23/09/2010
Vers les étoiles - 7
Nat, écartelée, replonge de plus belle dans la dépression.
Triplement écartelée, puis-je avancer avec le recul que j'ai. D'abord, elle est amoureuse (enfin ressent quelque chose pour moi, elle ne sait pas ce qu'est être amoureuse) mais en est-il de même pour moi ?
Car sa chère maman lui a bien dit que les hommes faisaient la cour aux dames pendant un certain temps puis allaient directement à l'essentiel. Or moi, cela fait déjà plus de 8 mois que l'on se connaît, que l'on s'apprécie, mais je n'ai rien tenté. Alors je ne l'aimerais pas ??
Ensuite, sa chère maman toujours, qui me déteste cordialement. Et ça, Nat ne peut le supporter.
Enfin mon épouse, qui lui témoigne de plus en plus d'affection. Du coup Nat est de moins en moins à l'aise.
Elle parle sans cesse de mourir, et me fait même une brillante démonstration un jour où nous partons en tournée d'inspection. Les virages pris à gauche, sans visibilité, les dépassement très limite, et j'en passe.
On se tourne autour tous les deux, sans s'avouer quoi que ce soit. Parce que ce n'est pas bien. Parce qu'on ne doit pas. Verbotten !!
Pour toutes ces raisons, elle "balançait" pour venir ou pas à la communion de ma fille, le 27, et ce sera finalement oui.
Ce jour-là sera hyper-important dans notre relation (c'est elle qui emploie sans arrêt ce mot) car à partir de là ma mémoire défaillante sera aidée par des traces audio-visuelles...
Déjà pour un père c'est une date historique de voir sa fille communier. Certes, ce n'est pas St Germain des Prés comme pour moi, mais quand même la majestueuse Cathédrale de Mende.
Alors, pendant la messe, je mitraille. Ma fille par devant, ma fille sur le côté, ma fille par en-haut...
Le parrain de ma fille, qui est -aussi- photographe professionnel, prend beaucoup de clichés noir et blanc.
Il mitraille ma fille, mais aussi mes parents et moi, assis dans la même travée. Sans se rendre compte qu'entre mes parents et moi se trouvait une certaine jeune fille habillée comme dans l'ancien temps...
Avec une mantille sur son visage.
Fin de la cérémonie. Mes parents, moi et Nathalie sommes les derniers à sortir.
Le hasard nous fait passer le porche en même temps elle et moi, sous les yeux émerveillés de mon père, qui ne pourra s'empêcher de dire :
"On dirait deux jeunes mariés."
Nathalie ne s'offusque pas. Elle sourit...
C'est à cet instant précis que je réalise qu'il faut que je "force la porte".
10 mois qu'on se connaît à présent, qu'on s'apprécie, qu'on s'aime puisqu'il faut appeler les choses par leur nom, il faut que je crève l'abcès. Absolument.
Reste à trouver le moment propice...
J'ai assez souvent critiqué ma belle-famille que je peux, là, m'autoriser à leur dire merci.
Pourquoi ? Parce qu'ils ont amené un camescope. Avec lequel je suis chargé de filmer ce dimanche.
Je me suis doté de deux cassettes de 45 mn chacune, et j'ai bien l'intention de faire "the" film.
Effectivement, les deux cassettes y passeront. Je vais filmer "au feeling", mettant en boîte les plans qui me paraîtront les plus importants. Ainsi, j'insiste 5 bonnes minutes sur la découverte par ma fille de son gâteau de communion. Un plan qui vaut son pesant d'or...
Je filmerai partout : dans l'église, à la maison, dehors, en balade à Sainte Enimie l'après-midi...
Sincèrement, vraiment sincèrement, je suis content de mon "oeuvre" que je fait visionner dès le lendemain par le "conseil de famille" réuni chez moi.
A vrai dire, ils ne seront que modérément contents. Une tante à mon épouse dira "mais dis donc, la voit pas beaucoup la petite communiante".. alors que j'ai filmé ma merveille de fille pendant quelques 35 minutes.
Non, le problème est que...Nathalie sera présente sur l'écran
...durant près d'une heure !
Tout le monde rouspète, bien évidemment, sauf... ma fille. Ma fille, la principale intéressée, qui s'estimera satisfaite de la grosse demie-heure que je lui ai consacrée.
Un plan est décisif, très révélateur de ce Nathalie pouvait souffrir à cette époque-là. : celui où je fais semblant de faire un jeu radiophonique et où j'interwieve Nat. Je lui pose - sans le savoir - une question qui la touche et je la vois grimacer, puis pleurer.
Ce plan, entre 2000 et 2003, j'ai dû me le passer environ 200 fois.
Oui, je crois qu'il n'y a pas de temps à perdre, si je ne tiens pas à déclarer ma flamme à une pierre tombale.
Ca tombe bien, une tournée est prévue pour le mardi. Ce sera le moment idéal.
Tournée qui a bien failli ne jamais arriver. Car Nat a de plus en plus l'impression que la fais marcher. Et si, finalement elle avait tout faux ? Et si je ne faisais que m'amuser avec elle ?
Pas de doute, ma déclaration se fera aujourd'hui.
La tournée commence - encore - mal. Nat ne desserre pas les dents. Silence pendant les 50 premiers kilomètres.
On arrive dans un village nommé Grandrieu. Les personnes que l'on va voir sont lees parents de nos voisins.
C'est à dire qu'ils se situent entre nos deux appartements à Nathalie et à moi.
Je stoppe la fourgonnette, la regarde droit dans les yeux.
" Nathalie, si je n’étais pas marié et si j’avais 10 ou 15 ans de moins, pourrais-tu alors envisager de faire ta vie avec moi ? ”
Elle ne répond pas, détourne les yeux, gênée.
Et on rentre chez les gens qui nous attendent.
Qui nous servent, à 10 h du mat, un verre de gnôle titrant un nombre impressionnant de degrés...
C'est un peu un mélange de " quand harry rencontre Sally" et "les Bronzés font du ski"...
Je regrette vite mon audace. C’était tout ou rien, et bien ce sera donc rien. Encore heureux si elle veut encore de moi comme "meilleur ami" !
Je sors - elle aussi - en titubant. J’ai un peu abusé de l’alcool pour “oublier” ma connerie, ma question. Et je démarre, me fichant comme d’une guigne d’un éventuel ballon gendarmesque !
On ne fait pas 10 mètres que Nathalie me lance: “tu m’as bien posé une question tout à l’heure ?»
Je manque de dire, comme Barthez, «laisse tomber, c’est une cônnerie». Mais quand même, je tiens à assumer, et lui réponds «ben oui…».
Elle me fixe alors de ses yeux bleus magnifiques, et me dit :
«Bon».
Un temps, interminable pour moi, mais qui n’a pas dû dépasser les deux secondes.
«Alors la réponse est oui..”
♥ ♥ ♥ ♥ ♥ ♥ ♥
FIN DE LA PREMIERE PARTIE. La suite dans une semaine, car je pars demain matin très tôt en stage. Dernier stage de ma carrière, un stage de "préparation à la retraite".
