10/10/2010
L'acharnement - 4
Le sort s'acharne donc contre nous. Quelle sera la prochaine étape ?
A partir de ce jour, je vais vivre dans l'obsession. Celle de ne plus avoir de "chez moi", d'être en quelque sorte un SDF...
J'exagère, c'est l'effet de ma dépression, qui aggrave tout. J'exagère, mais cet appartement, nous y vivions depuis huit ans et demie. Jamais au cours de ma vie d'homme je n'aurai vécu aussi longtemps dans un logement. Après un nombre effarant de déménagements (1972, 74, 75, 79, 80, 81, 84, 87) je pensais vraiment m'être fixé.
De ce jour, je mettrai un point d'honneur à ne plus dépendre d'un propriétaire.
Plus de maison, mais nouvel éloignement forcé d'avec Nat. Et cette fois, pas de miracle à espérer...
Vacances gâchées, bien évidemment, par cette obsession de maison. Obsession + somnolence, charmant pour mes deux nanas et notre ami de Lons le Saunier chez qui nous passions traditionnellement chaque été. Une fois de plus, le lit sera mon refuge, celui où j'oublierai tout. Y compris le canapé de notre ami, sur lequel je ferai des séjours prolongés. Il ne me reconnaîtra pas !
Et à mon retour, je donnerai les clés de la voiture à mon épouse : je ne sais plus conduire...
Pendant 5 ans je serai cloué au siège passager.
A une exception près, en septembre 1996, pour un cas de force majeure.
Dès la rentrée, mon épouse s'affole et est prête à accepter n'importe quoi à n'importe quel prix. Pour moi, un seul critère compte : Le plus près possible à la fois du boulot, de Nathalie, et du collège où va entrer ma fille.
Et on cherche, on cherche...
On se rend compte très vite que le marché locatif à Mende n'est plus ce qu'il était 9 ans auparavant, où l'on n'avait qu'à se baisser... L'effet autoroute a fait que cette ville à la montagne - le rêve concrétisé d'Alphonse Allais - attire de plus en plus de gens. On visitera ainsi près de 15 logements, mais aucun de répondra ni à mes critères, ni à ceux de mon épouse.
Mais un matin, elle me passe un coup de fil : "Viens me rejoindre à la fontaine près du foirail, il y a peut-être quelque chose..."
Je me lève, je m'habille, je fonce. Mon épouse me montre une porte. "c'est là, j'attends les propriétaires".
Pour moi, plus la peine de visiter. Je prends, quoi que ce soit. Pile poil entre Nat et mon boulot, à moins de 500 m des deux. Et aussi, non négligeable, 200 m du collège où va entre notre fille !
Pourtant, ce logement sera pour moi synonyme des années noires. D'abord, il est sinistre. Grand, mais sinistre. Du marbre partout, des plafonds de 3 de haut (la maison est du XVIIème siècle) et le soleil n'y pénètrera jamais. Nous allons y rester pile deux ans.
Le déménagement se fera sans moi. Pas la force. Mon épouse tient à faire ça elle-même, avec des copains, sans prendre de déménageur.
Qu'elle assume si elle le veut, si elle tient vraiment - c'est le but - à me faire honte. Nous avons largement les moyens de nous payer un professionnel, moi je me sens parfaitement incapable de défaire 9 ans de ma vie accumulés.
Les médicaments commencent à me faire perdre la mémoire. Car je ne me rappelle plus où se trouvait Nat au cours de cet été-là :((
A partir de là, d'ailleurs, finies les dates précises. Certes j'ai encore des points de repère, mais de plus en plus flous. Ce seront les lettres de ma mère et les photos qui vont me faire reconstituer le puzzle de ces années-là.
Ce que je sais, c'est que cette année-là mon épouse ne travaillera pas. Donc, de plus en plus dur pour se voir Nat et moi. On y parvient, quand même, les jeudis après-midi, où mon épouse se rend à son club de couture. Ces jeudis après-midi se passeront au lit au début, puis progressivement la forêt remplacera le lit, la marche remplacera le flirt poussé.
Mais on continue à s'aimer, à voler le plus de baisers possibles, à voler des nuits d'hôtel Alésiennes même si elles ne sont de moins en moins torrides.
A partir de cet automne 1995, désormais je ne quitterai pas mon lit pendant les heures "autorisées".
Et mon épouse, à présent rassurée, sera de moins en moins présente. Vaut mieux d'ailleurs, car lorsqu'elle est à la maison, c'est crise d'hystérie sur crise d'hystérie.
Elle n'est jamais là, mais mène tout le monde à la baguette. Désormais c'est ELLE le chef, c'est elle qui décidera de tout (par exemple, dans un appart de plus de 100 mètres carrés, nous faire manger dans une cuisine de 1m50 sur 3...) qui s'occupera des papiers, et même des finances.
Qui m'imposera l'achat d'une nouvelle voiture.
C'est elle la patronne, et elle entend désormais bien le montrer.
Notre fille va passer directement de l'enfance à l'âge adulte, vu tout ce qu'elle aura à "gérer".
Je n'hésite pas à le dire, pendant ces deux années, entre la dépression de son père et l'hystérie - la folie grandissante - de sa mère, c'est elle qui "tiendra" la maison à elle toute seule. En plus de ses études qui ne s'annoncent pas des plus faciles.
Notre fille qui, pour faire face à tout ça, se couchera souvent à 2- 3 h du matin, avec un casque sur la tête imposé par l'orthodontiste. Je ne l'ai jamais dit à personne, mais cette image-là restera à jamais gravée dans ma mémoire. Pauvre gosse...
( à suivre )
14:53 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : dépression
L'acharnement - 3
La preuve qu'elle ne m'en voudra pas trop , c'est qu'on se téléphonera tous les soirs.
Et elle le fera de chez moi...! Haut-parleur ouvert, bien sûr et à partir de ce jour, mon épouse exigera que j'ouvre le haut-parleur lorsque je recevrai une communication téléphonique, même personnelle.
Depuis mon nouveau "traitement" désormais, quand je ne travaille pas, je dors jusqu'à 11heures - mon épouse sonne le réveil - et l'après-midi, sieste - limitée de 13h30 à 16h30 par la même épouse.
