24/08/2010
Mes noëls magiques (1963/1971)
On continue sur l'enfance. Ne pas avoir de frère ni de soeur à mes côtés était mon souci principal. Mais il est une période où ça passe nettement moins bien que d'habitude : Les fêtes.
Voilà ce que j'aurais voulu :
Mais hélas, je devais me résoudre à passer ce jour, merveilleux pour un enfant, tout seul.
Enfin, disons avec mes parents...
Le Noël de mes 8 ans fut le premier qui "dépassa" un peu les autres.
Grâce à un lointain cousin (du 15 ème ou 20 ème degré !) qui se prénommait Raymond, nous passâmes la soirée du 24 décembre 1958 à nous balader dans Paris illuminé, pour finir au cinéma St Michel afin de visionner le dernier film de Jacques Tati, mon oncle. La tournée des grands ducs !
Aujourd'hui encore, 51 ans après (!!), me surgissent plein d'images quand j'entends la musique-thème de ce film...
Mes parents avaient remarqué ce changement d'humeur, chez moi, lors de ce premier noël "pas comme les autres". J'ai déjà parlé ici de l'ambiance qui régnait chez nous, dans notre taudis . C'était la dèche de chez dèche chez nous. Du vrai Zola...
Mais je serai toujours reconnaissant à mes parents de toujours me couvrir de cadeaux exceptionnels à cette occasion. Comme s'ils voulaient se faire pardonner le cadre dans lequel la Vie les avaient obligés à me faire grandir...
Cette année-là, pas trop de cadeaux mirobolants, mais en revanche la présence de ce cousin dont je n'avais jamais entendu parler auparavant, et qui mettait un peu de vie dans nos treize mètres carrés.
Ce fut deux ans après qu'ils comprirent vraiment le "mal" dont je souffrais.
Noël 1960 compte - malgré une horrible migraine - parmi mes plus beaux souvenirs.
Non, ce ne fut pas dans la neige de Gstaad ou les palmiers de Tahiti que je passai cette soirée du 24 décembre.
Mais dans une "tour" d'Epinay sur Seine (ce qu'on nomme à présent "les cités") où, avec des amis de mes parents, et surtout leur fils unique de mon âge, Daniel, je découvrais ce que pouvaient être, comme disait ma mère, "les noëls de là-bas".
"Là-bas", c'était la Tunisie, où ma mère "pied-noire" avait vécu sa jeunesse.
Et dont moi je ne connaissais strictement rien. Je suis né dans la grisaille; et j'ai grandi dans la grisaille.
Bref, j'imagine le décalage entre un Noël d'Afrique du Nord et un Noël rue de Buci...
Ma chance, c'est que j'ignorais à quel point il pouvait être énorme, ce décalage.
Mes parents, non...
Noël 61 fut le pire. Notre dèche était devenue presque inextricable, du coup l'ambiance était des plus horribles, et si je pleurai beaucoup ce soir-là, ce n'est pas à cause de la miséreuse machine à écrire en plastoc à 10 F que j'avais eue en cadeau, mais parce que je commençais à sortir de l'enfance, à comprendre certaines choses sur les "grandes personnes" qui n'étaient finalement pas si bien loties que nous, gamins, pouvions l'imaginer.
En 62, ce fut presque l'inverse. Mon père avait réussi à obtenir un prêt qu'il attendait depuis des années, et du coup il nous avait "couvert d'or".
La Télé, en novembre, qui devait complètement bouleverser ma vie.
Et côté cadeaux, un "circuit 24" et un Monopoly, sans nul doute les plus beaux cadeaux que je recevrai de mon enfance.
Mais après ?
Télé ou pas télé, nous n'étions toujours que trois devant ce fichu sapin...
1963 fut l'année du chamboulement.
Cet automne-là, je déprimais encore plus que d'habitude. Plusieurs raisons à cela : D'abord j'étais le "petit chose" dans une classe trop haute pour moi. 12 ans en quatrième, quand on mesure 1m30, c'est pas top...Et donc bonjour les brimades.
Egalement je venais de faire la connaissance d'une petite fille avec qui je m'entendais à merveille, et mon père m'interdisait de lui écrire. Il avait sans doute ses raisons (voir note "Marité ma soeur volée" "marite-ma-soeur-volee-1963.html ) mais pour moi c'était profondément injuste.
A tel point qu'à partir de la Toussaint, je refusai de m'alimenter !
Alors il fut décidé que dorénavant, je passerais mes Noëls à Lorient, chez la soeur de ma mère.
Elle ne m'aimait pas, me le faisait bien sentir, j'imagine le forcing que ma maman a dû faire pour parvenir à ses fins !
