19/08/2010
Marité, ma soeur volée ? (1963)
C’est à l’été 1963, où mes parents traversaient une telle mauvaise passe financière qu’ils avaient décidé de plus ou moins sacrifier leurs vacances. Juillet pour eux à Paris, le mois d’août à trois dans un grenier aménagé en Ardèche. Pour moi, je devais partir en camp scout durant 3 semaines, descendre en radeau la rivière la Loue dans le Haut-Doubs. Sans savoir que ce sera à moins de 5km de là que, 47 ans plus tard, je prendrai ma retraite !
Toute l'année nous avions travaillé à ce camp, et juste avant de partir, je chopai la grippe.
Adieu donc la belle vallée riante de la Loue, bonjour la loge étriquée du 60 rue de la Victoire....
Les prix d'excellence à la pelle étaient loin derrière, j'étais passé en quatrième - à 12 ans quand même - , mais au prix de pas mal d'efforts et il me fallait absolument décompresser, aller au soleil. Déjà assez rachitique, je perdis complètement mon appétit, ce qui inquiéta mes parents.
Mon père eut alors une idée. Il connaissait une «ancienne collègue» à lui qui habitait Toulon, et lui demanda si je pouvais passer le restant de juillet là-bas. Elle accepta, moi je trépignais de joie ! Déjà quitter cette grisaille parisienne, c’était génial, mais en plus sur la côte d’Azur…
Et, vers le 10, me voilà là-bas.
Au début ça se passe mal, je ne m’entends pas du tout avec le gamin de la famille – un Patrick aussi – et j’en suis carrément à regretter mon pigeonnier. En plus la mère de la dame est avec nous, et c'est visible, elle ne peut pas m'encaisser...
Et puis, la fameuse dame me dit qu’elle va faire venir sa fille de 8 ans, Marité.
Là encore je ne vois pas ça d’un très bon œil, les filles c’est pas trop mon truc, elles ne savent même pas qui est Bob Morane et elles sautent à la corde pendant des heures…
Mais bon, on verra bien !
Pour voir, je vois ! Je suis scotché, littéralement scotché quand je l’aperçois. Petite blonde avec un accent Toulonnais qui achève de me faire craquer. Apparemment de son côté je n’ai pas l’air de lui déplaire non plus. Les bruns aux yeux verts semblent être sa tasse de thé…
Et pendant les trois semaines qui vont suivre, je vais me sentir « bien », vraiment « bien ».
On ne se quittera plus, dormirons dans le même lit, serons lavés ensemble par sa mère, jouerons des parties de «menteur» interminables…
Je lui ferai même participer à des jeux de quartier, et souvent on bravera l’interdiction de ne pas dépasser le pont de chemin de fer, la ligne de Marseille à Nice où filent à toute allure les trains à vapeur.
Mais quand même, je lui trouve des attitudes «bizarres». Comme celle par exemple de me faire sans cesse des petits bisous, et souvent sur la bouche. Elle me dit aussi «quand on sera grands on se mariera ensemble»…
Je le rappelle, j’ai 12 ans, avec de surcroît une maturité sentimentale de 6 ou 7, et je suis presque affolé devant ses démonstrations, même si je sens - j'ignore pourquoi - une sorte de miel me couler dans la gorge…
Et finit par arriver le jour de la séparation. Elle doit partir en colo vers Perpignan, moi en Ardèche. On prend le même train jusqu’à Nîmes, et elle n’arrête pas de pleurer. Impossible de lui faire dire pourquoi.
Ah les filles…compliqué !
A Nîmes, très décontracté, je lui dis au-revoir en lui promettant de lui écrire. Elle sanglote de plus en plus fort en m’envoyant un bisou. Le dernier. Je grimpe alors dans le « Cévenol » bondé, et en gare d’Alès je peux enfin me hisser sur le wagon panoramique. Marité est déjà loin…
Ce mois d’août dans un village paumé à 1200 m d’altitude, sous le vent, la pluie et le froid, ne restera pas dans les annales, sauf peut-être celle de la météorologie, et du coup, ma mère décide de finir les vacances à Valréas, dans le Vaucluse, chez sa sœur. A ce moment–là, je ne pense presque plus à ma petite compagne de jeux.
Quand on arrive là-bas, à même pas 75 km à vol d'oiseau, on a l’impression d’avoir pris l’avion !
Nous venions de quitter un triste plateau balayé par la pluie et le vent, où les 10 degrés en journée étaient la règle, pour nous retrouver dans une ambiance provençale. Comme celle de Toulon.
Et là…
La chaleur, les cigales, l’accent des gens, les odeurs surtout. Oui, comme à Toulon. Ca m’explose littéralement dans la poire.
Marité.
A partir de ce jour je ne vais plus penser qu’à elle. Je me surprends moi-même, ignorant totalement ce qui m’arrive. Moi, celui qui ne tient pas en place, je vais devenir le contemplatif total, je vais marcher des heures entières dans les rues de la ville en pensant à ma petite blonde.
Bien évidemment je n’en parle à personne. Je m’empresse de lui écrire une lettre, puis deux, pas de réponse.
A Paris, pensant toujours à elle malgré le changement d’ambiance et de climat, je continue à lui envoyer des lettres.
Jusqu’au jour où mon père, l’air grave, me prend à part et me dit « il ne faut plus que tu écrives à Marité, de toutes façons elle ne te répondra pas ».
Les années passent.
Je rencontre des filles. Je pense même être amoureux. Mais Marité reste en moi, je ne sais pas pourquoi.
En 1967, 4 ans après, j’ai 16 ans. J’arrive à décrocher une semaine à Toulon chez un oncle. Ces 8 jours seront exclusivement passés à « sa » recherche. Bien entendu la première chose que je fais est de me rendre dans «notre» quartier, Darboussèdes. Mais là on me dit, que la famille à déménagé, suite à un deuil, et habite désormais à La Seyne, Lotissement Peyron. Je vais passer toute la Seyne au peigne fin, je n’arriverai jamais à trouver ce fameux lotissement Peyron....
Et je rentrerai à Paris bredouille...
Fin ? Non.
J'apprendrai par la suite que la "collègue" de mon père avait été sa maîtresse dans le temps.
En février 2005, ma femme prospecte parmi les affaires ramenées de chez mon père. Et là elle tombe sur une feuille de journal jaunie, très méticuleusement protégée.
Elle date de juillet 63, et sur une photo on voit des gamins, dont… Marité et moi.
Habillés exactement de la même façon.
J’ignorais totalement que d’une part existait une photo de nous deux, et surtout que mon père la gardait si précieusement.
Bien entendu quand je passe le voir un mois plus tard je lui montre le bout de journal. A tout hasard…
Et alors il est devenu blanc comme un linge, répétant sans cesse « je n’en reviens pas, je n’en reviens pas »
Je n'en saurai pas plus, il décèdera peu après, emportant son secret dans la tombe.
Cette histoire, qui aux yeux de pas mal de pisse-vinaigre – dont ma femme – pourrait passer pour une amourette de gosses pourrait être en fait peut-être bien plus que ça.