Mais 16h30, ce ne sera pas 16h32 :(
15 ans après, je n'ai toujours pas compris ces "limitations", ce non-respect de la maladie. Alors que moi j'ai toujours été à ses petits soins pour la sienne, de maladie !
Mais ce ne sera que le début en ce qui concerne l'attitude de mon épouse, qui sera complètement pourrie durant ma maladie.
Odieuse, même.
Pendant ce temps-là, au boulot nous arrive un nouveau logiciel, qui achève de me laisser en rade. Jusque-là j'avais essayé de ne pas trop me faire lâcher, mais là c'en était trop. Pour moi, les point.ini et les point.dot, ça me passait complètement au-dessus du crâne.
Je lâche tout !!!
Et les réunions se succèdent, toujours impitoyables. Nat est à chaque fois en larmes quand nous en ressortons, tandis que moi, je m'enfonce, je m'installe toujours un peu plus dans la dépression.
Le scénario est immuable : Ordre du jour, questions diverses. Dans l'ordre du jour, notre tortionnaire fait semblant de demander notre avis à tous les 4.
Systématiquement c'est deux contre deux, "Patrick et Nathalie" d'un côté, les deux autres collègues de l'autre. Et à chaque fois ce pauvre chef adoré devra trancher, la mort dans l'âme... En se ralliant systématiquement à l'avis des deux autres.
Et les "questions diverses", ce seront les règlements de comptes...
Tout cela au bureau, mais pas décompté en heures supplémentaires !
Mars. Mon épouse tente de passer le BAFA. Pour cela elle doit être une semaine en internat. Cette fois, pas question de me laisser notre fille, vu mon état. Mes parents la récupèrent avec joie.
Et Nat me demande une faveur : Qu'on aille passer une nuit en bord de mer. Le top serait une chambre sur la plage même.
Pas de problème, direction le Sud, direction Agde, le littoral le plus proche. Au Grau d'Agde nous dénichons un petit hôtel, pile sur la plage. Et c'est sur cette plage que je vais commettre LA gaffe. Due à ma maladie, oui, mais gaffe quand même.
Car Nat, en pleine dérive, veut avoir une preuve que je l'aime. Et pour elle la meilleure preuve serait que je l'embrasse en public. Que notre amour se voie devant tout le monde.
Je suis très surpris de sa demande, car jusqu'à présent elle ne l'avait pas trop souhaité, ce baiser en public. Il faut dire que nos baisers durent au minimum 3 à 4 minutes, et durant ces moments-là nous ne touchions plus terre. Dur ensuite d'y revenir, sur la Planète !
Et là donc, j'ai merdé. Oui, je l'ai embrassée fougueusement sur la plage, mais... j'ai voulu que ce soit la nuit. Pour que ce soit plus romantique, c'est vrai mais aussi pour être seuls, sans les autres, ces autres qui nous fusillaient du regard quand on "osait" marcher main dans la main.
Nat en aura beaucoup de peine, de ce semi-refus.
Pour moi c'est net, cette attitude, ce n'est pas moi, moi qui l'été d'avant à Briançon l'avais enlacée en pleine rue, dans une ville où j'étais connu comme le loup blanc ! Quelle dégringolade... De l'irresponsabilité à la couardise.
Autre dégringolade, c'est au volant. J'ai de plus en plus de mal à conduire, j'ai l'impression bizarre que je suis "tiré" vers le milieu de la route. Au départ je mets ça sur le compte de la direction (de la voiture lol), mais très vite je me rends compte que la voiture n'est pas en cause.
En mai nous allons en Bretagne, avec le Futuroscope prévu au retour. Je ne verrai rien, me traînant lamentablement dans les stands en regardant ma montre, attendant la fermeture, attendant le retour à l'hôtel, attendant mon lit...
Un jour de juin, pendant ma sieste, mon épouse reçoit un coup de fil. C'est notre tortionnaire, qui ORDONNE que je vienne vider mon armoire au bureau, car elles doivent disparaître le soir même.
Ces armoires, fermées à clé, où Nat et moi avions accumulé nos trèsors, il nous faut les vider devant tout le monde, notamment mon épouse. Inutile de dire combien le monsieur jubilait en nous voyant faire...
Et c'est dans la précipitation que j'ai vidé mon armoire, et que j'ai rempli 3 cartons avec leur contenu.
Dont la disquette où Nat et moi avions écrit nos poèmes. Disquette que je vais chercher ensuite des années durant...
Juillet. Nat emménage dans son nouvel appart. Plus grand, plus clair, et surtout pas si loin que ça. Certes, ce sera beaucoup moins facile qu'avant de nous voir, mais nous restons à côté, c'est l'essentiel.
Enfin, nous croyons rester, car le jour où elle emménage, c'est nous qui recevons une lettre recommandée stipulant que notre bail n'est pas renouvelé.
Bref, qu'on est à notre tour fichus à la porte...
Vous avez dit "acharnement" ?
(à suivre)
14:02 Publié dans moi, psy | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : dépression, harcèlement
09/10/2010
L'acharnement - 2
Christel se demandait pourquoi ma chère et tendre nous faciliatait les choses. Comme je lui ai répondu, ça reste pour moi un mystère...
Et rebelote début décembre, elle repart en Normandie pour 10 jours. Sans notre fille, qui doit aller à l'école.
Et pendant ces 10 jours, nous serons tous les deux intégralement pris en charge par Nathalie.
Laquelle me semble bien plus résistante que moi.
Une anecdote : Tous les trois sommes allés voir le Roi Lion au ciné. Nous sommes ensuite revenus chez nous, moi ne desserrant pas les dents. J'envoie ma fille prendre un bain "en haut", alors que moi je reste avec Nat. Pour me jeter dans ses bras, et ... pleurer, pleurer, sans interruption pendant 20 bonnes minutes !
C'est depuis cette date que je suis incapable - encore aujourd'hui - de regarder un film au cinéma ou à la télé, sans me transformer en fontaine.
Décembre 1994 va aussi me faire découvrir quelque chose d'incroyable, de formidable dans le sens littéral du terme, c'est à dire proprement terrifiant.
Ma dépression va prendre une forme très aiguë.
Ca a duré dix jours, dont le réveillon chez mes parents.