Ma tante avait une fille - ma cousine germaine donc - laquelle avait à l'époque 4 enfants, dont un de mon âge, dont j'avais fait la connaissance un an et demie avant, et que je considérais comme mon frère cadet (celui que je n'ai jamais eu). Lui de son côté me considérait comme l'aîné qu'il avait toujours voulu avoir. Ca ne pouvait pas mieux tomber.
Et c'est pour ça qu'à partir de cette année 1963, je pus passer "les fêtes en famille", comme si j'avais été l'aîné d'une belle fratrie, le réveillon étant un VRAI réveillon, avec une VRAIE cheminée devant laquelle tous les enfants déposaient leurs souliers.
Avec un VRAI Père Noël, qui, par magie, déposait les cadeaux pendant que nous les gosses étions profondément endormis.
Cadeaux que nous découvrions émerveillés le lendemain matin...
Même si moi (billet de train et prix de la pension obligeaient) je n'avais pas grand-chose, je m'en fichais. mon plus beau cadeau, c'était eux...
Ces Noëls se perpétueront jusqu'en 1971. Le gamin de 12 ans laissera la place au lycéen tourmenté, à l'amoureux transi, à l'étudiant déçu, et au "travailleur" que j'ai fini par devenir.
Pour Noël 1971 - le dernier de ces Noëls - , gagnant désormais (et très bien) ma vie, je mettrai un point d'honneur à faire des cadeaux "somptueux" à tous ceux qui, pendant les années précédentes m'avaient tellement apporté à cette période de l'année si délicate pour moi. Mon "mois" y était passé, mais aucune importance, je me régalais de les voir si contents.
Et mes parents dans tout ça ?
S'ils n'étaient pas morts tous les deux, je n'aurais pas pu faire cette note. Du moins de cette façon.
Sur le moment je ne m'en suis pas rendu compte, mais j'imagine maintenant à quel point ils ont dû souffrir à chaque soirée du 24 décembre qu'ils passaient tout seuls...
Je sais maintenant ce que le mot abnégation signifie.
Fort heureusement, il m'en restait plein des Noëls à passer avec eux.
Notamment le plus beau, celui de 1984, avec leur merveille de petite-fille qui venait tout juste de naître. Le plus grand cadeau qu'ait pu avoir ma mère.
A bientôt
16:20 Publié dans beaux moments, moi, psy | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : noël, famille, lorient
19/08/2010
Marité, ma soeur volée ? (1963)
C’est à l’été 1963, où mes parents traversaient une telle mauvaise passe financière qu’ils avaient décidé de plus ou moins sacrifier leurs vacances. Juillet pour eux à Paris, le mois d’août à trois dans un grenier aménagé en Ardèche. Pour moi, je devais partir en camp scout durant 3 semaines, descendre en radeau la rivière la Loue dans le Haut-Doubs. Sans savoir que ce sera à moins de 5km de là que, 47 ans plus tard, je prendrai ma retraite !
Toute l'année nous avions travaillé à ce camp, et juste avant de partir, je chopai la grippe.
Adieu donc la belle vallée riante de la Loue, bonjour la loge étriquée du 60 rue de la Victoire....
Les prix d'excellence à la pelle étaient loin derrière, j'étais passé en quatrième - à 12 ans quand même - , mais au prix de pas mal d'efforts et il me fallait absolument décompresser, aller au soleil. Déjà assez rachitique, je perdis complètement mon appétit, ce qui inquiéta mes parents.
Mon père eut alors une idée. Il connaissait une «ancienne collègue» à lui qui habitait Toulon, et lui demanda si je pouvais passer le restant de juillet là-bas. Elle accepta, moi je trépignais de joie ! Déjà quitter cette grisaille parisienne, c’était génial, mais en plus sur la côte d’Azur…
Et, vers le 10, me voilà là-bas.
Au début ça se passe mal, je ne m’entends pas du tout avec le gamin de la famille – un Patrick aussi – et j’en suis carrément à regretter mon pigeonnier. En plus la mère de la dame est avec nous, et c'est visible, elle ne peut pas m'encaisser...
Et puis, la fameuse dame me dit qu’elle va faire venir sa fille de 8 ans, Marité.
Là encore je ne vois pas ça d’un très bon œil, les filles c’est pas trop mon truc, elles ne savent même pas qui est Bob Morane et elles sautent à la corde pendant des heures…
Mais bon, on verra bien !
Pour voir, je vois ! Je suis scotché, littéralement scotché quand je l’aperçois. Petite blonde avec un accent Toulonnais qui achève de me faire craquer. Apparemment de son côté je n’ai pas l’air de lui déplaire non plus. Les bruns aux yeux verts semblent être sa tasse de thé…
Et pendant les trois semaines qui vont suivre, je vais me sentir « bien », vraiment « bien ».