Si vous voulez savoir comment, au bout d'un an pile, j'ai réussi à l'embrasser, puis mieux encore.
Si vous voulez savoir comment j'ai géré les quelques mois où j'ai atteint mon bâton de maréchal.
Si vous voulez savoir comment on essaie de détruire un couple en le harcelant.
Si vous voulez savoir ce qu'est vraiment une dépression, une vraie, celle qui te transforme en zombie.
Si vous voulez savoir ce qu'est un "vrai" couple, qui arrive à survivre pendant 3 années malgré tous les coups qui lui sont portés..
Alors rendez-vous à partir de la semaine prochaine, sur cette même antenne !
Je vous embrasse.
15:48 Publié dans ceux que j'aime, moi | Lien permanent | Commentaires (9)
22/09/2010
Vers les étoiles - 6
Le 17 mars au matin, mon épouse monte dans ma chambre et me tend une enveloppe.
"c'est pour toi"..
Je reconnais tout de suite l'écriture. J'avoue que j'hésite à l'ouvrir, car connaissant Nathalie, ça peut être tout bon ou tout mauvais.
Bah, dans les deux cas ça précipiterait les choses...
C'est du bon.
Du très bon même, inespéré dirai-je. Une carte de bonne fête où elle a écrit un petit poème :
"En ce jour aussi joli / Je fais un gros bibi / A mon meilleur ami / De toute une vie"
Son meilleur ami de toute une vie. Il faut connaître le contexte pour comprendre ce que ses mots veulent exprimer. En me hissant au grade de "meilleur ami de toute sa vie", cela signifie tout bonnement que je suis la personne qui compte le plus pour elle. Elle ne peut pas faire plus...
Car je le répète, Nat n'a encore jamais éprouvé de l'amour pour un homme, elle ne sait donc pas par quoi ça peut se traduire. Elle "se sent bien avec moi" - elle me l'a souvent dit - et a de plus en plus de mal à être séparée de moi. C'est quoi docteur ? C'est pas de l'amour ?
A la manière de Mr Jourdain, Nathalie était depuis longtemps amoureuse de moi sans le savoir. Mais d'autres - comme Michel, notre chef - le savaient déjà...
A propos de docteur, mon corps va réagir très positivement à cette annonce. Déjà le soir même je sors de ma chambre, et descends dans la salle, chose que je n'avais pas faite depuis plus d'une semaine.
Le lendemain je fais quelques pas dehors, et le surlendemain, je téléphone au boulot pour leur dire que je peux reprendre doucettement.
Ma fièvre tombera très vite, en deux jours, tandis que ma toux s'estompera en quelques semaines.
Le docteur "pessimiste" confiera à mon épouse qu'il n'a jamais vu ça de sa vie.
Et pourtant....
Il aurait dû lire le magazine Psychologies de janvier 1992 - 13 mois auparavant - qui expliquait ce phénomène :
Donc voilà. Je l'aime et elle m'aime. Elle ne peut pas me le dire "directement", aussi use-t'elle d'autres mots pour l'exprimer. Pour ma part, c'est tout ce que je demande. De savoir qu'elle a les mêmes sentiments que moi, et que par la double grâce du travail et de l'immobilier, on aura des tas d'occasion de se voir.
En cette fin mars, je suis le plus heureux des hommes. Certes, je ne pourrai pas la prendre dans mes bras, certes je ne pourrai pas l'embrasser - voire plus - mais ce statut de "meilleur ami" nous satisfait très bien l'un et l'autre.
En fait il va nous satisfaire... pendant 3 petits mois.
Moi qui suis la politique à fond, les législatives me passent complètement à côté, alors que pourtant, et à mon grand désespoir, la droite est revenue au pouvoir. Et pour longtemps.
Le vendredi 9 avril, soudain changement d'attitude : elle ne veut plus me parler.
La raison : conversation téléphonique avec sa mère, qui n'apprécie pas le nouveau meilleur ami de sa fille. Qui continue son credo : je n'ai qu'une idée en tête, et je ne suis qu'un porc comme les autres mâles de la planète.
Madame aurait-elle oublié ce qu'était l'amour ? L'a-t'elle au moins connu....?
Pour être trivial, de quelle façon a-t'elle conçu sa fille ?
Je mettrai des heures et des heures pour la remettre en confiance, mais pas de doute, Nat est comme moi : écartelée. Hélas ça ne suffit pas de s'aimer, il faut l'être en communion avec les autres. Et là c'est loin d'être le cas.
Les vacances de Pâques sont un formidable test pour mesurer l'intensité de nos sentiments : J'ai réservé une maison, sur la plage, près de Lorient, au milieu de tous mes cousins/cousines.
Et pas pour une semaine, pour 15 jours.
Il fera un super beau-temps pendant ce séjour. Ma famille - tous confondus - me réservera un accueil chaleureux. Nous irons même faire des escapades, notamment à Rennes, St Malo, Dinan, Brest, Quimper, Pointe du Raz...
Cependant, durant ces vacances qui en d'autres temps auraient pu être exceptionnelles, moi, je...compterai les jours. Les jours qui me séparent du retour. Qui me séparent d'elle.
Et elle ? Et bien, elle me demandera de l'appeler d'une cabine tous les jours où elle bossera !! Et ces conversations sans fin.
Retour - enfin ! - au bercail.
Trimestre décisif pour notre fille, qui doit cravacher si elle ne veut pas redoubler son CE2. Il lui faut à tout prix un soutien scolaire, ce sera... Nathalie qui se proposera ! Entre les deux règne une complicité de plus en plus évidente.
Mais mon épouse commence à se douter de quelque chose. Déjà les 9 kilos que j'ai perdus depuis septembre ne sont pas tous à mettre sur le compte de la maladie, et elle le sait.
Mais c'est "autre chose", la fameuse intuition féminine...Toujours est-il qu'elle me fait de plus en plus de scènes, sur tout et n'importe quoi. Ce qui m'enlève du même coup pas mal de remords, d'oser ressentir des sentiments pour "une autre". Comment rester avec une telle mégère, même si je suis conscient que c'est la maladie qui l'a rendue comme ça ?
Et puis, désolé, mais je n'ai rien demandé, rien recherché... Ca serait bien si on disposait d'un petit bouton "reset" que l'on actionne lorsqu'on tombe amoureux alors que c'est règlementairement interdit, vous ne croyez pas ? Hélas ça n'existe pas...
(à suivre)
19:09 Publié dans ceux que j'aime, moi, psy | Lien permanent | Commentaires (2)
Vers les étoiles - 5
30 janvier 1993. C'est mon anniversaire. pour la première fois Nat nous invite chez elle, car elle a préparé un repas pour cette occasion.
C'est la première fois que j'entre "chez elle", mais pas dans l'appartement ! Lequel avait déjà abrité mon ami-collègue dont j'ai été le témoin de mariage, qui lui-même succédait à un collègue de radio !
C'est dans cet appartement que nous créerons pendant quelques mois en 1989 une "radio pirate" dont la portée ne dépassait pas celle de l'immeuble.