Le matin je me réveillais complètement paniqué. Affolé. Je tremblais, je ne voulais pas sortir du lit. Je n’avais qu’une hâte: vite le soir pour que je puisse me recoucher. Cela se passait par «crises». Tout d’un coup je la sentais arriver, cette crise et j’étais alors obligé de m’allonger, d'attendre que ça passe. Non, impossible vraiment à décrire, ça dépasse l’imagination. Je ne savais pas que la nature avait prévu de tels supplices pour l'être humain.
J’ai dû prendre une semaine de congé-maladie. Ce sera la seule durant mes 10 années de dépression/maniaco-dépression, à l'exception de 4 semaines en février/mars 2003, mais là, ça sera vraiment "obligatoire" pour moi.
La réponse est simple, évidente même : Tout simplement parce qu'au boulot, pendant que j'étais malade, mon tortionnaire s'en donnait à coeur joie contre une Nathalie de plus en plus affaiblie. Allant même jusqu'à lui laisser des messages pour moi, style "si Patrick prolonge son arrêt, je me verrai dans l'obligation de le confiner dans un bureau"... Le placard, quoi.
Et là j'ai été voir un psy, entre deux crises. Un psy qui était complètement à côté de la plaque, se bornant à me bourrer de médicaments.
Dans une certaine mesure ils ont été efficaces puisque ils ont réussi à calmer mes crises, à atténuer ma dépression. Mais bonjour les effets secondaires ! Envie de dormir permanente, transpiration abondante, regard hagard, démarche hésitante... Et surtout, surtout, diminution des facultés intellectuelles.
C'est à dire que peu à peu, je vais décrocher de mon boulot, ne pourrai plus "suivre".
Ce que ne manquera pas de souligner notre tortionnaire dans ses réunions mensuelles :
"On pourrait effectivement accomplir telle ou telle tâche, mais malheureusement tout le monde n'a pas les mêmes facultés dans l'équipe..."
Et de bien me regarder, de ses yeux noirs ébène.
Néanmoins, Nat et moi continuons de nous aimer. Peut-être même plus intensément.
Invité pour le réveillon du nouvel-an, mon meilleur ami nous dira que notre amour n'était pas discret, vu la façon dont nous nous parlons, dont nous nous regardons...
Notre amour se voyait encore de l'extérieur, il n'était pas mort...
Même si en tant que collègues nous étions souvent séparés, en tant que voisins nous pouvions nous voir à notre guise.
Hélas, l'année 1995 va nous enlever ce dernier privilège.
Début janvier, Nat reçoit une lettre recommandée stipulant qu'elle était mise à la porte de son appart à la fin de son bail, en septembre. Alors que sa proprio lui avait juré mordicus qu'elle était là pour longtemps...
Interdit de congés de maladie, il me reste les congés annuels pour essayer de me retaper. Mon cousin/frère Jean-Yves accepte que je vienne passer 10 jours chez lui, en Bretagne.
Mais la veille de mon départ, Pompon (le cochon d'Inde de Nat, l'être sur qui elle a toujours reporté tout son - immense - trop plein d'amour) tombe malade.
Le véto consulté ne veut pas se prononcer, et moi je ne sais plus quoi faire. Partir malgré tout, ou rester auprès d'elle, en cas de "pépin" ?
Je choisis de partir, tandis que Pompon choisira de mourir.
Là encore, un grand coup de chapeau à mon épouse, car c'est elle qui soutiendra Nat pendant cette terrible épreuve.
Mais pourquoi ???????
Nat au départ elle m'en voudra, mais peu à peu elle comprendra, et me pardonnera.
C'est pendant ces 10 jours épiques, où je dormirai dans le salon au milieu des cris des enfants, que mon cousin/frère me fera partager une de ses dernières découvertes : internet.
(à suivre)
14:48 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : harcèlement
Chanson pour Christel (et ceux qui sont concernés)
12:13 Publié dans Cica-chansons | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : harcèlement
08/10/2010
L'acharnement - 1
Malgré cette maladie qui pose ses premiers jalons, malgré, pour moi, les effets des médicaments - envie de dormir permanente, entre autres -, malgré cela nous continuons à y croire. D'autant que cela nous sera facilité par l'embauche en CES de mon épouse. Plus besoin d'échafauder des plans abracadabrantesques pour nous voir.
Surtout que notre vie en couple durant ce mois de juillet nous a laissé un tel souvenir que nous brûlons d'envie de recommencer...
La plénitude de s'endormir à deux, enlacés comme pas possible, et surtout de se réveiller à côté de l'être aimé, se demandant si l'on est réellement réveillés, où si cela fait partie de la "vraie" vie.
Ces nuits-là nous manqueront tellement que l'on viendra à imaginer un stratagème pour les revivre.
Pour cela nous allons profiter de mes nombreux déplacements au siège Régional de la boîte, c'est à dire Marseille. Je l'ai dit - et mon épouse le sait - que, tenant à mes os, je ne tiens pas du tout à aller en voiture dans la cité phocéenne et que du coup je prends le train. Pour l'aller pas de souci, partant à 18h, j'arrive à St Charles à 23h34. Mais pour que je puisse rentrer le lendemain soir à Mende, il faudrait que je sois quitte à 16h. Ce qui n'est jamais le cas. Force m'est de coucher une seconde nuit à Marseille.
Cela, je le fais régulièrement depuis 1987, et si mon épouse a eu quelques soupçons au début, assez vite elle a admis que je ne pouvais faire autrement.
Ces déplacements ont lieu environ 4 fois par an : Réunions d'information, réunion syndicales, stages même.
Et c'est ainsi que la seconde nuit se passera désormais avec Nat, dans un hôtel d'Alès - 1 heure et demie en voiture - , un hôtel différent à chaque fois. Je pense qu'en-dehors des hôtels de passe, nous avons dû tous les faire !
Non, nous ne sommes pas décidés à baisser les bras, un amour comme le nôtre ne mérite pas qu'on les baisse au premier coup de vent - quoique là on en arrive au stade du Grand Frais - et du coup, je me réduis de moitié ma ration d'anxyolitiques.
Et pour bien marquer le coup, elle sera avec nous chez mes parents le week-end de l'anniversaire de ma fille. Présentation "officielle" de Nathalie à mes parents...
Fiasco total. Miracle, mon père, lui, le sauvage, le misanthrope, a la même réaction que l’an passé à la communion. Il est sous le charme. Et fait tout son possible pour qu’elle soit bien.