On ne se quittera plus, dormirons dans le même lit, serons lavés ensemble par sa mère, jouerons des parties de «menteur» interminables…
Je lui ferai même participer à des jeux de quartier, et souvent on bravera l’interdiction de ne pas dépasser le pont de chemin de fer, la ligne de Marseille à Nice où filent à toute allure les trains à vapeur.
Mais quand même, je lui trouve des attitudes «bizarres». Comme celle par exemple de me faire sans cesse des petits bisous, et souvent sur la bouche. Elle me dit aussi «quand on sera grands on se mariera ensemble»…
Je le rappelle, j’ai 12 ans, avec de surcroît une maturité sentimentale de 6 ou 7, et je suis presque affolé devant ses démonstrations, même si je sens - j'ignore pourquoi - une sorte de miel me couler dans la gorge…
Et finit par arriver le jour de la séparation. Elle doit partir en colo vers Perpignan, moi en Ardèche. On prend le même train jusqu’à Nîmes, et elle n’arrête pas de pleurer. Impossible de lui faire dire pourquoi.
Ah les filles…compliqué !
A Nîmes, très décontracté, je lui dis au-revoir en lui promettant de lui écrire. Elle sanglote de plus en plus fort en m’envoyant un bisou. Le dernier. Je grimpe alors dans le « Cévenol » bondé, et en gare d’Alès je peux enfin me hisser sur le wagon panoramique. Marité est déjà loin…
Ce mois d’août dans un village paumé à 1200 m d’altitude, sous le vent, la pluie et le froid, ne restera pas dans les annales, sauf peut-être celle de la météorologie, et du coup, ma mère décide de finir les vacances à Valréas, dans le Vaucluse, chez sa sœur. A ce moment–là, je ne pense presque plus à ma petite compagne de jeux.
Quand on arrive là-bas, à même pas 75 km à vol d'oiseau, on a l’impression d’avoir pris l’avion !
Nous venions de quitter un triste plateau balayé par la pluie et le vent, où les 10 degrés en journée étaient la règle, pour nous retrouver dans une ambiance provençale. Comme celle de Toulon.
Et là…
La chaleur, les cigales, l’accent des gens, les odeurs surtout. Oui, comme à Toulon. Ca m’explose littéralement dans la poire.
Marité.
A partir de ce jour je ne vais plus penser qu’à elle. Je me surprends moi-même, ignorant totalement ce qui m’arrive. Moi, celui qui ne tient pas en place, je vais devenir le contemplatif total, je vais marcher des heures entières dans les rues de la ville en pensant à ma petite blonde.
Bien évidemment je n’en parle à personne. Je m’empresse de lui écrire une lettre, puis deux, pas de réponse.
A Paris, pensant toujours à elle malgré le changement d’ambiance et de climat, je continue à lui envoyer des lettres.
Jusqu’au jour où mon père, l’air grave, me prend à part et me dit « il ne faut plus que tu écrives à Marité, de toutes façons elle ne te répondra pas ».
Les années passent.
Je rencontre des filles. Je pense même être amoureux. Mais Marité reste en moi, je ne sais pas pourquoi.
En 1967, 4 ans après, j’ai 16 ans. J’arrive à décrocher une semaine à Toulon chez un oncle. Ces 8 jours seront exclusivement passés à « sa » recherche. Bien entendu la première chose que je fais est de me rendre dans «notre» quartier, Darboussèdes. Mais là on me dit, que la famille à déménagé, suite à un deuil, et habite désormais à La Seyne, Lotissement Peyron. Je vais passer toute la Seyne au peigne fin, je n’arriverai jamais à trouver ce fameux lotissement Peyron....
Et je rentrerai à Paris bredouille...
Fin ? Non.
J'apprendrai par la suite que la "collègue" de mon père avait été sa maîtresse dans le temps.
En février 2005, ma femme prospecte parmi les affaires ramenées de chez mon père. Et là elle tombe sur une feuille de journal jaunie, très méticuleusement protégée.
Elle date de juillet 63, et sur une photo on voit des gamins, dont… Marité et moi.
Habillés exactement de la même façon.
J’ignorais totalement que d’une part existait une photo de nous deux, et surtout que mon père la gardait si précieusement.
Bien entendu quand je passe le voir un mois plus tard je lui montre le bout de journal. A tout hasard…
Et alors il est devenu blanc comme un linge, répétant sans cesse « je n’en reviens pas, je n’en reviens pas »
Je n'en saurai pas plus, il décèdera peu après, emportant son secret dans la tombe.
