02/08/2010
Souvenirs d'enfance : mes plus belles vacances (Corrèze 1959)
Nous voici donc une fois de plus à la gare d’Austerlitz, pour une destination nouvelle. Je commençais à bien la connaître, cette gare, l’ayant fréquentée les cinq années précédentes.
Quai n°14, direction Ussel. Qu’est-ce que c’est que ce patelin ? Moi qui suis plongé dans les cartes en permanence, j'avoue que je sèche...
Départ à neuf heures précises. Les mêmes gares de banlieue, traversées de plus en plus vite. Juvisy à 120, Brétigny à 140, puis Etampes, qui marquait la frontière entre la banlieue et les « grandes lignes », entre la région Parisienne et la Province en somme.
Les Aubrais-Orléans. Arrêt habituel. Je me suis souvent demandé pourquoi la ligne passait sur le côté est d’ Orléans, et surtout pourquoi n’y avait-il pas de gare sur la ligne, mise à part celle des Aubrais à 6 kilomètres. J’ai appris par la suite que le maire de l’époque ne croyait pas du tout au chemin de fer. A présent les Orléanais s’en mordent les doigts.
Vierzon. Arrêt connu aussi. Jusqu’à présent on va au même endroit, me disai-je. Toulouse, Limoges,Vierzon, c'est la même ligne.
Erreur ! Je vois qu’on nous enlève notre BB électrique et qu’on la remplace par une loco vapeur crachotante.
Oh non, pas la vapeur ! Je n’aimais pas ça les locomotives à vapeur, c’était bruyant, ça n’allait pas vite et en plus - surtout - on ne pouvait pas se mettre à la fenêtre à cause des escarbilles. J’allais plus tard apprendre à les aimer ces locos, et ensuite à les regretter. Mais en 1959 j’étais en froid avec elles...
Nouveau départ, beaucoup plus poussif. On laisse (à regret) la grande ligne de Limoges et on suit une autre ligne que je ne connais pas, très belle et très roulante également, sauf qu’elle n’a pas de caténaires. On arrive à une bonne vitesse (à peu près 120) quand on freine pour s’engager sur une petite ligne à voie unique sur la droite. La vitesse devient assez faible à cause des courbes. Cela paraît interminable.
Pour moi jusqu’alors il y avait trois sortes de trains: les grands trains électriques, les trains de banlieue, et les michelines. Là c’était un grand train, pris à Austerlitz, qui se traînait comme une micheline ! J’ignorais que cela pouvait exister....
Enfin on s’arrête. Saint-Amand Montrond. Là je suis en pays complètement inconnu et décide avec mes parents de manger un morceau car il est largement plus de midi. Et puis quand on s’engage dans la Jungle, vaut mieux avoir le ventre plein....
Une demi-heure après, enfin une grande ville, Montluçon. Une heure au moins d’arrêt. On finit par repartir, mais la vitesse devient de plus en plus faible, je me demande même si on ne va pas tomber en panne ! A certains moments on va moins vite qu'une bicyclette.
Et des gares de plus en plus minuscules : Auzances, Evaux les Bains, Giat....des patelins de même pas 500 habitants dont j’ignorais que le Grand Train de Paris pouvait s’y arrêter ! On y reste un bon quart d’heure à Giat et je me dis que là pour de bon c’est la panne ! Je regarde autour de moi, et aperçois une plaque sur la façade:
ALTITUDE 824 m.
Là je comprends tout. 824 mètres c’est trois fois la hauteur de la Tour Eiffel, et pour hisser un train comme le nôtre à cette hauteur, cela ne pouvait bien sûr pas se faire à la vitesse du « Mistral » !
Enfin vers les cinq heures du soir, terminus du train. Mais pas terminus pour nous, on doit encore prendre une micheline qui doit nous amener à notre destination finale, Egletons, à seulement 30 kilomètres. En attendant on doit poireauter une bonne heure et on décide de se balader dans Ussel. Pas folichon du tout ! En plus on est crevés, il fait froid, bref au bout de 20 minutes on revient à la gare. Nouveau départ. Le paysage défile sous nos yeux, champêtre et forestier, de plus en plus joli à mesures que nous avançons.
