16/05/2021
Mon "dictionnaire amoureux" du parkinson
A comme amour. Le meilleur remède. Grâce à celui de ma femme, laquelle se met en quatre pour m'épargner le moindre effort et le moindre souci, j'arrive à supporter assez bien ma maladie. Mais gare au corollaire : quand je suis tout seul, je suis affolé et perdu.
A comme assise. Je ne peux plus m'asseoir n'importe où. Au-dessous d'une certaine hauteur, je ne peux plus me relever seul ! Si je suis chez quelqu'un j'évite systématiquement les bons fauteuils moelleux s'ils sont trop bas.
B comme bégaiement. Désormais, s'ils sont dans le bon ordre, les mots se bousculent dans ma tête, et très rapidement je bégaie. Même au téléphone.
C comme cochon (manger comme un). Mon "foyer" étant à droite, j'arrive de plus en plus mal à me servir de ma main droite. Pour l'écriture l'ordi me sauve, mais pour manger, c'est l'horreur ! Au point d'éviter les invitations à dîner en dehors des proches. En plus la diminution de ma force fait que parfois j'ai énormément de mal à couper ma viande. Voir aussi "maladresse".
C comme couchage. N'ayant également beaucoup moins de force dans les bras, j'ai intérêt à prendre la bonne position d'entrée de jeu, car bonjour ensuite pour me retourner ! Quand j'y arrive.
D comme déni. Mon tremblement se voyant de plus en plus, et ne voulant pas passer pour un alcoolo ou un drogué en manque, j'ai annoncé la couleur tout de suite. Dont à mon cousin Jean-Yves début 2019.
Quand je l'ai revu 6 mois après, il m'a dit "je croyais que c'était des conneries"...!
D comme démarche. J'avais déjà tendance à être légèrement voûté à cause d'une hernie discale mal soignée. Mais la raideur que procure cette maladie me fait désormais ressembler à Madame Bodin's mère (sans la canne). Je plains ma pauvre épouse, qui voilà 8 ans faisait connaissance de Richard Gere, et qui se retrouve avec le Père Fouras !
E comme écriture. Moi qui avais (si, si) une assez belle écriture, elle s'est progressivement transformée en "pattes de mouche", et désormais je dois le salut à mon ordinateur et ma carte bleue ! Car même rédiger un chèque relève à présent du parcours du combattant.
E comme escalier ou équilibre. La peur des escaliers, de perdre l'équilibre, est un des symptômes révélateurs.
E comme étourdissement. Voir des gens évoluer autour de moi m'étourdit. De même je ne supporte plus la foule, faire les courses le samedi dans un hyper est désormais un calvaire. Moi qui avais fêté le 1er janvier 2013 sur les Champs-Elysées !
F comme fatigue. Cette maladie fatigue énormément. Et du coup le soir je suis vanné. Pourtant pas facile de s'endormir (cause dopamine) mais une fois parti je fais le tour du cadran.
G comme gaucher. Mon "foyer" se situe à droite, et petit à petit je "vire à gauche". Par exemple, je ne tape désormais au clavier que de la main gauche, la droite devenant de plus en plus incontrôlable. Non Jean ce n'est pas de la politique ;-))
H comme m'habiller. C'est de plus en plus long, à présent il me faut un quart d'heure au minimum. Voir "kiné".
H comme honteuse (maladie) : Voir "déni".
I comme internet. Voir aussi "ordinateur". C'est en lisant quelques articles sur la maladie que j'en ai déduit ma maladie. Internet, grâce à qui je peux communiquer.
K comme kiné. Passant trop de temps à me déshabiller puis à me rhabiller, je ne peux plus y aller, alors que j'en aurais bien besoin vu l'état de mon dos.
L comme lenteur. J'ai carrément pu chiffrer l'arrivée de ma maladie au mois près ! Si, je vous jure. Grâce au jeu "song pop" qui consiste à deviner une chanson le plus vite possible. Avant ma maladie sur des séries faciles je faisais en moyenne 0.6/0.7 seconde par chanson. Puis ce fut 1 seconde, 1 et demie... Et j'ai stoppé. Mais ça m'a permis de dater le début de ma maladie : janvier 2017.
M comme maladresse. J'ai l'impression d'avoir des gants de boxe quand je veux accomplir une tâche avec mes mains, notamment le simple fait de me servir d'une fourchette et d'un couteau.
M comme manque d'air. Un des aspects de parkinson, cette sensation d'étouffer, de temps en temps. J'ai consulté une pneumologue qui m'a confirmé que mes poumons étaient en bon état, c'est donc le cerveau qui déconne. D'où :
M comme masque. Cette saloperie bleue, que l'on ne mettait pas durant la "première vague" - laquelle s'est quand même éteinte toute seule - me rend fou quand je la porte trop longtemps, car vraiment j'étouffe. Je comprends le choix de ceux qui le mettent par peur (de la maladie ou des 135 euros), ou pour se donner l'impression d'appartenir à un groupe (j'avais le "syndrome foulard" quand j'étais scout) mais on ne devrait pas l'imposer à ceux que ça rend malades plus que la maladie elle-même.
N comme neurologue. Parfaits pour diagnostiquer puis suivre la maladie. En revanche, côté médocs, ils auraient tendance à prendre un marteau-pilon pour écraser une fourmi.