Cette histoire, qui aux yeux de pas mal de pisse-vinaigre – dont ma femme – pourrait passer pour une amourette de gosses pourrait être en fait peut-être bien plus que ça.
J’ai évoqué cette histoire devant trois personnes très différentes, à des années d’intervalle.
Pour deux d’entre elles, au vu de tout ce que j’expose, il y aurait de grandes chances que Marité soit plus que mon tout premier amour. Mais qu’elle soit tout simplement... ma sœur. Ce qui expliquerait qu'on ait été habillés pareil, la réaction de mon père, l'hostilité de la grand-mère, cette sensation de vide intérieur qui ne m’a jamais quitté depuis cette époque.
Cette envie folle de la retrouver.
Je ne le saurai jamais....
18:45 Publié dans beaux moments, ceux que j'aime, moi | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : ma soeur marité
07/08/2010
La désillusion de Marseille (1960)
Cette année-là, celle où avec grande difficulté nous avions changé de monnaie, mon père avait décidé que nous passerions les deux mois d’été dans le midi. Juillet avec lui chez son frère à Marseille, et Août dans leur maison de campagne à Trets, près d’Aix. J’étais heureux parce que d’une part, j’allais connaître enfin ce fameux Marseille dont mon père (qui y était né) me rebattait constamment les oreilles, et d’autre part faire la connaissance de mes deux cousins germains.
En plus, cerise sur le gâteau, nous devions aller à Marseille par un des plus prestigieux des trains de nuit, le “ Phocéen ”, direct jusqu’à Avignon, et qui ne mettait que 9 heures. Je signale au passage que les trains de nuit actuels Paris-Marseille ne font guère mieux ! Il s’arrêtait seulement à Avignon, obligé car il devait changer de loco, la ligne électrifiée ne dépassant pas la cité des Papes. J'étais tellement exité que je demandais à mon père chaque samedi soir de m’amener à la gare de Lyon pour voir partir ce prestigieux “ Phocéen ”. Et je comptais les semaines....
Et le jour “ J ” finit quand même par arriver. Nous prenons le bus 63 pour la gare de Lyon, et à 21h nous sommes sur le quai, une heure à l’avance. Magique ! Pour moi l’ambiance des départs et voyages de nuit a toujours été magique.
Pour un amoureux des trains comme moi, ce n’est maintenant que dans les trains de nuit qu’on peut avoir encore quelques sensations, sentir l’odeur “ SNCF ”, écouter - de plus en plus atténué, hélas - le bruit des roues sur les rails..... A présent dans les “ grandes lignes ” on ne trouve que des avions sur rails (les TGV) ou des TER qui ressemblent plus à des autocars sur rail qu’à autre chose.
Mais je digresse.
Le train s’ébranle à 22 heures pétantes. Je ne vous mentirai pas en vous disant que je ne trouve pas le sommeil tout de suite. Je vois défiler les petites gares. Petites, car contrairement à Paris-Limoges, sur 315 km on ne trouve aucune ville (à part Melun mais c’est la banlieue). Il faut attendre Dijon. Alors que Paris-Limoges en est truffée, de villes: Orléans, Vierzon, Châteauroux...
J’ai dû m’assoupir aux environ de Sens. Et ne me réveillai qu’en passant avec fracas dans une grande gare, dont j’aperçus défiler les panneaux: “ Valence ”.
Valence. J’étais calé en géo, et je situais parfaitement où je me trouvais. Jamais je n’avais été si bas dans le sud (du moins depuis 1953..). Il faisait encore nuit, mais je décidai de profiter du paysage (si j’ose dire) jusqu’au bout, et pendant que mes parents ronflaient dans leur couchette (j’ avais dormi dans celle de ma mère, avec elle) je restai le nez collé à la vitre. Le jour se leva peu à peu, et le convoi se mit à freiner. C’était Avignon. Il était un peu moins de 6 heures du matin. Mes parents émergèrent et mon père à son tour mit son nez à la fenêtre. Il revoyait “ sa ” Provence natale.
Qui n’était pas belle dans un premier temps. D’abord le désert, sur des dizaines de kilomètres, puis des usines. Et soudain je poussai un cri: “ La mer ”.
- Non ! ” répliqua mon père. pas encore.
- Mais enfin, cette étendue d’eau dont on ne voit pas la fin, c’est bien la mer ?
- Non, ça s’appelle l’Etang de Berre.. ”
Et oui, c’est vrai, j’aurais dû m’en rappeler, je l’ai pourtant souvent dessiné le pourtour de cet étang ! Et mon père m’indiqua que la mer, la vraie, je la verrai après un long, long tunnel.
Pour être long, il était long. On n’en voyait pas le bout ! Mais quand on en sortit...