Je regarde son appartement comme si c'était un sanctuaire. Peu ou pas de meubles. Juste le strict minimum. La porte de sa chambre est entrouverte, et je distingue deux choses : sur le mur un immense poster - qui recouvre l'intégralité de la surface - représentant un lac de montagne, et aussi une immense statue de Saint Joseph posée au pied de son lit.
Au vu de certaines de nos conversations sur Dieu, je savais qu'elle était très pieuse - attention, pas bigote, tout comme moi elle n'apprécie pas trop ceux qui seraient Ses représentants sur Terre, papes, évèques et curés - mais là, j'en mesure le degré.
Et là je me rends compte de ce qu'elle doit souffrir dans sa chair si jamais elle est amoureuse de moi, comme je le pense de plus en plus. Car cet amour représenterait pour elle la Tentation, le Diable en somme.
Donc, résumé de la situation, après cinq mois de passion dévorante, mais inexprimable :
De mon côté j'aime Nat à la folie, mais je ne peux concrétiser cet amour du fait que j'ai "des chaînes".
De son côté, en admettant que c'est réciproque, c'est encore pire. Car en plus de sa mère, qui sera un "morceau" redoutable, j'ai aussi Dieu contre moi...
♥♥♥♥♥♥
Ce mois de février va être décisif.
Désormais, nous essayons de nous voir le moins possible.
Inutile de nous torturer. Au boulot, nous "tournons" le plus souvent avec notre autre collègue, une femme de 35 ans.
Elle ne vient plus à la radio.
Ses week-ends Nîmois redeviennent nombreux, et pour ma part je multiplie aussi les sorties.
Nous espérons nous en tirer comme ça, à bon compte, pensant naïvement "loin des yeux loin du coeur".
Désormais, toute son affection, son amour, qu'elle ne peut canaliser, est reportée sur un seul être, un animal qu'elle a toujours considéré comme son enfant, et qui ma foi le lui rend bien. C'est cet animal qui lui fera passer ces mois extrêmement difficiles, un animal qu'elle chérira de toutes ses forces, le seul être qu'elle aime et qu'elle a le droit d'aimer.
Cet animal, c'est un petit cochon d'Inde.
Et qu'elle a baptisé "Pompon"...
Nous essayons de nous éviter, mais il apparaît que c'est désespérément impossible.
Un jour, notre chef nous fait une réflexion amusée, mais révélatrice. Il était question d'éditer une brochure, et on se demandait quoi mettre en couverture.
C'est alors qu'il lance "En tout cas, il ne faut pas confier ce travail à Patrick, car on risquerait fort d'avoir la photo de Nathalie"
Ce chef-là nous aime bien. Arrivé le 1er septembre, il a donc pu assister - discrètement - à l'évolution de notre relation. Pourtant il ne "cheffe" que peu, étant absorbé par la préparation d'un concours dans la fonction publique. Mais il a déjà tout vu en ce qui concerne notre "couple".
En attendant, même si Nat et moi jouons les offusqués, cela signifie une chose : notre amour ne passe pas inaperçu.
18 février, mon meilleur ami (qui décèdera en 2007) vient nous voir. Nat est invitée à dîner, elle accepte du bout des lèvres. Ils font connaissance, c'est plutôt glacial...
Toujours notre chef, Michel. J'aurai toujours un doute sur son attitude, hyperbienveillante, car il fera son maximum pour que Nat et moi soyons le plus possible ensemble.
Et c'est ainsi qu'il nous met ensemble de service le 23 pour une tournée d'inspection à travers les Cévennes.
Donc, Nathalie et moi côte à côte dans la 4L fourgonnette de l'entreprise. Au début nous traversons des paysages enneigés, semblables au climat qui règne entre ma jeune passagère et moi. Elle ne se déride pas, les seules paroles auxquelles j'aurai droit seront des diatribes sur l"hypocrisie des mecs... Et puis peu à peu, au fur et à mesure que l'heure s'avancera, elle va se décoincer. A tel point que je vais lui proposer une chose, c'est de conduire la fourgonnette !
"mais je n'ai jamais fait ça...je n'y arriverai jamais !"
Je lui réponds du tac au tac que l'année passée à la même époque je tenais rigoureusement les mêmes propos. Et je m'improvise sur-le-champ moniteur d'auto-école !
Au début j'aurai des sueurs froides. Notamment quand elle prendra très large certains virages au ras du précipice. Mais rapidement elle aura l'engin en main, et quand nous nous arrêtons pour déjeuner, elle sait la conduire aussi bien que moi.
"Tu vois bien que tu y est arrivée. C'est comme pour le reste, tu peux faire de grandes choses, mais tu n'as pas assez confiance en toi.."
Là - j'aurais dû m'y attendre - elle fond en larmes, comme à chaque fois que je lui fais un compliment.
Mais l'averse passe assez vite, et au fil des heures je la sens de plus en plus proche de moi. A tous niveaux. Plusieurs fois on se frôle, ça me fait un effet incroyable. Je meurs d'envie d'arrêter la voiture, et de tout lui dire. Lui avouer que je l'aime, à en crever, et ce depuis le premier jour où je l'ai vue. Mais ce n'est pas possible, ce ne serait pas "raisonnable", nous n'en avons pas le droit.
♥♥♥♥♥♥♥
Et c'est alors que, simultanément, nos deux corps vont se rebeller.
Tous les deux allons tomber malades.
Très malades, surtout moi.
Pneumonie.
Dès le lendemain de la tournée la fièvre va me gagner très vite. Elle sera suivie par une toux qui ne me quittera plus. Au départ, j'essaie de ne pas m'aliter, car c'est les vacances et si je suis "arrêté", c'est Nathalie qui devra bosser toute seule. Nathalie dont j'ignore qu'elle aussi est malade. Mais finalement je "craque" le mercredi 2 mars, je m'alite.
Nat que je n'ai pas prévenue, le prend mal, d'autant qu'elle n'est pas beaucoup plus vaillante que moi.
Dans mon lit, Complètement terrassé par la fièvre et la toux, je n'attends qu'une chose : que Nat vienne me voir, me dise qu'elle ne m'en veut plus. Et puis, pourquoi pas, me dire autre chose...
Un soir, la sonnette.
C'est elle. Je reconnais sa façon de sonner, très particulière. De mon étage - nous logeons dans un duplex - j'entends des bruits de voix, la porte d'entrée qui se referme, puis se rouvre, et se referme, cette fois définitivement.
"C'était Nathalie ?", demandai-je fébrilement à mon épouse, dans tous les sens du terme.
"Non..."
En fait, je l'apprendrai plus tard, c'était bien elle. Mais ma chère et tendre, pour une raison que Nat ne voudra jamais me dire, la chassera méchamment.
A partir de là, je ne lutte plus. Je me laisse emporter par la maladie. Les toubibs se succèdent, me soignent à coups de piqures de cortisone (3 par jour) mais rien n'y fait. Mes fesses crient "grâce", mais fièvre et toux persistent.
