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01/02/2025

Mes années-radio : le jour où j'ai refusé de passer pro

Les jours où je ne bosse pas, j'anime avec Cathy "studio 104", un talk-show où du lundi au vendredi nous interviewons tout ce qui bouge ! Du chef de gare de Gap au jazzman Memphis Slim, des nationalistes Corses à l'Homme du Picardie, du simple auditeur au groupe Les Forbans, en tout 180 émissions.

A l'occasion du 38ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, le 27 janvier, nous recevions un déporté qui avait passé 3 ans dans cet enfer. Il avait tout juste 60 ans, mais en paraissait 80. Ses yeux étaient fixes, et de sa voix fluette, il nous raonta là-bas.

Au début ce que nous savions déjà. Depuis peu d'ailleurs, depuis très exactement 5 ans, date de diffusion du feuilleton holocauste . Avant, on avait une vague idée, mais depuis, les gens avaient réalisé. Il n'était que temps ! Certes il y avait des négationnistes. D'autres zozos (mêmes morts ça reste des zozos) pour lesquels des millions de morts n'étaient que détails.

Comme pause musicale on passa "the partisan" de Leonard Cohen. Je ne sais si pour lui ce fut un déclencheur, mais son récit devint alors plus précis, plus intime. De ses yeux toujours perdus vers un autre monde, il racontait, se racontait.
Des choses inimaginables.
Cathy s'arrêta de poser des questions, sa voix devenant de plus en plus étranglée, ses yeux laissant perler des larmes. Régis n'était pas mieux, quand à Muzol, qui avait vécu cette guerre, il s'était caché... Il n'y avait que moi qui, désormais seul à l'antenne, encourageais l'ancien déporté à se libérer. Ma voix était assurée, on pouvait penser à une certaine insensibilité de ma part.

Et arriva le générique de fin. Tandis que les autres étaient en lambeaux, je raccompagnai notre visiteur.

Ce n'est qu'une fois la porte fermée que j'explosai en larmes. Des sanglots que je mis de longues minutes à contenir, devant les autres, médusés.
La facilité aurait été de ne pas aller au bout des confidences, quitte à frustrer notre visiteur et surtout les auditeurs. Le temps d'un second disque (on avait prévu "nuit et brouillard") j'aurais pu "récupérer" et, pourquoi pas, me laisser aller.
Mais j'ai tenu. Au prix d'un effort insensé j'ai tenu, tenu l'antenne.
Je n'ai pas fait les infos, je suis parti juste après.

Le lendemain, tandis que j'animais mon émission flashback, Muzol profita que je sois seul pour passer au studio.
- mets "le jardin du luxembourg", j'ai à te parler.

S'il lui fallait douze minutes c'est que c'était grave. Je m'attendais au pire.
- Hier soir, en privilégiant l'antenne à ton émotion, tu as prouvé que tu es un vrai pro. Je dois engager un permanent en plus de Cathy et Régis. Si tu veux le poste est à toi, en CDI.

Cela assorti d'un chiffre à quatre zéros...
Je lui répondis que j'étais intéressé et que ça demandait réflexion.

En fait c'était tout réfléchi.
C'était non.
Certes mes émoluments étaient loin du chiffre de Muzol. Mais si j'acceptais il fallait que je mette en dispo  la météo. Et à la reprise, adieu Embrun. Je repartais de zéro et ne pourrais prétendre qu'à une station peu demandée. Or je n'avais pas envie d'aller à Roissy, Trappes ou Bastia...
Et surtout, adieu ma liberté de ton, je deviendrais un employé, Cathy et Régis mes supérieurs hiérarchiques, Muzol mon boss.
Pas question.

Mais à partir de cette date, j'estimerai avoir réussi mon examen d'animateur/technicien.

 

12:07 Publié dans détripage, moi | Lien permanent | Commentaires (0)

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