Bonne Mère!
Là l’expression prend tout son sens, car Notre-Dame de la Garde est ce que j’ai vu en premier, éclairée par les premiers rayons du soleil. En bas s’étalait Marseille, immense. Et puis effectivement la mer. Vision féérique de carte postale.
L’été se promettait idyllique, encore plus - fallait le faire - que le précédent.
En fait le bilan allait être plus mitigé. Je suis c’est vrai tombé instantanément amoureux de Marseille, un Marseille de 1960 qui n'avait pas changé d'un pouce par rapport à celui de Marius, Fanny et César.
7 heures et des poussières, le “ Phocéen ” s’immobilise en Gare St Charles. Sur le quai nous attend la tante Mimie, qui nous emmène chez elle.
Pas très grand, chez eux. Ils ont l’eau courante, ce à quoi je m’attendais, mais....avec un gros appareil qui sert à la filtrer ! Pas potable paraît-il....Une micro-cuisine, guère plus grande que la nôtre, la salle à manger, qui allait devenir notre provisoire chambre à coucher, la chambre de mes deux cousins Hubert et Yves, celle des parents, la salle d’eau et les WC. Les fenêtres donnaient sur des cours, si on ne savait pas qu’on était à Marseille on se serait presque cru à Paris.
Pas pour longtemps. Car déjà, à 10 heures du matin une chaleur étouffante commençait à se faire sentir. Ce qui répondit à ma question: “pourquoi les volets sont toujours fermés ? ” chose impensable à Paris. Les volets mais pas les fenêtres et on entendait des voix d’un peu partout, dex voix de femmes surtout avec l’accent chantant:
“ Oh Boudiii, tu vas la fai-reu gueuler lonnntamps ta radio?
- Je la feu-rai gueuler tout le tann que ça me channnteura, peuchèreu ! ”
Tout un monde nouveau et pittoresque à quelques heures de train de la Capitale.
Je fis donc la connaissance de mes deux cousins germains. Ce fut pour moi l’occasion d’apprendre deux choses: la première c’était l’expression “ Parigot tête de veau, Parisien tête de chien ”.
A 9 ans, j’avais pourtant roulé ma bosse: Limoges, Bordeaux, le Gers, Lourdes, la Corrèze, la Somme. JAMAIS on ne m’avait sorti ce petit refrain. Ce qui en découla la deuxième chose: les Marseillais ne pouvaient pas sentir les Parisiens.
Pourquoi ? Je ne le sais toujours pas. Ils avaient pourtant tout ce qu’on pouvait désirer: une ville attachante, la mer, les collines, un ciel toujours bleu, des parfums envivrants....Nous les pauvres Parisiens devions faire une belle trotte pour voir la mer, et encore une mer grise, celle de Normandie. Le ciel je n’en parlerai même pas, et les collines se limitaient à Montmartre, à Meudon ou au Mont Valérien. Quand au parfum, chez nous c’était celui du gas-oil et de la suie. Même le Sacré-Coeur ils l’avaient, et en mieux avec Notre-Dame de la Garde !
De plus qu’eux on n’avait en cherchant bien... que la Tour Eiffel. Alors pourquoi cette jalousie ? Je n’ai jamais compris, et aujourd’hui encore je ne comprends toujours pas. Traumatisé sans doute à cause de ça, à partir de ce jour j’ai eu honte de mes origines. Je devais les cacher pendant.....32 ans ! J’ai été tantôt Marseillais (l ’année d’après - un vrai morceau d’anthologie !) tantôt Breton.
Jamais Parisien, et ça jusqu’en 1992.
Yves était donc un de mes nombreux cousins germains, avec son frère Hubert Dès le départ Yves du haut de ses 13 ans nous a laissé choir, ne voulant pas traîner avec les deux minots de 11 et 9 ans.
La première après-midi je la passai donc avec lui et ses copains, et ce fut là que j’entendis le fameux refrain cité plus haut. En fait je me fis mettre en boîte d’emblée, ce qui mit un terme à la fréquentation de mon cousin. Du moins avec sa bande, car c’est vrai que tout seul il redevenait assez sympa. Me posait même des questions. “T’es monté en haut de la Tour Eiffel ?”
Pour lui ça devait être tellement évident pour un parisien que j’ai répondu oui, alors que je n’en avais même pas gravi une marche !
Pour en revenir à Marseille, je l’ai dit, cette ville m’a plu tout de suite. Au début nous étions avec l’oncle Maurice, le frère de mon père, qui nous ( plutôt “ me ”) fit visiter. Avec sa voiture il nous emmena à la mer, mon père, mon cousin Hubert et moi le lendemain de notre arrivée.
