14/01/2013
"mon vieux"
Celui de Daniel Guichard.... qui aurait pu être le mien...
Dire que j'ai passé des années
A côté de lui sans le regarder
On a à peine ouvert les yeux
Nous deux.
J'aurais pu c'était pas malin
Faire avec lui un bout d'chemin
Ça l'aurait peut-être rendu heureux
Mon vieux.
Mais quand on a juste quinze ans
On n'a pas le cœur assez grand
Pour y loger toutes ces choses-là
Tu vois...
L'histoire commence début 1962. J'avais 11 ans. Depuis bien longtemps entre ma mère et lui l'amour était passé, ils se contentaient de cohabiter. Mon père aimait les femmes, et ma foi ma mère s'en fichait, pourvu qu'il ne quitte pas le foyer !
Il bossait au ministère de la marine, et là-bas se trouvaient des objets encore inexistants dans le commerce, comme la photocopieuse, le décadry, ou alors le télé-imprimeur.
Seuls les militaires pouvaient, à cette époque, disposer de cet engin-là...
C'était plus qu'une simple machine à écrire, ou pouvait dialoguer entre deux machines, du moment que ce dialogue ait lieu entre les services des armées. Les dialogues étaient le plus souvent des messages codés, mais parfois ça pouvait prendre une autre tournure.
Et c'est ainsi qu'un jour mon père a été amené à dialoguer avec une Brestoise, Renée L. Elle avait 6 ans de moins que lui (l'idéal d'après les statistiques) et peu à peu des dialogues autres que militaires eurent lieu entre mon père et la jeune femme. ils commencèrent à parler du temps qu'il faisait, puis de sujets variés comme l'opéra, et peu à peu ces dialogues se firent plus personnels, prenant une tournure de plus en plus confidentielle.
Et encore plus...
C'était une chose impensable en 1962, mais les deux tombèrent amoureux l'un de l'autre rien qu'en dialoguant ! Une idylle se noua entre eux, et bientôt je vis mon père aller bosser le samedi matin. Prétextant une gratification en heures supplémentaires, alors que la marmite avait chez nous énormément de mal à bouillir.
Je peux situer très exactement ce moment : octobre 1962. En novembre il nous acheta la télé (4.000 francs de l'époque, soit près de 5.000 euros actuels) puis pour Noël il me couvrit de cadeaux. Il prétexta l'obtention d'un prêt inattendu...
Quand, en 2006, je récupérerai ses affaires après sa mort, je ne verrai nulle trace de de prêt...
Alors il alla s'inventer des missions bidon.
A Brest, évidemment.
J'imagine que le jour de leur première rencontre dut être magique.... Ils se virent deux ou trois fois avant les grandes vacances. Ils s'écrivaient en Poste restante (j'utiliserai aussi ce moyen) et mon père blémit lorsqu'il s'aperçut que la poste la plus proche de notre location Ardéchoise du mois d'août se trouvait à 5 km ! Heureusement que Sarkozy et sa RGPP n'étaient pas encore passés par là car sinon il lui aurait fallu multiplier la distance par 3 voire par 4 !!!
Ils s'écrivaient tous les jours, si bien que j'eus l'honneur de faire 10 km à pied tous les matins afin qu'il puisse récupérer son précieux courrier. Les prétextes ne manquaient pas : "aérer le petit" (je venais de passer 3 semaines à Toulon et j'étais hâlé comme pas possible !), aller chercher du pain et surtout acheter ses cigarettes.
J'aurai pas mal marché cet été-là. Sans compter que moi aussi j'étais amoureux, mais en incubation. Le virus m'avait frappé mais je ne saurai qu'un mois plus tard...
Après une année scolaire 1963/1964 remplie de missions, mon père risqua le tout pour le tout, c'est à dire passer un mois avec elle.
Et moi...
Et pour cela forger un scénario incroyable !
Je le raconte là : http://cicatrice.hautetfort.com/archive/2010/08/23/commen...
L'amour vous fait élaborer des stratagèmes inimaginables...
L'année d'après, s'étant séparés, il m'expliquera tout de A à Z, mais j'avoue que je n'eus pas la réaction qu'il souhaitait.
J'avais juste 15 ans et le coeur pas assez grand pour y loger toutes ces choses-là, je crois...
Je vous embrasse.
17:41 Publié dans détripage | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
J'ai aimé :
- lire cette note
- lire l'ancienne note que tu as mise en lien.
Quant aux statistiques... Mon aimée-aimante a 6 ans et 17 jours de moins que moi...
Écrit par : Cristophe | 14/01/2013
Oui,très belle note!On dit que c'est une fois que nos parents disparaissent que l'on regrette de ne pas les avoir assez aimé....
Écrit par : lynda | 15/01/2013
Cela dit il faut relativiser...
Mon père était quand même quelqu'un d'assez égoïste et abrupt. Il n'avait pas d'ami ...
Mais au moins on savait à quoi s'en tenir avec lui !!!
Pour répondre à Cristophe : tu vois que mes stat sont bonnes !!! Moi c'est 6 ans 11 mois !
Écrit par : Cica pour Marc et Lynda | 17/01/2013
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