O comme ordinateur. Cet engin me sauve ! Grâce à lui, je peux encore communiquer. La preuve !
P comme projets. Mon expérience des hits parades me fait réaliser qu'il vaut mieux ne pas en faire. Chaque trimestre me voit régresser. Heureusement ma femme est là, et je sais qu'elle tient à moi. En dehors d'elle, "les choses" ont voulu que rien d'autre' ne me retienne vraiment à la vie. Si elle n'était pas là, ne tenant pas à déchoir totalement et devenir une épave, je sifflerais la fin de la partie avant que je puisse plus le faire de moi-même.
R comme rasage. Désormais, fini pour moi le rasage de près, sous peine de coupure. J'ai fait l'emplette d'une tondeuse, qui me donne une barbe de 3 jours, que je trouve ma foi pas si mal, d'autant qu'à la télé on ne voit plus guère d'hommes glabres. Et puis de toutes façons avec le masque...
R comme raideur. C'est par ce biais que ma kiné, en 2017, a deviné ma maladie.
S comme SNCF. Entreprise que j'ai souvent critiquée dans ces colonnes. Mais que je dois à présent remercier, car si je peux encore être autonome, c'est grâce à elle. Quand ça roule...
T comme toilettes. Je préfère ne pas entrer dans les détails, ne voulant pas tomber dans la scatologie, mais je peux vous dire que j'appréhende la toute fin de l'exercice...
T comme trembler, évidemment. C'est le signe avant-coureur principal de la maladie. C'est également un livre de Catherine Laborde qui est très instructif.
V comme voiture. C'est en 2017 que j'ai commencé à prendre peur sur l'autoroute. En 2018 je n'y ai roulé que le dimanche, et plus du tout à partir de 2019. J'en parle ici. Parallèlement, je ne roulais plus dans le sud, la "conduite-western" de là-bas ne m'ayant d'ailleurs jamais trop emballé. Puis je n'ai plus conduit du tout, la dernière fois étant janvier 2020, juste avant que je me fasse une double hernie discale.
Même en temps que passager, je supporte de moins en moins la vitesse.
Je vous embrasse.
14:49 Publié dans détripage, moi | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
D'abord Patrick chapeau l'artiste pour avoir réussi ce dictionnaire avec l'ensemble des lettres de l'alphabet,il fallait le faire. J'apprécie le ton que tu as employé en pratiquant l'autodérision plutôt que de t'apitoyer sur ton sort,impressionné aussi par le fait que tu réussis tant bien que mal malgré les souffrances à adapter ton corps aux contraintes quotidiennes de la maladie.Enfin tu soulignes beaucoup l'amour de ton épouse comme un soutien indispensable pour affronter la maladie et il apparaît clairement que c'est cet amour qui te permet de la combattre. Merci de nous avoir partagé cette note avec à la fois la simplicité et le talent que l'on te connaît. Amitiés, Renaud.
Écrit par : Renaud | 16/05/2021
Renaud t'a magnifiquement répondu...
Je ne pourrais te faire meilleur retour. Je m'associe et m'accole totalement à son commentaire.
Il ne m'en voudra pas, ...j'espère !!!
Amitiés
Écrit par : Marc | 16/05/2021
En voyant vos deux commentaires, j'aurais pu écrire : B comme Blog, qui me permet de me "détriper" (je n'ai pas dit "day tripper" !!!) et faire sortir le trop plein de temps en temps.
Comme je l'ai dit au début, ma chérie me permet de passer tout ça sans trop de souci, je n'ai donc pas à pleurer sur mon sort, il y a bien pire que moi ! MERCI en tout cas à tous les deux.
Écrit par : Cica pour Marc et Renaud | 16/05/2021
Tu parles d'un dictionnaire, y'a même pas de "Z"...
(POV : J'adore le dictionnaire que vous avez fait, c'est varié, il y a des lettres)
Écrit par : Saumon | 16/05/2021
Sacré dictionnaire ! Malheureusement j'en connais pas mal avec cette putain de maladie que tu décris si bien . Amitiés . Jean
Écrit par : jean | 16/05/2021
Je découvre ton dico avec tristesse, pardonne-moi, Patrick. L'amour, que dis-je, l'Amour de ton épouse est absolument admirable, tu le décris si bien... Que serais-je sans toi?, un succès de Ferrat qui prend tout son sens, d'Aragon je pense, me revient...
Au moins, ton style est intact, on le reconnaît et c'est fabuleux; il surmonte cette atteinte à ta santé.
Amicalement. Cédric
Écrit par : Cédric | 17/05/2021
Comme le dit Cédric, je n'ai rien perdu de mes facultés intellectuelles. Et j'oserai dire qu'elles sont plus aiguisées. Le corps fait bien son boulot, "compensant" d'un côté ce qui fait progressivement défaut de l'autre.
Que serait-je sans mon épouse ? Je n'ose même pas l'imaginer...
@ Saumon : un dico qui comporte des lettres, c'est vrai c'est original lol !
Amitiés à tous.
Écrit par : Cica pour Hasni Jean & Cédric | 18/05/2021
C'était pas une moquerie, hein :(
Écrit par : Saumon | 18/05/2021
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