J’ai évoqué cette histoire devant trois personnes très différentes, à des années d’intervalle.
Pour deux d’entre elles, au vu de tout ce que j’expose, il y aurait de grandes chances que Marité soit plus que mon tout premier amour. Mais qu’elle soit tout simplement... ma sœur. Ce qui expliquerait qu'on ait été habillés pareil, la réaction de mon père, l'hostilité de la grand-mère, cette sensation de vide intérieur qui ne m’a jamais quitté depuis cette époque.
Cette envie folle de la retrouver.
Je ne le saurai jamais....
18:45 Publié dans beaux moments, ceux que j'aime, moi | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : ma soeur marité
18/08/2010
Le coup du taureau (1962)
Tout à l'heure j'ai entamé l'escalier qui contourne la maison. Il y a un dénivelé d'un mètre cinquante que je songe rattraper par trois marches.
Sans rien dire à personne, j'ai entamé la première marche. J'ai creusé trou d'environ 25 cm dans lequel j'ai placé une dalle.
Ma chère et tendre, sans doute attirée par le bruit de la pelle, inhabituel cet après-midi, vient se rendre compte de ce que j'étais en train de faire.
Mine de rien, ça l'a soufflée un peu de voir ce premier résultat, mais sa première question fut celle-là :
"qui t'a dit de faire ça ?"
Je lui ai répondu du tac au tac : "la même personne qui t'a dit de planter 23 arbres dans le jardin".
Elle encaisse, puis voyant que je commençais à peiner, me dit "passe-moi cette pelle".
Je lui réponds que pas question, que ces escaliers c'est moi qui, depuis 6 ans, avait parlé de les faire, et que je ne tenais pas à ce qu'on la voie manier la pelle tandis que son feignant de mari était en train de draguer sur l'ordinateur, alors que c'était le dit mari qui en avait fait le plus gros.
Je lui ai même dit un truc qu'elle ne risquait pas de comprendre : "le coup du taureau, en 62, ça m'a suffi!"
Le coup du taureau ?
C'est un jour d'août 1962 où mon père avait décidé d'aller à pied dans la vallée de l'Allier. Et retour. Distante de 12 km, avec un dénivelé de 500m.
Mon père adorait marcher à pied, c'était une époque où le piéton au bord d'une route risquait beaucoup moins de se faire rentrer dedans par une voiture. A présent ils ont inventé les "voies vertes". C'est à dire que le piéton n'y a plus aucune chance de se faire renverser par une voiture, mais en a trois fois plus de se faire heurter par un vélo !
J'étais, hier, sur une de ces "voies vertes", le long du lac de Neuchâtel, et j'ai voulu faire un petit décompte à la Rosny sous bois.
Je me suis posté à un endroit, et en trois minutes me sont passés devant....115 cyclistes !!! Plus quelques rollers ou autres planchistes.
Bref, je digresse là encore, je voulais vous parler de 1962. Où piqué au vif je dis à mon père que je serais capable de faire l'aller-retour. Soit 24 km sous un soleil de plomb.
L'aller se passa sas souci. Partis à 13h30, à 16h30 nous étions en bas, et mon père me fit alors faire un geste symbolique : Traverser le pont pour se retrouver en Lozère, ce département où, 16 ans auparavant il avait vécu les meilleurs moments de sa vie.
On s'attable quelques minutes dans le seul café-bar du coin, puis entreprenons de remonter.
Il était 17h et nous savions que le "rapide" de 17h49 allait passer, et croiser avec une micheline.
Effectivement, le 17h49 arrive, on voit le panache de fumée de très loin. A ce moment on doit se situer à 150 m au-dessus, et on voit ce train comme si c'était du modélisme ! Génial...
Du coup j'oublie la fatigue qui commençait à m'envahir.
Mais ensuite, plus de train, on quittait la vallée et on se retrouvait sur le plateau.
Les bornes défilaient, de plus en plus lentement :
Le Bouchet St Nicolas 5 km.
Le Bouchet St Nicolas 4 km.
Le Bouchet St Nicolas 3 km.
Et je commence à voir le clocher du village. Je suis presque au bout de mes forces, mais je tiens à terminer.
Le Bouchet St Nicolas 2 km.
Allez, j'ai fait le plus gros, pas le moment de flancher. Mon pote, tu as 11 ans, tu es bâti comme un moineau et pourtant tu as 22 km dans les pattes !
Le Bouchet St Nicolas 1 km.
Et là, au bord de la route, je vois un troupeau de vaches, avec son taureau agressif. Tout le monde l'appelle "le taureau de la mère Victoire", il a déjà coursé pas mal de touristes. Et moi, j'en ai la trouille de ce taureau-là.
Si bien que pour les derniers 500m, mon père me prendra sur ses épaules afin que je sois rassuré.
Mais, alors que je raconterai, année après année, ce que j'appelle un athentique exploit, ma mère me lancera "tu parles, tu as fait le retour sur les épaules de ton père !"
Depuis ce jour-là, je prends bien garde - sauf en cas d'épuisement extrême - de finir le travail que j'ai commencé, aussi dur soit-il.
Je vous embrasse.
14:53 Publié dans moi, notes non commentées, psy | Lien permanent | Commentaires (6)
17/08/2010
Souvenirs d'enfance - j'ai failli mourir le jour de mes onze ans
30 janvier 1962, 19h30. Ce jour-là je fête mon onzième anniversaire. Enfin je "fête", pas tant que ça, car ce jour, que je redoutais depuis des semaines, a bien failli être mon dernier.
30 janvier 62, 17h20. Piscine Pontoise (Paris Vème).
Je viens d'être poussé à l'eau par le maître-nageur du lycée, Mr Lozac'h. Je ne sais pas nager. Et cela fait déjà 10 secondes que je ne suis pas remonté...
* * * * * *
Flash-back.
Je suis au lycée Montaigne de Paris, en classe de 6ème. Tous les mardis, c'est piscine obligatoire après les cours.
Quand on nous avait annoncé ça, à la rentrée de septembre, ma foi, j'étais plutôt ravi. Je ne savais pas ce qu'était une piscine, mais en revanche, j'adorais l'eau. Le moindre bassin me voyait, à la belle saison, plonger dedans, même si la température n'était pas des plus indiquées. Non, sincèrement, j'étais plutôt ravi de cet "intermède", après 6 heures de cours.
Mais j'ai assez vite déchanté quand j'ai vu ce qu'était une piscine en général, et la piscine Pontoise en particulier. Une odeur de javel à vous flanquer la nausée... Et le boucan ! Des "splatch", démultipliés par l'acoustique. Des cris aussi, beaucoup de cris.
Cependant au départ, je les trouvais bien ces cours. Nous étions flanqués de trois flotteurs autour de la taille, et nous disposions d'une tablette de liège qui faisaient office de gouvernail.
Oui, je trouvais ça sympa, de sauter dans le "petit bain" (0m85) et de remonter illico, de pouvoir "jouer au bateau" sans le moindre risque...
Mais M. Lozac'h, un prof de gym bombardé maître-nageur pour la circonstance, s'était fixé un planning. C'est à dire qu'à la fin de l'année, tous les élèves devaient savoir nager la brasse.