Belle la Méditerranée. Belle mais très houleuse, et je ne me suis pas baigné bien longtemps dedans. En plus elle était glaciale ! On était passés par la rue Paradis, la plus longue de Marseille, qui commence chez les pauvres dans le centre avec les bas numéros et finit à la mer chez les fortunés avec les grands numéros. Quand on dit là-bas qu’on habite Rue Paradis, il vaut mieux dépasser le n° 400, voire, fin du fin, le 500. Et j’étais étonné d’une rue si longue.
A Paris j’avais pourtant la rue de Vaugirard que je prenais tous les jours et qui était plus longue d’un km, ça ne faisait rien. De toutes façons j’avais décidé que tout ce qui était à Marseille était beau, même les bus d’un rouge vif. Et en plus il y avait le tramway...
J’en avais déjà vu deux ans auparavant, à Bordeaux d’abord, et surtout à Versailles, le jour où ils ont fermé la ligne. Mais celui-là faisait en plus “métro” car il passait en souterrain sur un kilomètre. Du reste nombre de Marseillais, très fiers, l’appelaient le “métro”, pour ne pas être en reste avec la capitale. Tout comme actuellement à Rouen, où leur tram est appelé officiellement “ Métrobus ” (?) et que les habitants n’hésitent pas, eux, à qualifier de métro.....Ah jalousie quand tu nous tiens !
La situation s’est dégradée assez rapidement. D’abord, donc entre moi et mes cousins (au bout de trois jours je ne voulais plus jouer avec Hubert) puis entre mon père et son frère, qui peu après n’accepta plus qu’on couchât chez lui. Il nous indiqua l’adresse d’un hôtel tout proche, l’hôtel du Paradis, (eau courante à tous les étages était-il précisé !) où nous nous installâmes tous les trois dans une chambre de deux. La chambre était quand même plus grande que notre appart parisien et pourvue donc, d’eau courante. La tante Mimie était désolée (je ne reproduis pas l’accent): “ Quand même, il exagère, regardez dans quel taudis vous retrouvez à cause de lui...vous devez être serrés comme des sardines là-dedans! Mais, quand même on mangera ensemble, hein ?”
On se regarda tous les trois. En fait ça nous convenait très bien, à part la Corrèze les locations précédentes étaient aussi petites, et on avait quand même l’habitude...
Et puis surtout on était libres la journée, et mon père ne se priva pas de me faire visiter tout ce qu’il y avait à visiter.
Peu à peu les repas chez le tonton s’espacèrent . A part Mimie et ma mère, tout le monde faisait la gueule à tout le monde. Mon père à son frère. Moi à Hubert (pas à Yves, pour lui je n’existais même pas !) tout ça réciproquement bien sûr.
Vers le 12 ou 13 juillet il n’y eut plus de repas Boulevard Rougier (leur adresse). Mon père eut alors l’idée de prendre un peu de recul et d’aller passer quelques jours à Toulon, voir la nombreuse famille de ma mère qui s’était installée là-bas. Il n’y avait que 42 minutes de train, direct. (depuis 2001, le TGV Méditerranée est arrivé, et le parcours ne se fait plus qu’en seulement...38 minutes !)
Ce furent des jours de rêve. Après Marseille je tombai amoureux de Toulon. En plus nous étions logés à Dardennes, un hameau à six kilomètres du centre-ville, à l’ombre d’une montagne (non, je n’en rajoute pas, 801 mètres! ) qui nous protégeait après 17 heures du “ cagnard ” provençal. De sorte que les nuits étairent, contrairement à Marseille, assez douces. Et tout ça dans une belle villa, celle d'une vague cousine.
Et j’ai donc fait la connaissance d’une grande partie de la famille maternelle, qui, elle en revanche m'adopta tout de suite.
Je l’ai dit, le rêve. Rêve un peu atténué quand même, car je m’aperçus assez vite que les jeunes Toulonnais (ATTENTION, pas les Toulonnaises !!) étaient aussi c...que les Marseillais au sujet des Parisiens-tête de chien...
Et même, dans les kermesses, il fallait que ma mère intervienne pour éviter que je me fasse tabasser!
On dut quand même - à regret - quitter Toulon retrouver nos Marseillais, je ne savais pas que j’allais retourner dans la grande cité Varoise seulement 3 ans plus tard, tout seul, et surtout ce qui y allait m’arriver.
On y reviendra en son temps.
Je pense que c’est le contraste entre les différents accueils qui joua, mais toujours est-il que la décision de mon père fut vite prise: d’une part on ne verrait plus sa famille et surtout plus question d’aller à Trets au mois d’Août avec eux.
