sévère envie de vomir...

Écrit par : Cica pour Christel | 12/10/2010

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