Et en janvier tous les élèves devaient donc déjà pouvoir se débrouiller sans les précieux auxiliaires qu'étaient les flotteurs et la planche. C'était pour lui un minimum.
Octobre : 2 flotteurs + la planche
Novembre : un flotteur + la planche
Décembre : Juste la planche
Janvier : sans filet.
Tel était le programme prévu.
Mais peu à peu, avec quelques camarades tout aussi chétifs que moi, je me laissai distancer.
Certes, je gravissais tous les "échelons" prévus, mais à ma cadence. Pas à celle du prof.
La première ceinture de flotteurs de moins, ce ne fut pour moi qu'en novembre, et c'est mi-janvier que, triomphalement, j'arrivai à faire une longueur - disons une largeur - avec une seule ceinture et la fameuse planche.
Très logiquement, si bien évidemment je n'entrais pas dans le planning de M. Lozac'h, je pense que j'aurais pu arriver à flotter tout seul avant les vacances de Pâques. Et qui sait, savoir nager avant l'été, c'était possible...
Je me souviens de cette piscine. Surtout de ces panneaux peints en rouge :
PETIT BAIN. PROFONDEUR 0m85.
MOYEN BAIN. PRONDEUR 1m70.
GRAND BAIN. PROFONDEUR 2m85.
Ce grand bain était synonyme de gouffre pour nous tous, et il n'était pas question de longer la piscine à cet endroit. 2m85, ça représente mine de rien plus d'un étage.
Donc, à mon rythme, je progressais. Je n'étais pas le seul "traînard", mais M. Lozac'h n'appréciait pas trop la bande de bras cassés que nous formions.
Et le mardi 9 janvier, juste après la rentrée, il annonça la couleur :
"dans trois semaines, tout le monde sautera du grand bain. Sans planche ni flotteurs".
Je suis alors resté là, hébété, et j'ai eu le temps de voir que mon cher professeur avait un air jouissif en disant cela.
Et à partir de là, je paniquai. Je rêvais de piscine, je ne mangeai plus rien, et mes parents commencèrent à s'inquiéter.
"Tu as quelque chose qui te tracasse, mon poulet ? " me demanda ma mère.
"non, rien..."
On a sa fierté, même à onze ans.
Le mardi 23, Lozac'h nous aligna devant le "moyen bain" - 1m70, nous n'avions pas pied - munis de la seule planche.
Et chacun de devoir sauter...
J'ignore ce que ça fait de passer devant un peloton d'éxécution, et de voir la mort peu à peu se rapprocher avec les camarades abattus, mais j'avoue que je n'en menais pas large en voyant le nombre de camarades à ma gauche diminuer de plus en plus.
Puis ce fut mon tour.
Crânement, je plongeai de moi-même, en ne pensant qu'à une chose : surtout ne pas lâcher la planche. La planche de salut, je comprends mieux l'expression.
D'habitude, je remontais assez vite, au bout de 3-4 secondes. Mais là c'était une autre affaire. Plus de bouée, juste ce truc en liège pour me permettre de remonter.
Après avoir bu une sacrée tasse, tant bien que mal j'arrivai à la surface. Complètement cramoisi, toussant, expectorant, crachant mes poumons.
Lozac'h me regardait, et d'un air que je n'oublierai jamais me lança : "Monsieur c..., vous êtes mal parti pour la semaine prochaine, quand vous n'aurez plus de planche..."
Et moi de fondre en larmes, de lui dire "non... s'il vous plaît... je ne pourrai pas...
- Si, vous pourrez.."
Ce vouvoiement - typique de l'Education Nationale des années 10 à 60 - rendaient ces paroles encore plus effrayantes.
Ma mère m'attendait à la sortie. Tout de suite elle remarqua que quelque chose s'était passé. Je lui racontai tout, d'une traite.
"on va te faire dispenser, c'est vraiment une bande de sauvages..."
Chose incroyable, mon père, le Marin avec un grand M, fut d'accord avec ma mère et envoya le mot de dispense.
Tout était bien qui finissait bien, aurions-nous pu dire tous les trois.
Mais non. Le lundi matin, une lettre du lycée, stipulant que seul un certificat médical pouvait me faire dispenser de piscine.
Trop tard, donc...
Pendant 24 heures j'en fus malade, à l'idée de me retrouver à sauter dans le grand bain.
"Mais voyons mon poulet, ton prof a bien vu que tu n'y arriverais pas, il ne te fera pas sauter...il ne veut pas ta mort, tout de même...
- il me l'a dit maman.
" Mais non, rassure-toi, tout va bien se passer".
Ces paroles apaisantes ne réussirent pas à faire taire ma terreur. La nuit je ne dormis pas bien entendu, et chaque heure de cours marquait le compte à rebours :
Noyade dans 7 heures, noyade dans 5 heures, noyade dans 2 heures...
Je le revois encore ce trajet. Jardin du Luxembourg, Gare du Luxembourg, Rue Soufflot, le Panthéon, La rue de la Montagne Ste Geneviève, le boulevard St Germain.
Un itinéraire de touriste, jonchés de belles merveilles, que moi je ne regardais pas. Je regardais par terre, persuadé de vivre mes tout derniers instants.
Et c'est en tremblant que j'entrai dans la cathédrale javellisée.
Lozac'h était un sadique. Car pendant les trois premiers quarts d'heure, il fit comme si rien n'était prévu, il faisait ses cours avec les "as" et laissait se débrouiller comme il pouvait notre petit club des "une bouée une planche".
Puis ce fut le coup de sifflet.
"Tout le monde devant le grand bain. Posez vos planches et enlevez vos bouées"
On m'aurait dit sur le moment que 48 ans après je garderais intacts ces souvenirs, je l'aurais pas cru...
On est à présent tous alignés devant le Grand Bain.
PROFONDEUR 2m85.
Et à chaque coup de sifflet, un mec sautait. Et remontait, triomphant.
"A vous".
Lozac'h me regarde.
"Non, je ne veux pas, je ne sais pas nager..."
Je pense même avoir prononcé "pitié".
Mais de pitié il n'en avait pas, et d'une bonne claque il m'envoya dans l'eau profonde.
Et là je coule à pic. C'est le seul souvenir que j'ai, avant de m'évanouir.
Quand je reviendrai à moi, je les verrai tous accroupis.
"Il respire", sera la première phrase que j'entendrai.
Bien entendu , il ne fut pas question d'appeler les pompiers ou quelque chose de ce genre. Pas de vagues. Surtout dans une piscine.
Bien entendu , Lozac'h était déjà parti...
Bien entendu, on dissuada mes parents de porter plainte contre le lycée, "pour mon propre intérêt".
* * * *
Depuis, j'ai la phobie de l'eau. Avec de très graves séquelles, inimaginables, pas racontables.
Phobie que je n''arriverai à atténuer que... 42 ans plus tard. Grâce à une déception amoureuse ! Oh, petite, mais quand même…
Quand en juin 2004, quand j'achèterai une piscine gonflable à Biarritz.
Mais la Cicatrice est toujours là, et à chaque fois que je souffle mes bougies, je pense à ce jour de 1962 qui a vraiment failli être pour moi le dernier.