Notre fille - heureusement - n'a pas trop l'air de réaliser, mais en revanche mon épouse oui.
Un soir, je la verrai même pleurer devant mon état !
Ce sera la seule fois où mon épouse pleurera pour moi.
On me parle d'hôpital, je refuse catégoriquement.
Qu'on me laisse tranquille. Une seule chose pourrait me sauver : Voir Nathalie. Mais au bout de tant de jours, je n'y crois plus. Bien entendu, j'ignore sa maladie, et surtout la façon dont elle a été "accueillie".
Ca aussi je le saurai plus tard : le 15 mars le médecin confiera à mon épouse que - sauf miracle - j'avais désormais peu de chance de voir la belle saison si je persistais à ne pas vouloir entrer à l'hôpital.
Pendant ce temps-là, Nat aussi luttait contre une terrible anémie.
Nos deux corps en avaient marre, des conventions, des obligations morales imposées par nos cerveaux. Puisqu'ils n'avaient pas le droit d'être ensemble, alors ils se laissaient mourir tranquillement.
(à suivre)
17:39 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (3)
21/09/2010
Vers les étoiles - 4
Les semaines passent.
Un truc que j'ai du mal à comprendre, moi le statisticien, c'est la fréquence à laquelle nous nous rencontrons dans la rue. Dieu sait pourtant qu'on ne sort pas souvent, aussi bien elle que moi. Juste à Super U ou Inter faire les courses, une heure maxi dans la journée et basta.
Et bien pourtant, quelque que soit l'heure où je suis dehors, je la croise !
Un jour elle me demande si elle peut venir assister à mes émissions. On imagine ma réponse !
Dans le studio, je la regarde. Une petite fille d'un autre siècle, émerveillée par tout ce qu'elle découvre. Un sourire candide qui ne la quitte presque jamais, de temps en temps interrompu par une crise de fou-rire ou bien de larmes.
Ses larmes, il faudra que j'attende encore quelques mois pour les comprendre. Des trucs trop subtils pour le mec basique que j'étais encore.
Arrive Noël. Il est prévu que mes parents viennent passer ces fêtes avec nous.
Cette fois, les conditions ne sont plus les mêmes. Je suis tellement transcendé par mon amour que je sais que je ne me laisserai plus faire, que je ne laisserai plus faire de pareilles choses.
Mon épouse, justement, me pose problème. Car elle aussi est tombée sous le charme de ma petite collègue, et l'invite très souvent à dîner. Sans se douter qu'elle amène le loup dans la bergerie...
D'un côté ça me met énormément mal à l'aise, mais de l'autre je me dis que je ne vais pas refuser ces moments magiques, ces moments où je vois l' "autre" Nathalie, celle qui adore les enfants et qui va rapidement devenir la meilleure amie de ma fille.
Oui, vraiment, au milieu de tout cela, je me sens mal à l'aise.
Arrivent donc les fêtes.
Je vais chercher mes parents dans les Cévennes, et ma foi les premiers jours de "cohabitation", contrairement à la dernière fois, se passent bien. Ma chère et tendre sent bien qu'elle n'a pas trop le choix...
Le 24 au soir va être une sorte de révélation.
Nathalie a décidé de nous présenter sa mère, qui passe les fêtes chez elle.
Je me souviendrai longtemps de cette entrevue à 6, qui finalement allait présager de tout ce qui arriverait par la suite.
Entre Nathalie et mon père, c'est pratiquement le coup de foudre. Mon père, qui n'est pas du genre démonstratif, se lèvera de son fauteuil pour aller embrasser ma jeune collègue.
En revanche, ma mère ne semble pas l'apprécier. En bonne mère, elle doit sentir mes sentiments, et doit penser que cet amour par définition impossible va me faire souffrir.
Et entre "Mme Mère" et moi, ce sera encore plus glacial. Elle ira même jusqu'à interrompre l''apéritif que nous étions en train de déguster.
"Viens Nathalie, on a encore plein de choses à faire"...
Et devant notre air déçu, elle me lancera, sèchement :
"Vous aurez, j'en suis certaine, bien d'autres occasions de vous revoir..."
Le décor est planté. En admettant qu'un jour Nat arrive à avoir les mêmes sentiments que j'ai pour elle, nos deux mères seront en travers. Or cette expérience, je l'ai déjà faite 20 ans plus tôt avec les deux pères, et je ne sais que trop où elle peut aboutir.
En attendant, je suis de plus en plus torturé, et pour la première fois, c'est avec satisfaction que j'accepte de passer le réveillon du nouvel an chez mes beaux-parents, en Normandie.
Cette fois, je ne suis plus si pressé de rentrer à la maison..
Je suis écartelé entre deux sentiments contradictoires : D'un côté une indescriptible envie de la revoir, de lui parler, de l'entendre. Mais de l'autre même si je pressens de plus en plus que cet amour n'est peut-être pas si à sens unique que ça, il m'est rigoureusement interdit, et les barrières sont nombreuses pour me le rappeler. C'est donc la veille de la rentrée scolaire que nous rentrons, après être passés par le Mont-Dore.
Nous rentrons juste avant la tombée de la nuit, vers les 17h, et juste après Nat frappe à la porte.
C'est pour nous donner des cadeaux, cadeaux de nouvel-an !!
On n'en revient pas mon épouse et moi, et c'est l'occasion d'un long repas.
Au cours de ce repas Nathalie se livre complètement. On sent qu'elle a un besoin de parler, je me doute qu'elle vient de passer une sale semaine avec sa mère. Elle révèle à mes deux nanas une bonne partie de ce qu'elle m'avait confié, quand nous étions seuls au boulot.
Mon épouse est vraiment touchée par ce qu'elle nous raconte.
Nathalie commence à déprimer, c'est évident. Elle nous donne des tas de raisons, toutes aussi valables les unes que les autres, mais ayant pu me rendre compte de la force de caractère de ma jeune collègue, je pense que sans un "terrain" favorable, aucune de ces raisons ne pourrait la mettre dans cet état.
Et si le terrain s'appelait l'amour ?
Mais cela, elle ne peut le savoir, n'ayant jamais connu ce sentiment de toute sa jeune vie. Elle est comme moi en 1963, elle ressent plein de choses, qui tantôt la fait monter jusqu'aux étoiles, et qui tantôt la plonge au 36ème dessous. Elle ressent plein de choses, mais ne peut mettre un nom sur cette sensation.
Plutôt ne veut pas.
(à suivre)
22:46 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (2)
Vers les étoiles - 3
Et c’est le retour à Mende par le train de nuit. Là encore ce voyage me rappelle étrangement celui d’il y a 20 ans. Quand je quittais Paris pour retrouver Mireille. Mon coeur bat la chamade, malgré moi.
Ce ne loupe pas : dès que je la revois, je suis comme ébloui. Oui, mordu mon gars, tu l'es, et à un point que tu n'as jamais connu.
Néanmoins, je continue à "lutter". A me dire que c'est vraiment le démon de midi, et que tout finira par rentrer dans l'ordre. Surtout pour un coeur d'artichaut comme moi !