Mais ma mère, elle, ne la saque pas. Et elle lui envoie des vannes dès qu’elle peut. Le repas du soir se passe très mal, celui du lendemain midi encore plus mal. Pourtant Natou sera parfaite. Très polie, très discrète...
En fait je saurai pourquoi bien plus tard, par un cousin :
De deux choses l'une : Soit cet amour est à sens unique, et alors elle déteste légitiment celle qui ferait souffrir son fils.
Soit nous nous aimons pour de bon, et alors ça signifierait divorce, et leur petite-fille en Normandie, qu'ils ne reverraient jamais. En 1994, mes parents ont 82 ans...
Nat souffrira énormément de ce rejet de ma mère. Comme moi je serai mal à l'aise face au rejet de la sienne.
J'aurais dû retenir la leçon de mon premier mariage : quand les parents sont contre un couple, celui-là ne va jamais bien loin...
Octobre arrive. Nat et moi commençons à redresser la tête. Nous profitons au maximum des occasions qui nous sont données d'être ensemble. Nous allons très souvent au cinéma, nos mains l'une dans l'autre pendant près de deux heures...
Mais également, nous avons de plus en plus de scrupules vis à vis de mon épouse. Laquelle - je ne saurai jamais pourquoi - multiplie pourtant les occasions de nous voir en dehors du boulot. Invitations à dîner, promenades les après-midi... Elle le fera jusqu'au bout !
Je sais mon épouse intelligente et intuitive, et je me demande encore le pourquoi de cette attitude...
Par exemple, c'est devenu un rite, après chaque soirée chez nous, Nat insiste pour que je la raccompagne chez elle. A l'étage du dessous !
Et le "raccompagnement" durera à chaque fois près d'une heure !!
Et jamais mon épouse ne me l'interdira ce "raccompagnement" qui fut parfois torride.
Novembre. Ma feuille de notation. "D'évaluation", litote-t'on maintenant.
Je m'attends au pire. En fait je serai très surpris :
___________________________________________________________________
Cet agent est passionné par son métier, dont il maîtrise tous les aspects avec brio. A su cumuler les tâches d’exploitation à celles de directeur départemental de novembre 93 à février 94. . Excellent agent..
____________________________________________________________________
Mais en revanche Nathalie est saquée.
Pas mal joué, pour semer la zizanie dans le couple : Il ne pouvait déjuger ses prédécesseurs, qui m'encensaient depuis des années, mais qui restaient réservés vis à vis de ma bien-aimée.
Elle ne m'en veut pas, au contraire, mais elle est peinée, immensément peinée de se voir si mal jugée. Et du coup commence à perdre la confiance en elle qu'elle avait réussi, sur le plan professionnel, à accumuler depuis deux ans.
Très dure pour elle, cette période. Rejetée par ma mère, rejetée par le travail...
Heureusement, il lui reste notre amour, qui lui n'est pas soumis à des notations annuelles.
12 novembre 1994. Pour moi, 11ème anniversaire de mariage !
A partir de cette date notre lutte ne sera plus la même.
Avant nous luttions pour rester ensemble, pour essayer de tenir le coup jusqu'en 2002, date à laquelle nous pourrions nous marier et faire de beaux bébés.
Mais ensuite, ce sera différent. Car il s'agira désormais ni plus ni moins de survivre, face aux coups de massue répétés que notre tortionnaire va nous infliger. Finis les projets à long terme, même à moyen terme, nous devrons désormais essayer de tenir jour après jour.
Le 12 novembre donc, notre tortionnaire passe au boulot, pour nous dire qu'il a prévu une réunion du personnel pour le jeudi 17. En ajoutant, le sourire carnassier aux lèvres, que nous n'allions pas trop être contents de ce qui allait en découler, certains de nos privilèges (sic) seraient dorénavant abolis.
C'est à cette occasion que j'apprendrai que la "réunionnite" à outrance est peut-être une des meilleurs méthodes de harcèlement qui soit. Je reviendrai - longuement - là-dessus, mais pour moi, de novembre 1994 à ... septembre 2006 (!) réunion rimera très souvent avec coups de bâton..
Quand notre tortionnaire quitte la pièce, Nat prend un rictus qui ne trompe pas. Et ses pleurs suivent. Quand à moi, je vais être pris d'un tremblement qui ne me quittera pas de la journée.
Il faudra appeler le médecin, qui me prescrira encore plus de médocs.
A partir de ce jour, ils vont de plus en plus prendre le pas chez moi, allant jusqu'à me transformer en parfait zombie. Partant de 6 comprimés quotidiens en cet automne 1994, je vais arriver à ...14 quelques mois plus tard : un coktail à base de Xanax, de Lexomil, de Prozac, de Rohypnol et de Témesta.
Effectivement, il avait eu raison de nous prévenir.
C'est l'artillerie lourde qui se déclenche ce jeudi 17 : D'abord, fini les journées ensemble. Dorénavant, il faudra que nous nous "mélangions" entre collègues. L'argument étant qu'il n'y ait pas de "clans".
Et pour mieux marquer cette frontière, Nat et moi seront interdits de ... pause-café le matin ! Seuls notre tortionnaire et nos deux autres collègues y auront droit.
Et ce sera l'occasion pour nous - désormais séparés - d'entendre lors de ces pauses-cafés des phrases peu amènes à notre sujet, chuchotées/marmonnées au cours de ces pauses, mais néanmoins parfaitement audibles.
Je suis conscient, en écrivant cela j'imagine que les lecteurs auront du mal à le croire. C'est vrai que dans les blogs j'ai vu pas mal d'histoires de harcèlement moral mais qui n'ont - heureusement - jamais atteint un tel degré.
Seconde décision : Obligation de prendre nos repas sur place.
Notre tortionnaire a vu que nous étions dépressifs, et a dû se renseigner sur le fait que pour un dépressif "la maison" est le refuge. Nous priver de cette "plage" entre deux séances de bombardements accélèrerait à coup sûr le processus.
Par chance, un collègue, habitant à 7 km de là, et ne voulant pas faire les frais de l'acharnement de Chef Adoré contre nous fera valoir qu'il n'y a pas de coin-cuisine pour manger sur place.