M. Lozac’h, j’espère que vous êtes toujours en vie, et que quelqu’un vous indiquera ce billet. Que vous compreniez que, voici presque un demi-siècle, vous vous êtes rendu coupable - et je pèse mes mots - de tentative de meurtre.
18:10 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : piscine, noyade
16/08/2010
Juste un passage
Nous sommes tous les deux à Lons. Mais quelles péripéties !
Départ de Strasbourg avec un quart d'heure de retard. Vu la ligne, ça serait plutôt positif.
Je descends à Besançon où le fille de nos futurs voisins m'attend. Direction mon village.
Il pleut des cordes, au passage je me rappelle que ça fait pile quarante ans que j'ai connu, à 10 km de Pontarlier, la fille que j'ai embrassé pour la première fois. Je vous raconterai.
Je récupère la voiture, mais au moment de la démarrer, clac ! Rien...
C'est un autre futur voisin, celui qui a pourtant la plus mauvaise réputation, qui me dépannera avec une batterie, faisant contact avec la mienne.
Arrivée à Pontarlier, mon épouse est en pleine forme mais il faut batailler (comme on dit dans le 64) pour arriver à la faire sortir.
17h35, on sort.
17h37, la voiture me fait "clac" de nouveau !!!
Je vous épargnerai toutes les péripéties, mais vers 18h on peut repartir.
Voyage sous la pluie battante, avec une voiture que je ne connais plus.
Arrivée à 19h10 en remerciant le Ciel, car vraiment, il m'a beaucoup aidé !
Je mets la télé. Mais comme il pleut des cordes. Et l'eau sur l'antenne, les chaînes n'aiment pas ça !
Alors je zappe : 1 (non faut pas pousser! ) 2 - 3 - 4.....
152 - 153 - 154 -155 .
Ca marche!!! C'est "TéléMélody". Et à cet instant précis je vois Herbert Léonard.
Qui chante "petite Nathalie"....
Message reçu :)
Je vous embrasse.
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PS : Hautetfort, c'est bien. Mais il faut bien réfléchir avant de taper sur la touche "supprimer"....!!!
20:50 Publié dans moi, spiritualité | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : nathalie
13/08/2010
Des nouvelles
Je suis à Strasbourg, aux deux-tiers de mon "marathon" Alsacien.
J'ai vu que des internautes s'inquiétaient, dont une de "là-bas" (entre parenthèses je n'aurais jamais pensé que la frontière entre "là-bas" et le reste de la planète était si importante.... je suis assez déçu de certains, mais bah, c'est comme ça...)
Donc mon épouse va bien. Et le chat aussi.
Elle s'est même assagie, comprenant qu'elle avait tout fait cette fois pour en arriver là, et sans doute - comme moi - remerciant le ciel que la crise ne soit pas venue quelques minutes plus tard. Là, la voiture était à l'arrêt.
Je vois les choses positivement. D'abord, je pense qu'elle n'est plus anxieuse de venir dans le Haut-Doubs (je ne cite pas le nom du village, je sais que Google m'attend au virage, je vous en raconterai d'ailleurs une bien bonne à ce sujet) tant l'attitude des habitants l'ont touchée. On est loin de 2006, et surtout de 2007...
Ensuite je crois qu'elle a enfin pris conscience qu'il lui faut éviter de prendre la voiture toute seule pour de si longs trajets.
Mais j'avoue qu'on a tous eu chaud....
Je remercie donc Cri-Cri, Fiamella (trois fois, Fiamella, lol - non je ne "modère" rien sur ce blog), Symphonie 1 et Anne A. de s'être inquiétées.
A peut-être demain (le cyber est juste en face de mon hôtel).
18:38 Publié dans Merci, moi | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : épilepsie, solidarité
11/08/2010
La totale !
L'endroit est sombre.
Les gens qui traînent ont une mine vraiment patibulaire...
Mais bon, c'est mon choix, et je ne vais pas m'arrêter dans l'escalier. Oui, l'escalier en colimaçon, tandis que je suis une dame d'un certain âge (disons la cinquantaine).
Il est des besoins auxquels je dois me satisfaire....
On arrive à l'étage, et la dame me fait payer.
Puis me désigne un ordinateur.
Car.... c'est au cyber café que je suis !!!!
Je plaisante, mais pourtant l'heure est grave. Je résume :
1) Je suis en Alsace - sans véhicule - jusqu'à lundi pour remplacer quelqu'un en urgence.
2) Mon épouse est à l'hôpital de Pontarlier.
3) Notre chat est tout seul, ravitaillé par des voisins.
Quand hier matin, mon épouse m'a annoncé au téléphone qu'elle allait dans le Haut-Doubs, je me suis rappelé la dernière fois et j'ai essayé de la dissuader.
"t'inquiète pas, je connais la route à présent".
Elle m'appelle hier de Pontarlier, 11h33, pour me dire qu'elle n'avait plus que deux ou trois trucs à faire, et qu'elle rentrait aussitôt. Qu'elle m'appelait dès son retour, vers 17h, le chat étant dans la maison.
17h, pas d'appel.
J'appelle moi-même à 18h. Personne.
Ainsi que 19h, 20h, 21h....
Là je commence à baliser. Je vois la scène : Mon épouse s'est payé une crise au volant, avec toutes les conséquence que je vous laisse imaginer.
En fait j'étais presque dans le vrai. Mon épouse avait bel et bien fait une crise au volant, mais par chance, la sentant venir - je suppose - n'avait pas encore mis le contact.
Elle a été découverte inanimée dans la voiture hier soir vers 21h, par des futurs voisins que ma fille - prévenue - avait fini par appeler.
Le reste est habituel, Pompiers, Samu, Hôpital...
C'est ce matin au boulot que je trouve le mail de ma fille expliquant tout ça.
Mon épouse est en lieu sûr, mais pas mon chat. J'arrive à joindre le voisin chez qui j'avais remis les clés, qui aussitôt arrive délivrer la pauvre bête qui était enfermée depuis plus de 24h.
Donc voilà....
Je comptais vous écrire "bonjour de Colmar", et intégralement en noir et blanc pour ne pas perturber l'agrégateur de Anne, illustré d'une photo pour faire plaisir à Alain, et finalement ça ne sera pas pour cette fois !
Bon, chacun est hors de danger, je file me coucher, demain le réveil sonne une nouvelle fois (la 3ème) à 5h.
Je vous embrasse.
20:25 Publié dans moi | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : épilepsie
08/08/2010
8 jours de repos !
Repos moral, car si effectivement je pars une semaine en Alsace, ce n'est pas pour arpenter le route du Vin ou la Route des crêtes mais pour bosser.
Et pas qu'un peu : lundi après-midi, mardi, mercredi, jeudi à Colmar, samedi et Dimanche à Strasbourg.
Sachant que les journées durent douze heures et commencent à 5h45, on comprendra que la chose n'apparaît pas si simple à priori.
Sauf que... pendant cette semaine-là, je vais quitter cette atmosphère "cartonnière" qui dure à présent depuis 5 semaines. Je ne vais pas faire de cartons, je ne vais pas rêver cartons, je vais complètement me changer les idées.