Ceci réglé, on prenait nos habitudes. Ma mère et moi souffrions énormément de la chaleur, et ne sortions jamais entre 10 heures et 17 heures. Nous ne mangions pas non plus le midi. Par contre le soir, c’était le festival. Balade à pied, où l’on passait chez l’épicier du coin se payer la nouveauté de l’année, des « cocktails Vache qui Rit » ce qui s’appelle maintenant “ apéricube ”. Et oui, en 1960 ça existait !
Après l’apéritif (on pouvait encore se le payer dans les bars à l’époque, les bistrotiers ne faisaient payer le “ petit jaune ” qu’un tout petit peu plus que son prix coûtant....et non plus 10 fois la mise comme aujourd’hui) . On le buvait souvent au bord du Jarret, une rivière qui coulait juste en bas de l’hôtel (maintenant une rocade). Après, resto.
Mon père avait une bonne adresse cours Belsunce, un endroit typique aussi (à l’époque je précise). Ca s’appelait le “ restaurant du Moulin ”. Les repas se vendaient par tickets. 30 F les 10. Soit trois francs le repas (6 euros de maintenant à peu près) de base. On pouvait même pour 5 ou 6 F avoir une bonne bouillabaisse.
Et dans non pas la “ fraîcheur du soir ” mais dans la canicule atténuée, on descendait jusqu’au Vieux-Port, par la Canebière. Pagnol fait dire à Mr Brun dans “ Marius ” qu’à Paris il y avait cent canebières. Moi j’aurais réagi comme César, en pensant qu’il était “ fada ”. Car je la trouvais unique cette Canebière...
Je le répète, à part les Marseillais....et la température, tout à Marseille était sublime pour moi.
Et c’est le jour du départ. Adieux à la famillede mon père. Adieux est le bon terme car effectivement ma mère ne les reverra jamais et moi ne reverrai plus mes deux cousins.
On était arrivés par un train de luxe, on repart par un horrible omnibus. Heureusement que la troisième classe venait d’être supprimée, car je ne me serais pas vu faire près de 900 bornes dans ces conditions. Départ 7heures, arrivée 20 heures 30 !
Ce que je vais maintenant vous raconter est - je le jure sur ce que j’ai de plus cher au monde - rigoureusement exact et pas du tout inventé pour faire joli.
Lorsque je suis sorti de la gare de Lyon, j’ai fait cette réflexion, l’air très étonné: “Oh regardez, il y a un bus vert là-bas...”
Mon père me regarda comme si j’avais dit la bêtise de l’année et me répliqua que les bus étaient - et avaient été - tous verts à Paris. D’abord je me refusai à y croire, vert, quelle horreur ! A Marseille au moins ils étaient rouges, à Toulon oranges, c’était joli. Mais vert !
Mais surtout, en découvrant soudain que les bus que je prenais - très souvent - étaient verts, je m’aperçus que depuis 9 ans, je n'avais prêté absolument aucune attention à mon cadre de vie.
Les bus parisiens auraient été peints en violet , comme je le verrai à Auxerre en 1974, ça aurait été pareil.
Réaction très significative, je traversais cette ville sans même la voir, elle ne m’intéressait absolument pas. Et cela durera juqu’à mon premier (faux) départ, en 1972.
12:29 Publié dans beaux moments, moi, psy | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : marseille
04/08/2010
Souvenirs d'enfance : les louveteaux (1958/1962)
Mon maître à penser Marcel Gotlib les a souvent décriés, et c'est vrai qu'à son époque ça devait être totalement différent...
Chez eux, d'abord, tout le monde était sur le même pied d’égalité. Pas de fils de..., ce qui comptait c’était les grades, que l’on obtenait soi-même, et pas avec l’argent des parents.
Le système était simple: il fallait obtenir des brevets, de toutes sortes, le choix était vaste, et avec trois brevets on pouvait avoir une étoile que l’on arborait fièrement sur notre béret basque.
Trois autres brevets, une seconde étoile, là c’était le nec plus ultra ! Il fallait aussi passer des épreuves: de courage, d’endurance. Certains ont pu dire, comme Gotlib donc, que le scoutisme c’était l’armée pour les mômes, mais je m'insurge en faux quand à cette affirmation. Même si j'aime bien Gotlib.
C’est vrai que le côté "grades" fait un peu penser à cela, mais la comparaison s’arrête là.
J’anticipe un peu sur les années 72/73 mais pour moi l’armée c’est les brimades incessantes des gradés sur les faibles, même - et peut-être surtout - si le « faible » a un QI nettement plus élevé que le gradé.