Et notre tortionnaire va aussitôt sauter sur l'occasion pour réaménager de fond en comble les locaux. Là aussi il fera fort... j'y reviendrai.
Il annonce aussi que ce type de réunion sera désormais mensuel, la réunion se passant après le travail, pouvant se prolonger jusque tard dans la soirée s'il y a lieu ! Aucune objection ne sera prise en compte, circulez y a rien à voir...
En écrivant ces lignes, je me remémore ces années. Et je comprends de plus en plus pourquoi, moi qui pardonne tout, qui pardonne trop, je serais aux anges si on m'annonçait un jour la disparition de ce type. Il y a six ans je m'interrogeais sur un forum "Suis-je un monstre" ? A présent que tout ça m'est revenu en mémoire, je peux répondre non sans hésitation.
(à suivre)
15:33 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : harcèlement
Le début des médocs (septembre 1994)
Nous digérons peu à peu le choc du 8. Enfin nous croyons digérer.
Nous nous baladerons beaucoup, essentiellement en Auvergne et surtout le Cantal.
Nous avons une prédilection pour les pédalos, grâce auxquels nous pourrons nous embrasser longuement à l'abri des regards. Du coup, nous connaissons tous les lacs de la région !
Pendant ce mois, nous avons bien sûr été danser. Le Déclic nous verra par deux fois. J'ai un tendre souvenir de la seconde fois : C'est la "série-tendresse", et nous dansons un slow, essayant de ne pas trop nous serrer. Passe alors "Il me dit que je suis belle", de Patricia Kaas. Version longue, près de 6 minutes.
Minutes pendant lesquelles nos défenses vont tomber, nos corps se laisser aller. Et nous entendrons distinctement une voix de femme - pas une Mendoise, une touriste, vu son accent - s'exclamer "mais regarde-moi ces deux-là, on dirait qu'ils font l'amour sur la piste..." !
Bref, en cette fin juillet, au vu des semaines passées, il semble évident que nous finirons notre vie ensemble... L'attente vaudra le coup.
Août est le mois des vacances. Pour mon épouse et moi un combiné Pays-Bas/Lille/Alsace/Lons le Saunier/Briançon, et pour elle... Briançon tout court. Dans un appartement qui m'appartient.
Mais ce mois d'août 1994 nous montrera à quel point nous sommes fragiles l'un sans l'autre. Nous nous téléphonerons presque chaque jour - d'une cabine, nous sommes en 1994 - pour nous remonter le moral.
Pour ma part, je me surprendrai en laissant ma fille à sa colo, comme les 4 années précédentes. Car aussitôt après l'avoir laissée, je vais pleurer sans interruption sur le trajet...
Ce jour-là marque pour moi très précisément le début de ma dépression. Laquelle, en ajoutant la maniaco qui allait suivre, ne durerait pas moins de 11 ans...
Dépression certes déclenchée par notre tortionnaire, mais le terrain était déjà bien préparé, par cet amour incroyable que je n'avais pas le droit de vivre encore. Par ces mensonges éhontés qu'il me fallait faire.
Septembre 1994, c'est le début des comprimés pour moi.
Car Nat, prétextant l'arrivée d'une vague cousine qu'elle n'avait jamais encore vue de sa vie, restera cloîtrée chez elle pendant 5 jours..
Du coup, crise de larmes, arrivée du toubib qui d'entrée me prescrit un traitement de cheval. Début de la spirale infernale...
Supplice inimaginable de la savoir juste en-dessous mais de ne pas pouvoir la voir.
En fait, elle aussi était entrée en dépression. En même temps que moi. Mais elle refusera les médocs, préférant le psy. Et cette fameuse semaine était en fait destinée à me cacher son état.
Deux ans qu'on se connaît, un an qu'on s'est déclarés, reste 8 pour la bague au doigt...
(à suivre)
11:50 Publié dans Merci | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : harcèlement, dépression
07/10/2010
L'heure de vérité (juillet 1994)
J'ai lu ici et là - également sur Hautetfort - des témoignages incroyables, qui me disent entre autres qu'ils n'ont pas osé aller trop loin avec l'objet de leur pensées.
On m'a souvent dit, quand j'ai eu le malheur de me confier, que finalement, je ne sais pas ce qu'aurait pu donner une vie à deux. Je ne connaissais que les "bons côtés" de cette relation, mais je n'avais pas subi le quotidien.
Ce fameux quotidien qui tue la majorité des couples.
Mais aussitôt je leur rétorquerai juillet 1994.
Juillet 1994 qui sera l'épreuve de vérité à ce sujet.
Toujours en mai, mon épouse fait une nouvelle crise. Inexpliquée celle-là, contrairement aux précédentes.
Nathalie, qui a une horreur absolue des hôpitaux, viendra quand même lui apporter un bouquet de fleurs. Nathalie qui elle aussi est écartelée, à la pensée de trahir cette femme qu'au fond elle estime.
Et chef adoré continue son travail de sape. Sans qu'on lui ait rien demandé, il introduit Windows dans le boulot. Double conséquence : nos poèmes seront écrasés si on ne les sauvegarde pas, et surtout, tout est à apprendre ! A commencer par admettre qu'une "souris" peut remplacer un clavier .
Pour vous faire une idée, c'est un peu la situation des conducteurs de locomotives à vapeur qui ont dû se reconvertir aux machines diesels ou électriques. Le métier était pourtant le même, mais la façon de le faire avait radicalement changé.
Beaucoup de démissions, de dépressions, ou de retraites anticipées ont eu lieu à cette époque-là à la SNCF.
Mais moi j'avais 43 ans, Nat 26, il nous fallait à tout prix passer par ces nouvelles technologies.
Une formation aurait été la bienvenue - c'était bien le moins - mais pour les "Mendois", rien de prévu :(
On continue dans la gaieté. Mon père m'apprend que sa filleule Annie, 39 ans, - qui fut ma camarade de jeux favorite durant mon enfance - vient de mourir, elle et son mari...
En cette mi-mai 1994, on comprendra que je ne suis pas au meilleur de ma forme...
Les masques vont tomber début juin. Chef adoré nous invite chez lui, afin de faire plus ample connaissance. Avec les conjoints évidemment. Ma seconde collègue - qui je l'ai dit connaissait l'oiseau - a décliné l'invitation, et Nat refuse d'y aller toute seule. On la comprendra aisément.