Et du coup rapporter une palanquée d'heures (41 soit 76-35) qui me permettront de faire un aller-retour de moins durant les 4 mois où je devrai faire la navette.
Et, autre élément négligeable, un certain nombre d'euros (environ 300) qui seront les bienvenus dans le contexte actel.
J'ai toujours préféré "payer d'avance", et je pense que physiquement je serai dans un pitoyable état dans 8 jours, mais moralement je serai nettement plus zen que maintenant.
J'ai l'adresse de quelques bons cybers là-bas, et je tâcherai de venir vous faire un petit coucou.
A bientôt.
11:26 Publié dans moi, psy | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : soulagement
07/08/2010
La désillusion de Marseille (1960)
Cette année-là, celle où avec grande difficulté nous avions changé de monnaie, mon père avait décidé que nous passerions les deux mois d’été dans le midi. Juillet avec lui chez son frère à Marseille, et Août dans leur maison de campagne à Trets, près d’Aix. J’étais heureux parce que d’une part, j’allais connaître enfin ce fameux Marseille dont mon père (qui y était né) me rebattait constamment les oreilles, et d’autre part faire la connaissance de mes deux cousins germains.
En plus, cerise sur le gâteau, nous devions aller à Marseille par un des plus prestigieux des trains de nuit, le “ Phocéen ”, direct jusqu’à Avignon, et qui ne mettait que 9 heures. Je signale au passage que les trains de nuit actuels Paris-Marseille ne font guère mieux ! Il s’arrêtait seulement à Avignon, obligé car il devait changer de loco, la ligne électrifiée ne dépassant pas la cité des Papes. J'étais tellement exité que je demandais à mon père chaque samedi soir de m’amener à la gare de Lyon pour voir partir ce prestigieux “ Phocéen ”. Et je comptais les semaines....
Et le jour “ J ” finit quand même par arriver. Nous prenons le bus 63 pour la gare de Lyon, et à 21h nous sommes sur le quai, une heure à l’avance. Magique ! Pour moi l’ambiance des départs et voyages de nuit a toujours été magique.
Pour un amoureux des trains comme moi, ce n’est maintenant que dans les trains de nuit qu’on peut avoir encore quelques sensations, sentir l’odeur “ SNCF ”, écouter - de plus en plus atténué, hélas - le bruit des roues sur les rails..... A présent dans les “ grandes lignes ” on ne trouve que des avions sur rails (les TGV) ou des TER qui ressemblent plus à des autocars sur rail qu’à autre chose.
Mais je digresse.
Le train s’ébranle à 22 heures pétantes. Je ne vous mentirai pas en vous disant que je ne trouve pas le sommeil tout de suite. Je vois défiler les petites gares. Petites, car contrairement à Paris-Limoges, sur 315 km on ne trouve aucune ville (à part Melun mais c’est la banlieue). Il faut attendre Dijon. Alors que Paris-Limoges en est truffée, de villes: Orléans, Vierzon, Châteauroux...
J’ai dû m’assoupir aux environ de Sens. Et ne me réveillai qu’en passant avec fracas dans une grande gare, dont j’aperçus défiler les panneaux: “ Valence ”.
Valence. J’étais calé en géo, et je situais parfaitement où je me trouvais. Jamais je n’avais été si bas dans le sud (du moins depuis 1953..). Il faisait encore nuit, mais je décidai de profiter du paysage (si j’ose dire) jusqu’au bout, et pendant que mes parents ronflaient dans leur couchette (j’ avais dormi dans celle de ma mère, avec elle) je restai le nez collé à la vitre. Le jour se leva peu à peu, et le convoi se mit à freiner. C’était Avignon. Il était un peu moins de 6 heures du matin. Mes parents émergèrent et mon père à son tour mit son nez à la fenêtre. Il revoyait “ sa ” Provence natale.
Qui n’était pas belle dans un premier temps. D’abord le désert, sur des dizaines de kilomètres, puis des usines. Et soudain je poussai un cri: “ La mer ”.
- Non ! ” répliqua mon père. pas encore.
- Mais enfin, cette étendue d’eau dont on ne voit pas la fin, c’est bien la mer ?
- Non, ça s’appelle l’Etang de Berre.. ”
Et oui, c’est vrai, j’aurais dû m’en rappeler, je l’ai pourtant souvent dessiné le pourtour de cet étang ! Et mon père m’indiqua que la mer, la vraie, je la verrai après un long, long tunnel.
Pour être long, il était long. On n’en voyait pas le bout ! Mais quand on en sortit...
Bonne Mère!
Là l’expression prend tout son sens, car Notre-Dame de la Garde est ce que j’ai vu en premier, éclairée par les premiers rayons du soleil. En bas s’étalait Marseille, immense. Et puis effectivement la mer. Vision féérique de carte postale.
L’été se promettait idyllique, encore plus - fallait le faire - que le précédent.
En fait le bilan allait être plus mitigé. Je suis c’est vrai tombé instantanément amoureux de Marseille, un Marseille de 1960 qui n'avait pas changé d'un pouce par rapport à celui de Marius, Fanny et César.
7 heures et des poussières, le “ Phocéen ” s’immobilise en Gare St Charles. Sur le quai nous attend la tante Mimie, qui nous emmène chez elle.
Pas très grand, chez eux. Ils ont l’eau courante, ce à quoi je m’attendais, mais....avec un gros appareil qui sert à la filtrer ! Pas potable paraît-il....Une micro-cuisine, guère plus grande que la nôtre, la salle à manger, qui allait devenir notre provisoire chambre à coucher, la chambre de mes deux cousins Hubert et Yves, celle des parents, la salle d’eau et les WC. Les fenêtres donnaient sur des cours, si on ne savait pas qu’on était à Marseille on se serait presque cru à Paris.
Pas pour longtemps. Car déjà, à 10 heures du matin une chaleur étouffante commençait à se faire sentir. Ce qui répondit à ma question: “pourquoi les volets sont toujours fermés ? ” chose impensable à Paris. Les volets mais pas les fenêtres et on entendait des voix d’un peu partout, dex voix de femmes surtout avec l’accent chantant:
“ Oh Boudiii, tu vas la fai-reu gueuler lonnntamps ta radio?
- Je la feu-rai gueuler tout le tann que ça me channnteura, peuchèreu ! ”
Tout un monde nouveau et pittoresque à quelques heures de train de la Capitale.
Je fis donc la connaissance de mes deux cousins germains. Ce fut pour moi l’occasion d’apprendre deux choses: la première c’était l’expression “ Parigot tête de veau, Parisien tête de chien ”.
A 9 ans, j’avais pourtant roulé ma bosse: Limoges, Bordeaux, le Gers, Lourdes, la Corrèze, la Somme. JAMAIS on ne m’avait sorti ce petit refrain. Ce qui en découla la deuxième chose: les Marseillais ne pouvaient pas sentir les Parisiens.