J'essaie de pas "tourner" avec elle, mais c'est elle qui insiste pour le faire, tenant à ce que lui apprenne "vraiment" le métier. Et c'est ce que nous allons faire, passer des journées entières en double, journées pendant lesquelles je lui apprendrai toutes les ficelles du métier, ficelles qu'elle notera scrupuleusement sur un cahier, prenant des notes comme si j'étais son prof.
On ne parlera pas que de boulot, pendant ces journées. On parlera aussi d'elle. Du moins je lui ferai parler d'elle. Peu à peu, au fil des semaines, j'apprendrai beaucoup de choses.
Que jusqu'à présent, elle a toujours été rejetée. Surtout par son père, qui lui préférait son aînée Sylvie qui elle au moins avait "réussi". Réussi en tout : travail, beau mariage...
J'apprendrai ainsi que les escapades à Nîmes, ce sera uniquement pour voir sa mère, laquelle l'a prise sous son aile, et hélas, beaucoup plus que ça. Nathalie est sous l'emprise totale de sa mère, qui veille jalousement à ce que personne ne tourne autour de sa cadette, et ce depuis son divorce.
Ce divorce très douloureux l'a aigrie, et désormais son credo est "les hommes sont tous des porcs, qui ne pensent qu'à une seule chose". Et Nathalie l'a finalement adopté, ce credo.
Je ne peux alors m'empêcher de lui poser la question : "tu penses vraiment que les hommes sont des porcs ?"
Et elle répliquera très vite:"oui, et ce n'est pas demain qu'un mec me touchera..."
Ce sera vrai...
Ce jour-là je reçois trois infos en pleine gueule, aussi importantes les unes que les autres et qui décidément n'arrangeront pas mon "cas".
D'abord Nathalie n'a pas de mec.
Ensuite, elle n'a jamais connu l'amour.
Et surtout, elle refuse de le connaître. Elle n'y croit pas, à ce mot magique, qui pour elle n'est qu'une "invention destinée à faire rêver".
Au stade où en arrive cette conversation, je m'enhardis : "mais Nat, moi je suis bien un mec, et pourtant tu me fréquentes..."
Et elle me lâchera la réponse qui tue :
"Oui, tu es un mec, mais je te dirai que je suis très surprise, c'est la première fois de toute ma vie que je peux discuter avec quelqu'un aussi profondément. Et surtout avec un garçon. J'avoue que je ne comprends pas..."
En ce début novembre 1992, je fais alors cette triple - et triste - constatation :
1 ) J'aime Nathalie de plus en plus fort.
2 ) Le seul "rempart" qui pouvait m'aider à lutter contre cet amour est tombé, à savoir qu'elle n'a pas d'amoureux.
3 ) Je suis le seul confident qu'elle n'ait jamais eu. Et il ne faut surtout pas que je "gâche" ça...
Par "chance", une nouvelle occasion de prendre du champ m'est offerte : Il nous faut obligatoirement tapisser le studio que nous avons à Briançon. Cela doit être fait dans les 15 jours, et plus le temps de faire des devis. Alors c'est nous qui devons nous y coller. Moi qui n'ai jamais posé de papier peint de ma vie !
Là encore je me surprendrai : si le premier "lai" fut plus que laborieux, au fil des heures je vais devenir un champion du papier peint ! Tout comme pour les vendanges 1970, l'amour m'a donné des ailes. Pour moi, plus vite fini, plus vite on repart, plus vite je la revois...
° ° °
Elle va de moins en moins à Nîmes voir sa mère.
Et c'est tant mieux car pendant ces 48 heures-là, je ne vis plus. Le vendredi soir je suis presque prostré, le samedi je tire une tronche pas possible et le dimanche après-midi, je le passe le nez collé contre ma vitre, guettant le moment où je verrai apparaître sa R5 blanche.
Là, et seulement là, je peux enfin respirer. C'est vraiment le mot.
"Elle" est de nouveau tout près de moi...
(à suivre)
16:33 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (6)
20/09/2010
question aux lecteurs
Une lectrice assidue vient de me dire qu'il lui était impossible de me commenter, ce qui expliquerait le ratio visites/commentaires très bizarre.
Je vous demanderai, si jamais vous voulez me commenter sur telle ou telle note, et que vous n'y arrivez pas, de me le dire par mail
Merci d'avance de votre aide.
Cicatrice.
17:32 Publié dans Web | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : internet
Vers les étoiles - 2
L'éloignement me fait prendre un recul considérable sur les choses. Je fonctionne ainsi, si j'ai un problème, de rester dans l'ambiance du "problème" ne fera que l'accentuer, alors qu'un changement radical d'atmosphère m'aide à y voir plus clair.
En fait ce changement, cet éloignement fait un tri considérable : il gomme les soucis mineurs - même si je les considère comme majeurs - et fait ressortir les autres, d'une manière plus objective.
Donc "Paris" déciderait, en quelque sorte.
Déjà, j'avais prévenu : je n'appellerai à la maison que si j'avais un problème. Dans l'autre sens je pouvais être joint à tout moment par mon cousin germain, que j'avais décidé de voir afin de régler de sordides histoires de famille, d'héritage. Mes "nanas" savaient que j'allais aller le voir.
C'est au Formule 1 de St Denis que je posai mes valises. Endroit très coloré qui est à l'opposé de l'ambiance lozérienne. Pourquoi ce choix ? Simple : d'abord le prix. A l'époque ces hôtels étaient imbattables - ce n'est plus le cas. Ensuite le le lieu : 4 stations de métro du studio d'enregistrement.
L'enregistrement qui ne fut pas semblable au précédent, à celui de juin 1991 où j'avais gravi tous les échelons, m'étant retrouvé parmi les 10 premiers puis parmi les deux finalistes. Et où j'avais été - sans gagner - le "meilleur" ! Cette fois, je n'avais pas la tête au jeu, et si j'arrivai une fois de plus dans les dix premiers, je n'allai guère plus loin.
Le lendemain, cousin germain. J'étais venu avec la ferme intention de dénouer une crise familiale déclenchée par le mari de notre cousine commune, j'étais presque muni d'un "mandat", mais très rapidement la conversation dévia sur un autre sujet. A savoir sa fille cadette. Sa fille cadette devant laquelle - j'ignore pourquoi - j'avais toujours été baba. Sa fille cadette qui venait de s'installer dans la banlieue parisienne où elle venait d'accoucher. Je me promis d'aller la voir.
Ce qui n'allait pas tout à fait dans mon sens, celui de la raison de mon séjour, étant donné le prénom de la cousine ! Mais bon, même à cette époque "elles" étaient très répandues. "elles" le sont toujours d'ailleurs, c'est le prénom féminin le plus porté en France en 2010.
Ce fut en revenant de chez elle que j'eus un déclic. Seuls les "parigots" bon teint pourront me comprendre : J'ai fait, à plus de minuit, parfois à pied, parfois en bus, le trajet Bagneux-St Denis.
Et cela, sans éprouver la moindre crainte. Contrairement à mes habitudes. A la limite de l'inconscience.