Ce repas sera carrément surréaliste. La tactique de chef adoré est de nous faire boire, tant et plus, afin qu'il sache ce qu'on a dans le ventre. Mais... en même temps qu'il nous sert, il SE sert !
Nat et moi avons compris la manoeuvre, de sorte que nous ne buvons qu'une gorgée tandis que chef adoré lui, s'enfile le verre entier. Puis s'empresse de nous le remplir.
Chef adoré a bien des défauts, mais il n'est pas alcoolique. Si bien que le résultat qu'il escompte va s'inverser, à savoir que si Nat et moi resterons assez "réservés", lui va s'épancher.
Et son "épanchement" ne sera pas triste... Il commencera par faire de grosses allusions sur Nat et moi, sous-entendant un chantage éventuel auprès de mon épouse. Puis, ayant épuisé le côté "personnel", il va s'attaquer au côté "boulot", où il nous annonce carrément que deux nouveaux ont arriver, qu'il a bien l'intention de refaire entièrement l'antenne de Mende avec eux deux, et que nous, les "archaïques" (sic) devrons nous soumettre ou nous démettre. Et, toujours sous l'emprise de l'alcool, nous conseillera vivement de demander une mutation !
Voilà. En ce mois de juin 94 le décor est planté.
Mais ma Nathalie va se montrer beaucoup plus forte que prévu. Non seulement elle ne baissera pas les bras, mais tiendra la dragée haute à chef adoré.
C''est... mon épouse qui va - involontairement - nous donner un coup de pouce. A savoir qu'elle envisage de partir 4 semaines chez elle en Normandie, son père venant d'avoir un accident. 4 semaines que je n'ai pas posées en congés - c'est prévu pour août - et que par conséquent je devrai passer à Mende...
En clair, un mois entier ensemble, Nat et moi. Et ça, mon épouse le sait parfaitement.
Un mois où l'on a prévu de vivre "ensemble", chez elle, mais aussi éventuellement chez moi, et pendant ce mois de juillet nous pourrons nous tester au quotidien, ce quotidien qui tue bien des couples naissants.
Certes, les beaux sentiments c'est facile quand les questions basiques ne se posent pas, comme la cuisine, la vaisselle, le ménage, les courses, la lessive, le repassage...
Et bien ce challenge-là, Nat et moi on se promet de le tenir pendant ce mois de juillet, à l'issue duquel on verra si le mariage est toujours d'actualité.
Soit ça passe, soit ça casse. Inutile de continuer à faire de beaux projets - le mariage, les beaux bébés - avec tous les boulets que nous traînons, si nous ne sommes finalement qu'un couple occasionnel de "cinq à sept".
Et la machine à broyer va de nouveau frapper un grand coup.
Après avoir assommé Nathalie le 12 mai, c'est à présent sur moi que l'attaque va se porter.
Et pas dans la dentelle.
C'est très exactement le 8 juillet que cela va se produire. Après une semaine en couple que je qualifierai de réussie.
Chef adoré est une fois de plus fin bourré. Et, alors que je parle du travail de la vacataire - avec qui tout le monde a couché sauf moi - qui n'est ni fait ni à faire, il rugit.
"Parce que tu crois que ton travail à toi il est bon ? C'est de la m... ce que tu fais ! Sans parler de ta personnalité, tu n'es au fond qu'un sale hypocrite".
Je ne bronche pas. Partant du principe que se faire insulter par un imbécile est un plaisir de fin gourmet.
Il le voit, et change alors de registre. Tape alors où ca fait mal.
"De toutes façons, Nathalie et toi vous êtes aussi mauvais l'un que l'autre, aussi hypocrites, vous faites bien la paire".
Là, je m'apprête à répliquer, et c'est alors qu'il me saisit par les épaules (1m95, carrure de catcheur) et hurle qu'il en a maaarre de nous deux.
Menace physique, là, je suis dépassé, je suis choqué, et je file dehors en pleurant et en claquant la porte vitrée, qui se brise en mille morceaux.
Et je le vois alors sortir en beuglant :
"Tu me la rembourseras cette porte, je te le promets... Allez, va chialer, petit con"...
Puis je croise Nat qui me voit dans cet état, me demande pourquoi, et je ne pourrai que montrer le bureau du doigt.
"Ne t'inquiète pas, j'y vais" me dit-elle en m'embrassant sur la joue.
Elle aussi se fera traiter de tous les noms, d'une façon incroyable. Elle aussi ressortira du bureau en pleurant, ce qui fera sa joie. Car je l'apprendrai dans les mois qui suivront, son pied, à ce monsieur, c'est de voir Nat pleurer...
Le soir, nous irons pique-niquer à 20 km, pour nous changer les idées, et en quelque sorte faire le point.
Le point sur notre situation, sur notre pauvre couple qui s'aime éperdument et qui est menacé de tous côtés...
Mais durant les trois semaines qui vont suivre, nous allons bien gérer le quotidien, chacun se répartissant les rôles (vaisselle, aspirateur, lessive, commissions) malgré les bombes qui de tous les côtés viennent s'écraser sur nous.
En cette fin juillet 1994, nous pensons alors qu'hors catastrophe, nous sommes capables de vivre ensemble, et pas seulement un "cinq à sept".
Hors catastrophe certes mais aussi - nous le saurons plus tard - pas dans la clandestinité...
Je vous embrasse
14:41 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : harcèlement
06/10/2010
Premier coup de tabac (mars à mai 94)
Ce fut plus que Kiss-cool, car non pas un double effet mais un triple.
a) Je m'explique. Si ma situation de directeur est honorifique et commode, en revanche elle est fatigante - pour elle aussi - et me met dans une situation que je n'aime pas, à savoir être "son" supérieur.
Les rares fois où je "favorise" Nathalie, mon autre collègue me saute alors dessus, me faisant alors des allusions à la limite du chantage. Si c'est l'inverse, alors Nat me dit que je fais passer mon rôle de chef avant notre amour.
La situation n'est donc pas tenable, alors j'accepte qu'un chef soit nommé afin d'une part qu'on "souffle" un peu - on sera donc un de plus - et d'autre part pour que cesse cette hiérarchie entre nous que je ne supporte plus.
C'est un "jeune" qui viendra me relever.