Pourquoi ? Je ne le sais toujours pas. Ils avaient pourtant tout ce qu’on pouvait désirer: une ville attachante, la mer, les collines, un ciel toujours bleu, des parfums envivrants....Nous les pauvres Parisiens devions faire une belle trotte pour voir la mer, et encore une mer grise, celle de Normandie. Le ciel je n’en parlerai même pas, et les collines se limitaient à Montmartre, à Meudon ou au Mont Valérien. Quand au parfum, chez nous c’était celui du gas-oil et de la suie. Même le Sacré-Coeur ils l’avaient, et en mieux avec Notre-Dame de la Garde !
De plus qu’eux on n’avait en cherchant bien... que la Tour Eiffel. Alors pourquoi cette jalousie ? Je n’ai jamais compris, et aujourd’hui encore je ne comprends toujours pas. Traumatisé sans doute à cause de ça, à partir de ce jour j’ai eu honte de mes origines. Je devais les cacher pendant.....32 ans ! J’ai été tantôt Marseillais (l ’année d’après - un vrai morceau d’anthologie !) tantôt Breton.
Jamais Parisien, et ça jusqu’en 1992.
Yves était donc un de mes nombreux cousins germains, avec son frère Hubert Dès le départ Yves du haut de ses 13 ans nous a laissé choir, ne voulant pas traîner avec les deux minots de 11 et 9 ans.
La première après-midi je la passai donc avec lui et ses copains, et ce fut là que j’entendis le fameux refrain cité plus haut. En fait je me fis mettre en boîte d’emblée, ce qui mit un terme à la fréquentation de mon cousin. Du moins avec sa bande, car c’est vrai que tout seul il redevenait assez sympa. Me posait même des questions. “T’es monté en haut de la Tour Eiffel ?”
Pour lui ça devait être tellement évident pour un parisien que j’ai répondu oui, alors que je n’en avais même pas gravi une marche !
Pour en revenir à Marseille, je l’ai dit, cette ville m’a plu tout de suite. Au début nous étions avec l’oncle Maurice, le frère de mon père, qui nous ( plutôt “ me ”) fit visiter. Avec sa voiture il nous emmena à la mer, mon père, mon cousin Hubert et moi le lendemain de notre arrivée.
Belle la Méditerranée. Belle mais très houleuse, et je ne me suis pas baigné bien longtemps dedans. En plus elle était glaciale ! On était passés par la rue Paradis, la plus longue de Marseille, qui commence chez les pauvres dans le centre avec les bas numéros et finit à la mer chez les fortunés avec les grands numéros. Quand on dit là-bas qu’on habite Rue Paradis, il vaut mieux dépasser le n° 400, voire, fin du fin, le 500. Et j’étais étonné d’une rue si longue.
A Paris j’avais pourtant la rue de Vaugirard que je prenais tous les jours et qui était plus longue d’un km, ça ne faisait rien. De toutes façons j’avais décidé que tout ce qui était à Marseille était beau, même les bus d’un rouge vif. Et en plus il y avait le tramway...
J’en avais déjà vu deux ans auparavant, à Bordeaux d’abord, et surtout à Versailles, le jour où ils ont fermé la ligne. Mais celui-là faisait en plus “métro” car il passait en souterrain sur un kilomètre. Du reste nombre de Marseillais, très fiers, l’appelaient le “métro”, pour ne pas être en reste avec la capitale. Tout comme actuellement à Rouen, où leur tram est appelé officiellement “ Métrobus ” (?) et que les habitants n’hésitent pas, eux, à qualifier de métro.....Ah jalousie quand tu nous tiens !
La situation s’est dégradée assez rapidement. D’abord, donc entre moi et mes cousins (au bout de trois jours je ne voulais plus jouer avec Hubert) puis entre mon père et son frère, qui peu après n’accepta plus qu’on couchât chez lui. Il nous indiqua l’adresse d’un hôtel tout proche, l’hôtel du Paradis, (eau courante à tous les étages était-il précisé !) où nous nous installâmes tous les trois dans une chambre de deux. La chambre était quand même plus grande que notre appart parisien et pourvue donc, d’eau courante. La tante Mimie était désolée (je ne reproduis pas l’accent): “ Quand même, il exagère, regardez dans quel taudis vous retrouvez à cause de lui...vous devez être serrés comme des sardines là-dedans! Mais, quand même on mangera ensemble, hein ?”
On se regarda tous les trois. En fait ça nous convenait très bien, à part la Corrèze les locations précédentes étaient aussi petites, et on avait quand même l’habitude...
Et puis surtout on était libres la journée, et mon père ne se priva pas de me faire visiter tout ce qu’il y avait à visiter.
Peu à peu les repas chez le tonton s’espacèrent . A part Mimie et ma mère, tout le monde faisait la gueule à tout le monde. Mon père à son frère. Moi à Hubert (pas à Yves, pour lui je n’existais même pas !) tout ça réciproquement bien sûr.
Vers le 12 ou 13 juillet il n’y eut plus de repas Boulevard Rougier (leur adresse). Mon père eut alors l’idée de prendre un peu de recul et d’aller passer quelques jours à Toulon, voir la nombreuse famille de ma mère qui s’était installée là-bas. Il n’y avait que 42 minutes de train, direct. (depuis 2001, le TGV Méditerranée est arrivé, et le parcours ne se fait plus qu’en seulement...38 minutes !)
Ce furent des jours de rêve. Après Marseille je tombai amoureux de Toulon. En plus nous étions logés à Dardennes, un hameau à six kilomètres du centre-ville, à l’ombre d’une montagne (non, je n’en rajoute pas, 801 mètres! ) qui nous protégeait après 17 heures du “ cagnard ” provençal. De sorte que les nuits étairent, contrairement à Marseille, assez douces. Et tout ça dans une belle villa, celle d'une vague cousine.
Et j’ai donc fait la connaissance d’une grande partie de la famille maternelle, qui, elle en revanche m'adopta tout de suite.
Je l’ai dit, le rêve. Rêve un peu atténué quand même, car je m’aperçus assez vite que les jeunes Toulonnais (ATTENTION, pas les Toulonnaises !!) étaient aussi c...que les Marseillais au sujet des Parisiens-tête de chien...
Et même, dans les kermesses, il fallait que ma mère intervienne pour éviter que je me fasse tabasser!
On dut quand même - à regret - quitter Toulon retrouver nos Marseillais, je ne savais pas que j’allais retourner dans la grande cité Varoise seulement 3 ans plus tard, tout seul, et surtout ce qui y allait m’arriver.
On y reviendra en son temps.
Je pense que c’est le contraste entre les différents accueils qui joua, mais toujours est-il que la décision de mon père fut vite prise: d’une part on ne verrait plus sa famille et surtout plus question d’aller à Trets au mois d’Août avec eux.
Ceci réglé, on prenait nos habitudes. Ma mère et moi souffrions énormément de la chaleur, et ne sortions jamais entre 10 heures et 17 heures. Nous ne mangions pas non plus le midi. Par contre le soir, c’était le festival. Balade à pied, où l’on passait chez l’épicier du coin se payer la nouveauté de l’année, des « cocktails Vache qui Rit » ce qui s’appelle maintenant “ apéricube ”. Et oui, en 1960 ça existait !