19 heures et quelque, c’est l’arrivée en gare d’Egletons. Plus de 10 heures pour faire quelques 500 km! Mais c'était le plus court et donc le plus économique... Nous faire passer par Brive aurait presque divisé par deux le temps de parcours. Mais il y avait 60 km de plus. Donc une dépense supplémentaire. Jonasz me comprend ;-)
Une dame arrive, c’est la propriétaire, Mme Monteil, qui nous conduit au village distant de deux bons kilomètres.
Ce furent donc des super-vacances; pour moi et aussi mes parents. Nous nous fîmes tout de suite des amis, des fermiers (encore...) voisins de notre location, qui n’aimaient pas trop notre propriétaire. Déjà la location était assez chère d’après mon père, mais il me fallait absolument la montagne pour me requinquer, car je donnais de plus d’inquiétudes au niveau santé. J’étais si chétif que je ne paraissais pas plus de 6 ans !
Mais il faut dire que la dite location n’avait rien de comparable avec ce que nous avions loué les années précédentes: un vrai petit château pour moi. Qu’on en juge: une grande cuisine-salle à manger, une chambre et une petite salle de bains, le tout donnant sur un bout de jardin. Je sentais que j’allais passer des vacances de rêve, pour peu que le temps fût de la partie.
Il allait y être, de la partie, l’été 59 allait être un des plus beaux et plus chauds que l’on allait connaître depuis la guerre, moins chaud que 47 et 91 et bien sûr 2003 mais plus que 62, 90, 82 et même 83.
Pourtant ça commença mal.
Arrivés un samedi soir, le lundi après-midi nous étions déjà chez nos voisins fermiers. J’avais de suite sympathisé avec leurs enfants et nous nous appliquions à monter une cabane dans leur jardin. Il faisait une chaleur horrible.
Soudain le ciel s’assombrit. Il prit une couleur indéfinissable, un noir d’encre que jamais je ne devais revoir. Un grondement sourd se fit entendre. je n’avais pas trop peur des orages car mes parents m’avaient expliqué que la foudre tombait toujours sur des paratonnerres, la faisant en quelque sorte mourir dans le sol. Donc grâce aux fameux paratonnerres aucune chance qu’elle ne nous atteigne.
Raisonnement stupide de petit Parisien. Cela était tout à fait exact en milieu urbain, mais pas du tout à la campagne, les orages essuyés dans le Gers les deux années précédentes auraient dû me mettre la puce à l’oreille !
Je ne me méfiai donc pas, à l’inverse de mes petits camarades de jeu qui rentrèrent dare-dare chez eux. Je les traitai de « poules mouillées » . Il ne pleuvait toujours pas et le tonnerre était de plus en plus fort, les éclairs de plus en plus proches. Je savais qu’il fallait diviser par trois le nombre de secondes qui séparaient l’éclair du tonnerre pour connaître - en kilomètres - à quelle distance la foudre avait frappé.
J’étais arrivé déjà à moins de deux kilomètres lorsque le ciel me tomba littéralement dessus. Un fracas indescripitible, alors que je n’avais même pas vu l’éclair ! J’en déduisis que cela ne devait pas être très loin , quand je vis tout le monde sortir de la ferme de nos amis . A même pas 100 m de là, de la fumée sortait d’une maison, qui commençait à brûler. Les gens étaient choqués, certains brûlés par la foudre, qui était entrée par la cheminée et ressortie par la fenêtre en brûlant tout sur son passage.
A partir de ce jour j’ai commencé à avoir peur des orages. Je savais maintenant ce qu’ils étaient capables de faire...
Sinon, que du soleil, et des balades en vélo en veux-tu en voilà, moi sur le porte-bagage...
A l'époque vu le faible trafic automobile on pouvait encore se le permettre !
Et au retour, des "veillées" avec nos voisins.
Qui a dit que sans télé ni voiture des vacances ne pouvaient être réussies ? La voiture, mes parents n'en ont jamais eu, et ma foi, ça ne leur a jamais manqué. Moi j'attendrai l'âge de presque 26 ans pour passer mon permis. De force (on y reviendra)
(à suivre)
12:27 Publié dans beaux moments, moi | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : vacances, corrèze