Un jeune de 31 ans, très fort en maths, et qui du coup a pu, à cet âge-là, arriver à ce grade grâce à un concours.
b) Le jour même de son entrée en fonctions, alors que je ne bosse pas, Mon épouse pique une grave crise d'épilepsie. Hôpital, Samu, tout le bastringue.
La dernière fois, c'était 3 ans et demie auparavant, dans un tram à Genève. 3 ans 1/2 où notre fille et moi nous avons pu respirer...
Puis la rencontre entre le jeune chef et nous deux, le 2 mars.
Plus rien à voir avec celui qui, en janvier, était venu se renseigner, flanqué de sa femme et de son petit garçon. Ce jeune sympathique barbu a cédé la place à un type froid, qui se met à inspecter le bureau de fond en comble.
Il finit par nous lâcher : "j'ai l'impression que votre devise ici était "pour vivre heureux vivons cachés".
A présent, je vous préviens, ça ne va plus être la même musique, il va falloir bosser..."
Alors que durant les quatre mois de ma "gérance", jamais le boulot au niveau du département n'avait jamais autant progressé !!! En 1993 nous étions dans les années 60 et là, prêts pour l'an 2000.
Une seule chose nous manquait : le niveau en informatique.
Et pourtant, elle était bien partie Nathalie... Sans pour autant couper les ponts, elle décide en ce mois de mars de récupérer les affaires qu'elle avait laissées à Nîmes chez sa mère.
Un geste d'amour, que j'apprécierai beaucoup.
Avril voit la dégradation progressive au boulot. Notre autre collègue, Christine, qui devait avoir entendu parler de l'individu qui allait nous commander pose illico sa mutation.
Le nouveau chef commence à supprimer toutes les initiatives que j'avais prises, sans même se justifier. Il sait très bien que Nat et moi fonctionnons de la même façon, et que nous n'aimons pas trop le changement brutal. C'est pourtant ce qu'il se hâte de faire.
"Ici, c'est moi qui commande" sera désormais son credo.
Et pendant ce mois d'avril, sans nous le dire, Nat et moi allons pas mal gamberger.
Vacances de Pâques. Que nous avons réussi à prendre elle et moi en même temps, grâce à l'appoint des "polyvalents", ces sauveurs de congés - dont je fais désormais partie :)
Pour elle c'est l'Aude, pour moi le Pays Basque.
Tant pour elle que pour moi, ces vacances seront un calvaire. Désormais, 8 jours, 8 petits jours l'un sans l'autre, c'est devenu mission impossible.
Une semaine plus tard, nous irons assister à un spectacle de Demis Roussos à Marvejols (30 km).
Nous ne sommes qu'une centaine, groupés dans l'église. Pendant tout le concert nous serons - en douce - main dans la main, à écouter. Comme nous le ferons désormais à tous les spectacles où nous irons - et il y en aura pas mal...
Demis ne cessera pas, au cours de son spectacle, à se balader entre les travées, et je le verrai à plusieurs reprises poser un regard bienveillant sur nous deux. Du reste Demis Roussos sera une des très rares personnes à nous avoir vus main dans la main !
Serions-nous donc "présentables" ?
Pour l'interprète de "quand je t'aime", la réponse a l'air d'être positive...
Mais le lent travail de sape de notre "chef adoré" (c'est du reste comme ça qu'il se nommera lui-même !) commence à faire son oeuvre dans nos esprits.
le 12 mai 1994 allait être un jour noir pour nous deux, peut-être le plus noir que l'on n'ait jamais connu.
Ca commence au taf, où Chef adoré attaque sauvagement Nathalie, lui reprochant... de ne pas savoir parler. Puis lui dit carrément que son travail... c'est de la M..
Il sait TRES BIEN que Nat a un gros complexe vis-à-vis de son élocution, et bien entendu, appuie où ça fait mal. Il sait très bien aussi que c'est une bosseuse hors pair, et surtout qu'elle est hyper douée. Nos clients habituels le savent aussi d'ailleurs, qui sont de plus en plus nombreux au fil des mois.
Nat écrira le soir même, dans nos poèmes :
Le cauchemar va-t-il bientôt s'arrêter?
Quand pourrons-nous nous marier?
Je continue chaque jour de m'interroger
En suppliant le Ciel de venir m'aider
A cette terrible épreuve supporter.
Ce seront ses tout derniers vers, d'une oeuvre qu'elle et moi avions tissé au fil des semaines. Un long poème intime, plein d'amour...
De mon côté, ce 12 mai ne sera pas triste non plus.
Et ce sera le c).
A la pause de midi, déjà ébranlé par ce qui vient de se passer au boulot, j'avise chez moi une feuille chiffonnée dans la corbeille à papiers. Ja la déchiffonne et en prends connaissance.
C'est un rapport de l'orthophoniste concernant ma fille, son école ayant estimé que cette visite était nécessaire. Ils ne sauront jamais ce qu''a écrit la praticienne, dont j'extrais ces lignes, qui me claquent en pleine figure :
_______________________________________________________________
“ Mme C... a un caractère abrupt et des jugements tranchés et sans appel qui perturbent les relations amicales. Elle entraîne sa fille dans cette façon de faire.... (notre fille) ne peut s’épanouir psycho-affectivement ni psycho-intellectuellement, les troubles (...) sont à rapprocher de ce contexte... Dans un premier temps il serait préférable d’envisager quelques entretiens avec un psychiatre. Mme C... ne paraît pas prête à accepter une structure telle que le centre de guidance infantile alors qu’elle pourrait profiter elle-même d’entretiens individuels...” .
_______________________________________________________________
Traduction littérale : mon épouse est en train de bouffer notre fille.
Bien entendu, une des premières sauvegardes que je ferai en 2001 quand j'aurai un ordi, c'est cette double feuille, qui désormais ne me quittera pas.
Tout de suite j'en fais part à Nat, qui me dit "t'inquiète pas mon chéri, on tiendra face à tout ça..."
Je n'avais pas encore lu ses derniers vers...
(à suivre)
19:04 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : harcèlement
Kerviel : la grosse hypocrisie
Jugement rendu à l'encontre du trader Jérôme Kerviel : 3 ans de prison ferme et 4,9 milliards de dommages-intérêts.