J'étais "ailleurs". Certes j'avais été content de revoir ma cousine Nathalie, mais je ressentais quelque chose en moi, difficile à exprimer, je me sentais disons invulnérable. Voilà, c'est le mot.
Au bout du 5 ème jour, je voyais bien que l' "opération Paris" commençait à me donner des résultats.
Pas du tout ceux que j'attendais, résultats confirmés par un autre cousin, le parrain de ma fille, qui me trouva "pas comme d'habitude". Beaucoup plus zen, plus posé.
Inutile de poursuivre plus loin l'expérience, et j'annonçai par téléphone à mes nanas mon retour le lendemain matin. Mon épouse était contente de m'entendre, et bien entendu je dus détailler chaque heure de mon séjour ! Elle parut satisfaite de mes alibis, et tout à coup me lança :
" tiens, je vais t'en dire une bonne : tu sais, ta petite collègue, qui vient d'arriver. Je l'ai croisée dans l'escalier, car figure-toi qu'elle emménage juste en-dessous de chez nous..."
C'est pas, mais vraiment pas gagné...
(à suivre)
17:28 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (6)
Vers les étoiles - 1
Donc vacances à Amsterdam. Ville où nous ne chômerons pas car y est organisé un véritable racket, à savoir le "vrai-faux ticket parcmètre". Où il est stipulé - comme sur les autres tickets - l'heure à partir de laquelle vous êtes en infraction, mais également, en très petits caractères, écrits en néerlandais que.... le stationnement est interdit de 8h30 à 9h30 !
Moi j'avais un ticket valable jusqu'à 10h20, ça n'a pas empêché ma clio flambant neuve de se retrouver à la fourrière ! Entourée d'un nombre impressionnant de voitures françaises. Du reste le préposé parlait un français impeccable (tu parles) et les paiements CB étaient acceptés ! cela m'a coûté 300 florins de l'époque, soit l'équivalent de 200 euros actuels !
Dès que j'ai pris possession de ma voiture, j'ai foncé direct vers la frontière, Anne Frank et les canaux attendront !!!
2 septembre 1992, 7h55. J’arrive au bureau, le nouveau boss est là, enfin, côté encadrement la relève arrive entre le XIXème siècle et l’actuel. J’aimais bien mon ancien chef mais il était beaucoup trop ancré dans ses certitudes dans une discipline qui évolue chaque minute, il était vraiment temps qu'il prenne sa retraite.
Je reste cinq bonnes minutes à discuter avec lui, avec eux. Pour moi tout est changé, je vais enfin pouvoir travailler dans des conditions optimales. L’ère du collage sur cahier est terminé, place aux nouvelles technologies. C’est à peine si je remarque une jeune femme dans la salle principale.
C’est vrai, c’est « la petite nouvelle ». Celle qui remplace l’autre enflure, le cireur de bottes qui a toujours considéré Mende comme Alcatraz, et ses collègues comme des matons.
Ma foi elle a l'air très jeune et est assez mignonne. Une beauté surannée je dirais. J’aurais très bien vu Nathalie – car tel est son prénom – évoluer dans les années 50, 30 même. Rien à voir avec la féminité éclatante de notre vacataire estivale Valérie, dont j'ai parlé ce matin, une jeune fille bien en formes – et qui les montre – qui a déjà fait tomber la plupart du personnel masculin de l’équipe. Je suis le seul mâle à avoir résisté !
Au cours de cette journée, je verrai Nathalie venir timidement me demander des conseils. Vraiment timidement. Comme si elle avait peur de mes réactions… C’est vrai que je n’étais pas au courant de ce qui s’était passé pendant mes vacances Hollandaises, de la façon dont «on» m’avait été présenté :
Le mec en fin de carrière avec qui on ne plaisante pas…
A l’heure de la débauche, je lui dis au-revoir en lui faisant la bise.
Ce soir-là, chose inhabituelle pour moi, je ne rentre pas directement chez moi, mais je me prends à me balader dans les rues de Mende. Comme si je découvrais la ville.
Je me vois rentrer au Prisunic, me jeter sur un disque de François Feldman : «tombé d’amour», et une fois rentré chez moi, le passer en boucle.
Pendant le repas, mes nanas me demanderont pourquoi j’ai «l’air bizarre».
Bizarre ? Vous avez dit bizarre ? Non, je ne pense pas…
Et pourtant, par certains côtés...
Mais que m'arrive-t'il ?
J'en aurai la confirmation le lendemain, de ce qui m'arrive. L'emploi du temps a voulu que je sois une nouvelle fois avec Nathalie. Elle est vêtue comme la veille, à savoir gros pull-jean-pataugas. En mec, quoi, comme si elle voulait renier sa féminité. Mais comment pourrait-elle la renier, sa féminité ? Même en se dissimulant sous une burqa, son regard bleu tendre ficherait tout par terre.
Oui, ses beaux yeux bleus, c'est ce que j'ai regardé en premier chez elle. Alors qu'en général, vers les femmes mon regard se porte un tout petit peu plus bas...
Oui, que m'arrive-t'il ?
On discute un peu tous les deux. Elle me révèle qu'elle a été très mal accueillie dans notre petite unité, et par les collègues et par le chef, le vieux chef qui la rabaissera tant qu'il pourra, et lui dira "mais attendez que Patrick arrive...tel que je le connais, il sera encore plus sévère que moi !"
C'est vrai que côté boulot, sortie - même major de sa promo - toute fraîche émoulue de l'école, ça n'est vraiment pas ça. Pas sa faute, mais celle de l'école, qui en 1992 continue à rabâcher des cours de 1972.
Mais je sens au fond d'elle une énorme volonté d'apprendre, de "faire ses preuves" dans ce métier qu'elle a finalement choisi après avoir tâté de tout. Et d'avoir été reçue à tous les concours auxquels elle avait postulé.
Et, une chose qui me frappe par-dessus tout, c'est qu'à tout bout de champ, pour un oui pour un non, elle rit. Un rire communicatif qui ne peut que vous entraîner. Je crois que ça aussi ça m'a séduit.
Séduit.
Le mot est lâché.
Pas de doute, le démon de midi vient frapper à ma porte. Du moins c'est comme ça que je le prends.
Du calme, Patrick, du calme. Rappelle-toi : Après des années un peu folles, tu as réussi à te stabiliser, à te marier et à avoir un beau bébé. Non pas trois comme tu voulais - comme "nous" voulions - parce que, non prévu au programme, il s'est avéré que ton épouse avait une saloperie de maladie, mais une seule, une adorable petite fille de bientôt 8 ans. Bref, tu as fondé une famille, même si la famille en question bat de l'aile, même si cette sale maladie a transformé ta tendre épousée en sale mégère, même si tu sais que tout ça, ça ne pourra pas durer des années, fais attention !!!
Et puis, quoi, elle a quel âge ? 18 ? 20 ?
24. Elle a 24 ans, c'est ce qu'elle me dira au cours de cette journée mémorable. 24 ans paraissant 17.
Mais moi j'en ai 41, presque 42 !!! Raisonne-toi Bon Dieu, tu as passé l'âge de faire la sortie des lycées!!