Après l’apéritif (on pouvait encore se le payer dans les bars à l’époque, les bistrotiers ne faisaient payer le “ petit jaune ” qu’un tout petit peu plus que son prix coûtant....et non plus 10 fois la mise comme aujourd’hui) . On le buvait souvent au bord du Jarret, une rivière qui coulait juste en bas de l’hôtel (maintenant une rocade). Après, resto.
Mon père avait une bonne adresse cours Belsunce, un endroit typique aussi (à l’époque je précise). Ca s’appelait le “ restaurant du Moulin ”. Les repas se vendaient par tickets. 30 F les 10. Soit trois francs le repas (6 euros de maintenant à peu près) de base. On pouvait même pour 5 ou 6 F avoir une bonne bouillabaisse.
Et dans non pas la “ fraîcheur du soir ” mais dans la canicule atténuée, on descendait jusqu’au Vieux-Port, par la Canebière. Pagnol fait dire à Mr Brun dans “ Marius ” qu’à Paris il y avait cent canebières. Moi j’aurais réagi comme César, en pensant qu’il était “ fada ”. Car je la trouvais unique cette Canebière...
Je le répète, à part les Marseillais....et la température, tout à Marseille était sublime pour moi.
Et c’est le jour du départ. Adieux à la famillede mon père. Adieux est le bon terme car effectivement ma mère ne les reverra jamais et moi ne reverrai plus mes deux cousins.
On était arrivés par un train de luxe, on repart par un horrible omnibus. Heureusement que la troisième classe venait d’être supprimée, car je ne me serais pas vu faire près de 900 bornes dans ces conditions. Départ 7heures, arrivée 20 heures 30 !
Ce que je vais maintenant vous raconter est - je le jure sur ce que j’ai de plus cher au monde - rigoureusement exact et pas du tout inventé pour faire joli.
Lorsque je suis sorti de la gare de Lyon, j’ai fait cette réflexion, l’air très étonné: “Oh regardez, il y a un bus vert là-bas...”
Mon père me regarda comme si j’avais dit la bêtise de l’année et me répliqua que les bus étaient - et avaient été - tous verts à Paris. D’abord je me refusai à y croire, vert, quelle horreur ! A Marseille au moins ils étaient rouges, à Toulon oranges, c’était joli. Mais vert !
Mais surtout, en découvrant soudain que les bus que je prenais - très souvent - étaient verts, je m’aperçus que depuis 9 ans, je n'avais prêté absolument aucune attention à mon cadre de vie.
Les bus parisiens auraient été peints en violet , comme je le verrai à Auxerre en 1974, ça aurait été pareil.
Réaction très significative, je traversais cette ville sans même la voir, elle ne m’intéressait absolument pas. Et cela durera juqu’à mon premier (faux) départ, en 1972.
12:29 Publié dans beaux moments, moi, psy | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : marseille
05/08/2010
Souvenirs d'enfance : la phrase qui tue (1959)
Cette année-là ma mère dut se faire opérer et se faire hospitaliser deux jours. L’opération étant délicate, mon père décida donc de rester auprès d’elle. On me confia ainsi à des amis, Andrée et Marcel, amis que j'adorais. C'était la joie quand ils venaient nous voir, c'était la joie quand j'allais chez eux.
Chez eux : une chambre d'hôtel. Au milieu de laquelle se trouvait un lavabo. Et je passai alors mon temps à actionner le robinet, voir couler l'eau. Pour moi c'était anachronique de l'eau dans un appartement...
Ces gens furent d’une gentillesse exceptionnelle avec moi, encore plus que d’ habitude !
Le premier soir ils me demandèrent ce que je voulais. Moi c’était "je veux ma maman".
Ils m’emmenèrent au restaurant italien de St Michel qui ne s'appelait pas encore Pizzeria.
On pouvait y manger des Pizzas, mais c'était le fin du fin.
Mais je ne mangeai rien, je voulais ma môman...
La première nuit fut rude pour eux, je pleurais sans arrêt. Vers les 6 heures du matin je réussis à fermer l’oeil, alors que Marcel, lui, devait se lever pour aller bosser...
Andrée me leva vers midi et me demanda - encore - ce que je voulais faire. Je demandai d’aller au cinéma, mais pas n’importe lequel, le Studio Universel .
Le cinéma je l’ai déjà dit, j’y allais souvent, quasiment tous les samedis soirs tellement le prix était modique (80 ou 100 francs de l’époque, soit à peu près un demi de bière). Mais le Studio Universel c’était autre chose. Situé avenue de l’Opéra (disparu depuis plus de 30 ans), il n’y passait que des dessins animés.
Le prix était exorbitant, 350 francs. A deux cela faisait sept cents car bien entendu les enfants payaient plein tarif. 700 f (ou 7 nouveaux francs ou 1 euro 05 ), ça faisait quand même à l'époque 3 heures de salaire d'un ouvrier...
Nous n’y allions donc que pour les grandes occasions avec mes parents, pas plus d’une ou deux fois par an.
Andrée fut d’accord, du coup j’en oubliai Môman et arborai une mine toute réjouie. Nous restâmes trois bonnes heures (le cinéma était permanent, cela se faisait beaucoup à l’époque) devant Tom et Jerry mes idoles de l’époque, Bunny - qui n’avait pas encore le « Bugs » devant son nom en France - et Woody Woodpecker, que tous les petits français ne connaissaient que sous le nom de Piko.
J’eus droit en plus à un esquimau !
A la sortie nous allâmes chercher Marcel et re-restaurant. Cette fois j'y eus de l'appétit, et retour à l'hôtel. Où je passai une bonne heure à faire flotter des bateaux en papier dans cette mer miniature qu'était le lavabo, puis au dodo, sans problème. Marcel put récupérer...
Le lendemain matin mon père vint me chercher; il s’attendait à ce que je lui saute dessus. Je le regardai puis fis la moue:
"Déjà ? j’étais pourtant bien ici... ".
Je vous laisse apprécier la tronche de mon père.
Les enfants sont ainsi faits je crois, s’ils sont bien traités ils peuvent se passer un temps de leurs parents, c’est comme ça. Mais d’un autre côté je frémis car cela peut faciliter la tâche d’éventuels ravisseurs...
On aurait pu m'enlever sans aucun problème à cette époque-là....
Avec le recul, je pense que cette phrase, venant de la bouche d'un petit garçon de 8 ans qui ne voyait que les bancs de son école et ses treize mètres carrés avec la vue imprenable sur le toit d'en face, était "normale". Et plus d'un demi-siècle après, je ne la regrette pas.
(à suivre)
17:57 Publié dans moi, psy | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : prisonnier
04/08/2010
Souvenirs d'enfance : les louveteaux (1958/1962)
Mon maître à penser Marcel Gotlib les a souvent décriés, et c'est vrai qu'à son époque ça devait être totalement différent...
Chez eux, d'abord, tout le monde était sur le même pied d’égalité. Pas de fils de..., ce qui comptait c’était les grades, que l’on obtenait soi-même, et pas avec l’argent des parents.