Trois ans ferme, j'approuve. Ce trader était complètement inconscient et maniait les milliards d'euros avec une incommensurable légèreté.
Mais pour le reste, non !
Savez-vous ce que représentent 4,9 milliards d'euros ?
Une ville de 150.000 habitants, ou une ligne de TGV reliant, par exemple, Marseille à Bordeaux !
Autre comparaison : En admettant qu'il se fasse 10.000 euros mensuels. On lui en ponctionne 90% pour ne lui laisser qu'un smic. En admettant encore qu'on le fasse bosser.... pendant 50 ans (on n'est plus à une énormité près) il aurait remboursé.... 1/1000 ème de sa dette !!
La France vient d'inventer la perpétuité sans prison...
Pour moi, trois hypothèses :
1) la plus optimiste : En appel la Générale retire sa demande de dommages/intérêts, et c'est en bondissant de joie que Kerviel ira faire ses trois ans !
2) il reste avec sa dette, et n'a plus.... qu'à se suicider.
3) Pire, n'ayant désormais plus rien à perdre, qui pourrait l'empêcher de faire un gros casse, et de passer le restant de ses jours au soleil des Amériques ?
J'espère qu'en appel, les décisions du tribunal seront plus sages, et surtout plus...exécutables!
C'est le système qu'il faut condamner, ces traders qui jouent notre argent au monopoly. Mais rien ne sert de tuer un bouc émissaire.
Je vous embrasse
17:56 Publié dans actualité | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : banques
04/10/2010
Sur notre nuage - 3
J'ai enlevé la note interrogations, étant donné qu'elle sert d'exutoire à des personnes de mon ancien site, ce qui est, j'ai l'impression, inévitable.
Pardon à Cri-Cri d'avoir enlevé son com en même temps que la note.
Passons donc au sujet qui me préoccupe, et qui fait grincer bien des dents !
___________________________________________________________
Le passage à l'année 1994 se fera... dans un hôtel de Lorient, ma famille Bretonne, à cette époque en train de s'étriper préférant que ça se passe sans témoin. Je réussirai tout juste à parler 3/4 d'heure seul à seul avec mon presque-frère Jean-Yves.
Durant cette entrevue, je lui "avouerai" Nathalie. Pensant qu'il avait les idées larges comme au temps de notre jeunesse.
Mais c'est un cousin "installé" que je verrai, tant dans sa vie conjugale que familiale, qui me répondra du bout des lèvres que cela ne se fait pas.
Ce refrain, je vais désormais l'entendre souvent de la part de ma famille...
Du moins aux rares à qui, pendant les années 2000, j'en parlerai.
En attendant, Nat et moi poursuivons notre lune de miel. Comme je l'ai dit, nous bossons ensemble presque tous les samedis - ce qui arrange fortement mon autre collègue - tantôt l'un à 6h et l'autre à 8h, et inversement.
Quand je commence à 8h, je me fais non pas un devoir, mais un plaisir de lui apporter à chaque fois un bouquet de fleurs. Je ne vous raconte pas la gymnastique que je dois faire pour dissimuler le bouquet sitôt sortis de la boutique...
Les fleuristes peu à peu commencent à me regarder de travers !
Le plus souvent, je prends un énorme sac "Darty" - le même où elle met la cage de Pompon quand on est en balade afin de traverser les rues mendoises où à présent tout le monde me connaît. C'est que - malgré moi - je suis devenu un "notable", un mec qui tutoie le secrétaire général de la préfecture et qui de temps en temps trinque avec le député ou le préfet...
Ses séjours à Nîmes chez sa mère deviennent à nouveau plus espacés, Nathalie arrivant peu à peu à réaliser que sa mère ne tient pas tant que ça à la protéger du "porc", mais plutôt à faire en sorte qu'elle aussi soit toute seule, de manière à ce qu'elle vienne la voir.
Et arrive la Saint Valentin.
De ma part elle aura une bague en or, de la sienne je recevrai une gourmette en argent avec mon prénom. Gourmette que je me ferai un plaisir d'arborer, bien qu'à la base je n'aime pas trop ça...
Pour les vacances de Février, comme d'hab, moitié Paris, moitié Lozère. Là encore la femme de mon cousin Georges - 23 ans de moins que lui.... - me fera une remarque pas très sympa concernant mon "amitié" avec ma jeune collègue.
Bien entendu les 5 jours Lozériens sont fantastiques, même si des orages éclatent de temps en temps. Qui n'a pas eu de orages dans une vie de couple ?
A la fin du mois, nous allons chez mon autre cousin, Robert. Il habite - provisoirement - les Pyrénées et semble s'étonner de ma joie de vivre. A la fin du dîner, alors que les esprits sont désinhibés, j'entendrai la femme de mon cousin - 17 ans de moins que lui - nous dire à mon épouse et à moi, alors que pourtant, pas une seul fois nous nous étions disputés (record):
"Vous êtes au bord de la rupture, tous les deux".
Ce qui pouvait se traduire par "attention cousine, ton mari est amoureux"...
Et oui, cela se voit comme le nez au milieu de la figure !
Nous sommes en attendant très bien partis pour attendre ces fameux neuf ans, qui ne sont d'ailleurs plus que huit et demie. J'ai "sondé" mon épouse, qui ne me cache pas que retourner en Normandie lui serait d'une grande satisfaction. Avec ou sans moi.
C'est vrai qu'elle en était partie en courant, un jour d'octobre 1982 où, à la suite d'une énième humiliation de la part de sa soeur, elle avait pris sa 2 CV et avait parcouru d'un trait les 900 km qui la séparait de Briançon !
Notre fille est pour sa part très éveillée, et à certaines de ses blagues je vois bien qu'elle a plus ou moins pigé qu'entre son père et Nat il se passe quelque chose. Et ma foi, ça ne la perturbe pas plus que ça, tant que je peux rester auprès d'elle.
Dans notre disquette de poèmes, nous comptons désormais les semaines qui nous séparent du mariage et des beaux bébés que nous aurons. Ils portent même un nom : Jason et Marie.
Papa aura alors 51 ans et maman 34.
Tout à notre bonheur, nous ne voyons pas les gros nuages noirs arriver.
Pourtant la tempête va être très rude, la menace viendra de trois endroits différents.
Saurons-nous l'affronter ?
(à suivre)
13:44 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (12)