Hein ?
Des universités. Si tu veux. Mais n'empêche, ça fait 17 ans et demie d'écart ! Te rends-tu compte de ça?
Quoi ?
L'amour n' a pas d'âge ? Oui, dans les romans et dans les films, je veux bien, mais pas "pour de vrai" !Tu imagines ta fille de 24 ans t'annonçant qu'elle aime un mec de 41 ? Comment tu prendrais ça ?
Hein ? Tu le prendrais bien, s'ils s'aiment ? Ben bravo... T'es pas soixante-huitard pour rien toi...
Bon de toutes façons, y a pas à y aller par quatre chemins, tu as 41 ans, tu es marié-père-de-famille, elle en a 24, et mignonne comme elle est elle a bien évidemment un mec ! Du reste au cours de ta journée "mémorable", ne t'a t'elle pas glissé qu'elle partait dès qu'elle pouvait à Nîmes ?
D'après toi c'est pour quoi faire ? Allez mon gars, un conseil,
OUBLIE ! Débrouille-toi comme tu veux, mais avant que ça prenne de trop grandes proportions, FUIS !!!
Fuir... j'en ai de bonnes, moi ! Et fuir où ? Et quel prétexte prendre ?
Le lendemain matin, comme par "hasard" - notez les guillemets - je reçois une convocation à l'émission "que le meilleur gagne", animée par Nagui, et où j'avais brillé l'année passée. Je m'étais même payé la poire de l'animateur-vedette.
Je ne cherche pas à comprendre, je pose illico presto 8 jours de congé, et file à la gare prendre un billet pour Paris. Histoire d'y voir un peu plus clair, histoire de "revenir à la raison".
Mon épouse n'apprécie pas, elle pense même - tout haut - que cette escapade subite cache en fait une femme.
En fait, elle n'a pas tort...
Mais si je "monte" à Paris, ce n'est pas pour voir une femme, mais en fuir une autre !
(A suivre)
14:10 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (4)
Le cul de ma valise (1992)
Hyper important, les collègues. Tu dois bosser avec eux, et vaut mieux qu’ils soient sympas. Par chance, jusque là, je me suis toujours plus ou moins bien entendu avec tout le monde. Je me suis même fait des amis on l'a vu.
C'est Christine, mon autre collègue qui a accueilli le remplaçant.
« Alors ? Le nouveau ?
- tu verras » qu’elle répond sur un ton laconique.
Je verrai, effectivement.
Il va vite se révéler être un parfait connard. Pas méchant mais autoritaire. Velléitaire plutôt. Apparemment il se prend pour le chef de centre. Déjà il a un mode de vie très spécial: il ne veut absolument pas entendre parler d’habiter en ville, se considérant à Mende comme « en pénitence ». Il est persuadé qu’il aura une mutation en mai, et pas n’importe où, dans son jardin, chez lui, à Nîmes s’il vous plaît !
Et à partir de là va «camper» au centre, c’est à dire y coucher ! Pour cela il va donc grouper ses journées, ce qui aura pour effet de nous emmerder au maximum Christine et moi.
En résumé tous les deux prions pour qu'il se barre le plus tôt possible, mais en ne se faisant pas trop d’illusions. S’il demande Nîmes, il peut attendre 5 ans au moins. Christine le demande depuis qu'elle est arrivée (1985) , et si jamais un poste s’y ouvre il sera évidemment plus pour elle que pour lui. Mais lui y croit dur comme fer et nous dit sans arrêt «tu verras le cul de ma valise».
Si ça pouvait être vrai !
Ce premier semestre 92 sera celui où je me barrerai sans arrêt de Mende.
Pour décompresser. Partout. Au moins 6 ou 7 fois jusqu’aux grandes vacances.
La première c’est fin janvier/début février où j’ai 4 jours, direction Avignon et la Camargue.
Mais de retour à Mende, la situation empire de jour en jour. Ce n’est plus le chef qui commande, c’est carrément le nouveau, Denis, puisqu'il faut bien l'appeler par son prénom.
Huit jours après, deuxième départ. Notre fille devait aller faire du ski dans le coin avec l'école, mais elle n'y tient pas. Et a le droit de rester avec nous.
Je pose alors ces 4 jours et direction Lons le Saunier (et oui...j'y avais déjà mes habitudes depuis 1985), puis Annecy. Voir un couple que j'avais connu à Embrun, les ayant invités - avec un autre couple - dans mon F2 des hautes-Alpes. Je couchais par terre, dans la cuisine !
A présent, c'était le directeur de l'hypermarché Géant d'Annecy. Et on le sentait bien...
Il ne devait plus se rappeler du temps où je lui avais prêté 1000 F, tant il était dans la gêne.
Quand on revient à Mende, on en est toujours au même point. Visiblement ça ne peut pas durer comme ça. De plus j'ai depuis janvier un mal de dos terrible, je devrai faire 3 séances de kiné par semaine (oui j'en suis là !)
Cerise sur le gâteau, notre propriétaire parle de plus en plus de nous mettre à la porte en février 93. Elle doit nous envoyer le préavis avant le 1er août.
Bref, c'est la joie ! En plus je n'ai plus de radio, Nostalgie Lozère ayant mis les clés sous la porte. Pas rentable pour un potentiel d'audience si petit.
A tel point que je manque de poser une mutation.
Que j'aurais eue, vu mon ancienneté et mon grade....
Le "raseur", sans vergogne, n'hésite pas une seule seconde.
Un poste vient d'être créé à Nîmes - et dans quelques autres centres - c'est "polyvalent". ce que je fais depuis que je suis à Lons. Mais pour faire ce boulot - bien payé - il faut quand même savoir tâter de tout. Ainsi moi-même, à l'époque, je n'aurais pas pu le faire, me manquait l'expérience aéronautique.
Il ne manque pas de souffle en tout cas, et est vraiment persuadé que ce poste, demandé seulement au bout de 4 mois, il l'aura...
Christine n'est pas du tout intéressée par ce genre de poste, où il faut être sans cesse à gauche et à droite.
Mais les mois à venir s'annoncent meilleurs.
D'abord le chef va partir en retraite, pour être remplacé par quelqu'un que je connais, Michel, que j'ai interwiewé à Gap, le chef de Briançon ! Et Je l'ai mis au courant pour "le raseur".
Ensuite une radio RCF se monte, et je pourrai enfin retrouver mes chères platines !
Mai arrive. Je vais comme d’habitude à Aix en réunion syndicale, le lendemain doivent avoir lieu les mutations. Je n’y crois pas trop, mais espère vraiment de tout mon coeur que Denis s'en aille!
N’importe qui plutôt que lui...
C'est dans la cabine de la gare de Nîmes que j'appelle le répondeur du syndicat, pour savoir.
La liste s’égrène, le suspense est horrible. Et j’entends la phrase tant espérée, tant attendue:
« Denis R..., Nîmes Agent polyvalent... »
Je pense que les voyageurs Nîmois ont du me prendre pour un cinglé quand ils m’ont vu sauter de joie dans la cabine.