Le système était simple: il fallait obtenir des brevets, de toutes sortes, le choix était vaste, et avec trois brevets on pouvait avoir une étoile que l’on arborait fièrement sur notre béret basque.
Trois autres brevets, une seconde étoile, là c’était le nec plus ultra ! Il fallait aussi passer des épreuves: de courage, d’endurance. Certains ont pu dire, comme Gotlib donc, que le scoutisme c’était l’armée pour les mômes, mais je m'insurge en faux quand à cette affirmation. Même si j'aime bien Gotlib.
C’est vrai que le côté "grades" fait un peu penser à cela, mais la comparaison s’arrête là.
J’anticipe un peu sur les années 72/73 mais pour moi l’armée c’est les brimades incessantes des gradés sur les faibles, même - et peut-être surtout - si le « faible » a un QI nettement plus élevé que le gradé.
Chez les louveteaux rien de ça. Déjà ce sont des femmes qui nous dirigent, ce qui est un gage en soi. Là bas, le plus ancien doit protéger le plus petit, et le guider, à l’inverse des militaires. Etre gradé exige des devoirs chez les scouts. Alors qu’à l’armée ça ne donne que des droits. L’armée, a dit je ne sais qui, c’est l’ école de la fainéantise et de l’incohérence (et c’est vrai) , un cuisinier de métier y sera par exemple affecté à l’habillement et un charcutier sera coiffeur (je l’ai vu...). Dans le scoutisme en revanche, on prend toutes les aptitudes de chacun et on fait profiter tout le groupe.
Et surtout, surtout, la grosse différence, c’est que des louveteaux on peut en partir quand on veut....
Les jeudis et les dimanches de cette année scolaire 58/59 étaient bien remplis, et encore je ne me doutais pas de la catastrophe qui allait me tomber dessus au printemps... En attendant je passais de bons moments, toujours dans les premiers à l’école (en fait le premier mais ma modestie légendaire m’interdit d’ insister...), les mercredis soirs en répétition pour la chorale, les jeudis et certains dimanches chez les louveteaux.
C’était toute une organisation que je découvrais là ; nous étions répartis par groupes de six (la « sizaine ») et dans chacun de ces groupes il y avait un chef de sizaine et un chef-adjoint. C’était le nombre d’étoiles qui déterminait ces grades (oui, je sais, comme à l’armée...) et chacun pouvait monter dans sa sizaine pour devenir un jour le Grand Chef....
Autant le dire tout de suite, je n’y suis jamais parvenu. Juste au moment où j’allais décrocher ma deuxième étoile, je fus atteint par la limite d’âge (11 ans) et dus alors passer dans la catégorie supérieure, les Scouts. Mais n’anticipons pas.
Donc à la différence de l’armée je l’ai dit c’était des jeunes filles qui nous encadraient. Des Cheftaines, et il était absolument interdit de les appeler par leur prénom (que du reste nous ignorions).
Pour la Commandante en Chef, c’était « Akéla ». Ensuite venait « Bagheera » la chef en second, puis enfin la troisième se faisait appeler « Baloo ». Oui, toute ressemblance avec le Livre de la Jungle n’était pas pure coïncidence!
Le jeudi nous sortions l’après-midi et nous restions dans Paris. Souvent au Jardin des Plantes ou au Luxembourg, parfois dans des musées. Le dimanche en revanche était plus fourni. Départ du « local » (qui était ...le grenier de mon école !) à 9 heures, nanti du casse-croûte pour le midi. Chez moi c était immuable, ce que voulais c’était un oeuf, un GROS paquet de chips, un sandwich au jambon et une banane....
Puis en route pour la gare Montparnasse, la vraie, celle qui a été démolie en 66/67 pour laisser la place à la fameuse Tour.
Nous prenions un train de banlieue inox qui nous emmenait sur la ligne de Versailles. Suivant les moyens dont disposaient les cheftaines, nous allions plus ou moins loin. Si c’était « la dèche », nous ne dépassions pas Meudon, voire au maximum Bellevue. En revanche dans les périodes « fastes », nous poussions jusqu’à Sévres, Viroflay, et même parfois exceptionnellement Versailles. Mais en général c’était Chaville. Elles devaient adorer Chaville ou y avoir un petit copain vu le nombre de fois où nous y sommes allés !
De toutes façons de Meudon à Viroflay la ligne longeait une immense forêt, à l’époque peu fréquentée par les voitures, et où les petits (et les grands) Parisiens pouvaient se refaire une santé, se désintoxiquer les poumons remplis de l’oxyde de carbone emmagasiné pendant une semaine. En effet si à l’époque la banlieue était presque la campagne, Paris en revanche était nettement plus pollué que maintenant. D’abord les habitants étaient beaucoup plus nombreux (700.000 de plus à peu près intra-muros), les transports en commun nettement moins utilisés que maintenant vu leur lenteur et surtout leur structure plutôt faiblarde à l’époque (pas de RER ni de couloirs de bus). Enfin et surtout le chauffage au charbon et au fuel a laissé place aux convecteurs. Paris dans les années 50 avait une odeur épouvantable, à présent rien de pire que des villes comme Lyon ou Marseille, même moins...
Ce bois de Chaville donc nous le connaissions par coeur, nous les louveteaux de la 389ème Paris, c’est à dire ceux de Saint Germain des Prés. On y organisait des jeux de piste, des découvertes de la nature; par exemple une fois nous avions tous ramenés des têtards, fallait voir la tête des parents.... Les cheftaines aussi en ont pris ce jour-là pour leur grade !
Nous allions aussi à la ferme de Meudon ramener des oeufs frais et ainsi se donner un peu l’illusion d’ être en vacances. Cette ferme, si proche de Paris (moins de 2 km d’une station de métro...) n’existe plus bien sûr depuis fort longtemps, mais dans les derniers temps les fermiers pratiquaient carrément des prix dignes de Fauchon...C’était de bonne guerre, car c’était presque devenu une Réserve !
En résumé je peux dire que les quatre années passées chez les louveteaux m’ont laissé un bon souvenir. Bien sûr il y avait les moments de déprime, quand je me disputais avec un camarade par exemple, mais c’était extrêmement rare par rapport à tout ce que je subissais quotidiennement à l’école.
Parfois je voyais une cheftaine pleurer. Pour moi une cheftaine c’était une sorte de maîtresse d’école, quelqu’un d’indestructible pour mes yeux d’enfant, et je ne comprenais pas pourquoi elle pleurait, je pensais que peut-être elle s’était fait mal.
En fait Akéla ou Bagheera c’étaient des jeunes filles de 16/17 ans tout bonnement, avec leurs problèmes et leurs peines de coeur, et non pas les Superwomen que nous imaginions dans notre petite caboche de garçonnet. Dans ces années-là ça se passait ainsi, alors qu’à présent un garçon de douze ans encore puceau se considère comme un attardé notoire... Une jeune fille de 17 ans ne donnait pas encore d’idées mal placées à un gamin normalement constitué. Bien sûr nous étions en général attirés par le sexe opposé, mais dans notre tranche d’âge, et encore, dans le bas de la tranche...
(à suivre)
12:37 Publié dans beaux moments, Loisirs, moi | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : scoutisme