Mais je retéléphone, car .... il ne m’a pas semblé entendre parler de Mende ! Je réécoute, encore le suspense, et là... effectivement personne pour Mende.
C'est quoi ce bordel ?
Finalement la direction nous dira qu’elle ne peut pas faire grand-chose, vu qu’aucun candidat ne s’est porté volontaire sur Mende. Il est donc envisagé un emploi réservé. Comme Denis. Des anciens militaires qui ont fait 15 ans, touchent une confortable retraite (environ 1000 euros, actuellement) et viennent cumuler en se prenant pour des caïds. Oh que j'en ai connus des comme ça...
Christine et moi pas très contents, on a déjà donné, mais ça sera mieux que rien, pensons - nous.
Et arrive ma première émission de radio en direct, un lundi soir. Ce sera ma tranche, de 17h30 à 18h15.
Là, ça passe très bien, ce genre de choses c'est comme le vélo !
Christine et moi on compte à présent les jours qui nous séparent de la sortie conjuguée du duo - de plus en plus - infernal chef/Denis. Notre futur chef nous a demandé de lui chercher une maison, qu'il prendra sans même venir la voir ! Il a rudement confiance en nous, c'est bon signe...
Mi-juin, on apprend que contre toute attente, l’emploi réservé sera en fait une sortie d’école.
A qui, me dit Christine, il faudra tout apprendre. Ce qui n'est pas faux, car notre métier évolue très vite d'année en année. Et elle rajoute :
"Il a pas intérêt à la ramener, le mec qui va venir, après tout ce qu'on a supporté..."
J'opine du chef (si j'ose dire).
Le mec s'appellera... Nathalie.
Laquelle arrivera le 18 août.
Va pour Nathalie, pour moi pas de problème pour bosser avec des femmes. Surtout avec la petite vacataire de l'été, Valérie, qui affole le personnel masculin avec son méga-décolleté et sa voix sexy...
Plus de mon âge de toutes façons, tout ça ! J'ai déjà 41 ans, mine de rien et il y a bien longtemps que ce côté-là, je me suis "rangé des voitures" ! Le vieux pépère, avec sa collection de timbres et sa balade du dimanche, bientôt je serais mûr pour "Question pour un champion".
Départ pour Amsterdam début août.
(à suivre)
09:23 Publié dans moi, Ras-le bol | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : travail
19/09/2010
Finalement on s'habitue (1985/1991)
C'est le titre d'une chanson de Guichard, mais le sens des paroles n'est pas du tout le même.
Peu à peu le calme reviendra, ponctué de crises de plus en plus espacées.
Nous quittons Embrun en 1987, sachant que ce centre est condamné à fermer. Et c'est en Lozère, à Mende, que nous atterrirons.
Ville qui a besoin qu'on gratte un peu pour se donner entièrement. Le touriste pressé qui traversera Mende un guide à la main n'aura rien vu de ses secrets, comme par exemple certaines cours intérieures ou des escaliers monumentaux. Sans parler des toits, il faut lever les yeux quand on se balade dans Mende ! Voire dans certains cas les baisser
ne serait-ce que pour accéder à ceci, les eaux souterraines se faufilant parmi les vieilles maisons.
Pendant 5 ans, de 1987 à 1992, à chaque fois que j'irai au boulot (à pied) je me dirai "mais qu'est-ce que tu as comme chance d'habiter un endroit pareil" !
La montagne et le midi, tout ça réuni. La Montagne parce que Mende se situe à 750m d'altitude. On le sent bien l'hiver !
Le Midi parce que Mende est plus au sud que Montélimar.
Je ne mettrai pas longtemps à me retrouver derrière les platines, d'abord dans une locale, Mende-Radio, puis carrément sur Nostalgie-Lozère où j'animerai une émission intitulée "la nostalgie des auditeurs".
Je me ferai aussi des amis, surtout un qui sera en plus mon collègue de boulot. Je serai témoin à son mariage en 1990.
Le boulot, pépère. On n'est que trois (plus le chef) et "grâce" à un savant saucissonnage des heures, on arriver à bosser 5 jours par semaine, tout en commençant à 6h15 !
En 1989 je passerai un concours, l'équivalent de celui de directeur d'école, et je serai 4ème.
Cela aura un effet immédiat sur la paye....
Notre fille a trouvé une école, une petite école située à quelques centaines de mètres de chez nous.
Nous habitons dans un superbe duplex, que nous louons pour une bouchée de pain (l'équivalent de 400 euros actuels), avec une superbe vue sur les montagnes toutes proches.
Oh, certes beaucoup moins spectaculaires que celles des Hautes-Alpes, mais aussi plus accessibles.
Tiens, pour répondre à Cri-Cri sur son com du 17, il m'arrivait souvent de grimper en haut de ladite montagne (1045 m) par un chemin de croix, et de redescendre par la route. Route que les cyclistes connaissent bien sous le nom de "montée Jalabert"...
Deux points noirs ont jalonné ces 5 années 87/91 : d'abord ma santé, une anémie causée par des hémorragies anales, qui me verra passer 8 jours à l'hôpital pour me faire transfuser. Mais une fois l'anémie passée on s'attaquera au vif du sujet, c'est à dire...mon anus.
A présent je peux le dire, à tous ceux qui l'envisagent, que ce soit vraiment une question de vie ou de mort. Car cela fait horriblement mal, et pendant des mois et des mois.
Et aussi, comme je l'avais dit, l'éviction de mes parents par ma chère et tendre, qui se sont retrouvés dehors sous la neige le jour de Noël 1990 et qui ont dû prendre un taxi pour revenir chez eux.
C'est ce jour-là que je me suis dit que tôt ou tard, je me séparerais de on épouse. Mais avant cela, il faudra la fin des crises, et surtout l'accord de ma fille. C'était du long terme, l'horizon 2000 environ.
Mais on n'en était pas encore là. Néanmoins je cessai tout contact charnel avec elle. Pas si difficile finalement à supporter pour un homme, pour peu qu'il ait de bonnes revues à sa disposition !
Sinon, un truc qui apparemment ne m'avait pas trop marqué : le passage à la télé en juin 1991. Tous les midis je regardais sur la 5 "que le meilleur gagne", et je me surprenais à répondre à toutes les questions. "si tu es si malin, inscris-toi" me dit aimablement mon épouse, persuadée que je ferai un bide devant les caméras. Or c'est le contraire, les caméras me stimulent !.
Je m'inscris donc et me retrouve avec 199 autres personnes dans un immense studio à Paris.
Je me hisse sans trop de peine dans les 10. Puis avec encore moins de peine dans les deux finalistes. Et c'est moi qui - en me fichant tant que je pouvais de Nagui au passage - répondrai au plus de questions....
Bref, en ce mois de décembre 1991, mon ami-collègue est muté pour Toulouse. Et à partir de janvier, ma collègue Christine et moi allons en baver...
Mais c'est une autre histoire !
20:34 Publié dans beaux moments, moi, Voyage | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : mende, radio-nostalgie, télé