Chez les louveteaux rien de ça. Déjà ce sont des femmes qui nous dirigent, ce qui est un gage en soi. Là bas, le plus ancien doit protéger le plus petit, et le guider, à l’inverse des militaires. Etre gradé exige des devoirs chez les scouts. Alors qu’à l’armée ça ne donne que des droits. L’armée, a dit je ne sais qui, c’est l’ école de la fainéantise et de l’incohérence (et c’est vrai) , un cuisinier de métier y sera par exemple affecté à l’habillement et un charcutier sera coiffeur (je l’ai vu...). Dans le scoutisme en revanche, on prend toutes les aptitudes de chacun et on fait profiter tout le groupe.
Et surtout, surtout, la grosse différence, c’est que des louveteaux on peut en partir quand on veut....
Les jeudis et les dimanches de cette année scolaire 58/59 étaient bien remplis, et encore je ne me doutais pas de la catastrophe qui allait me tomber dessus au printemps... En attendant je passais de bons moments, toujours dans les premiers à l’école (en fait le premier mais ma modestie légendaire m’interdit d’ insister...), les mercredis soirs en répétition pour la chorale, les jeudis et certains dimanches chez les louveteaux.
C’était toute une organisation que je découvrais là ; nous étions répartis par groupes de six (la « sizaine ») et dans chacun de ces groupes il y avait un chef de sizaine et un chef-adjoint. C’était le nombre d’étoiles qui déterminait ces grades (oui, je sais, comme à l’armée...) et chacun pouvait monter dans sa sizaine pour devenir un jour le Grand Chef....
Autant le dire tout de suite, je n’y suis jamais parvenu. Juste au moment où j’allais décrocher ma deuxième étoile, je fus atteint par la limite d’âge (11 ans) et dus alors passer dans la catégorie supérieure, les Scouts. Mais n’anticipons pas.
Donc à la différence de l’armée je l’ai dit c’était des jeunes filles qui nous encadraient. Des Cheftaines, et il était absolument interdit de les appeler par leur prénom (que du reste nous ignorions).
Pour la Commandante en Chef, c’était « Akéla ». Ensuite venait « Bagheera » la chef en second, puis enfin la troisième se faisait appeler « Baloo ». Oui, toute ressemblance avec le Livre de la Jungle n’était pas pure coïncidence!
Le jeudi nous sortions l’après-midi et nous restions dans Paris. Souvent au Jardin des Plantes ou au Luxembourg, parfois dans des musées. Le dimanche en revanche était plus fourni. Départ du « local » (qui était ...le grenier de mon école !) à 9 heures, nanti du casse-croûte pour le midi. Chez moi c était immuable, ce que voulais c’était un oeuf, un GROS paquet de chips, un sandwich au jambon et une banane....
Puis en route pour la gare Montparnasse, la vraie, celle qui a été démolie en 66/67 pour laisser la place à la fameuse Tour.
Nous prenions un train de banlieue inox qui nous emmenait sur la ligne de Versailles. Suivant les moyens dont disposaient les cheftaines, nous allions plus ou moins loin. Si c’était « la dèche », nous ne dépassions pas Meudon, voire au maximum Bellevue. En revanche dans les périodes « fastes », nous poussions jusqu’à Sévres, Viroflay, et même parfois exceptionnellement Versailles. Mais en général c’était Chaville. Elles devaient adorer Chaville ou y avoir un petit copain vu le nombre de fois où nous y sommes allés !
De toutes façons de Meudon à Viroflay la ligne longeait une immense forêt, à l’époque peu fréquentée par les voitures, et où les petits (et les grands) Parisiens pouvaient se refaire une santé, se désintoxiquer les poumons remplis de l’oxyde de carbone emmagasiné pendant une semaine. En effet si à l’époque la banlieue était presque la campagne, Paris en revanche était nettement plus pollué que maintenant. D’abord les habitants étaient beaucoup plus nombreux (700.000 de plus à peu près intra-muros), les transports en commun nettement moins utilisés que maintenant vu leur lenteur et surtout leur structure plutôt faiblarde à l’époque (pas de RER ni de couloirs de bus). Enfin et surtout le chauffage au charbon et au fuel a laissé place aux convecteurs. Paris dans les années 50 avait une odeur épouvantable, à présent rien de pire que des villes comme Lyon ou Marseille, même moins...
Ce bois de Chaville donc nous le connaissions par coeur, nous les louveteaux de la 389ème Paris, c’est à dire ceux de Saint Germain des Prés. On y organisait des jeux de piste, des découvertes de la nature; par exemple une fois nous avions tous ramenés des têtards, fallait voir la tête des parents.... Les cheftaines aussi en ont pris ce jour-là pour leur grade !
Nous allions aussi à la ferme de Meudon ramener des oeufs frais et ainsi se donner un peu l’illusion d’ être en vacances. Cette ferme, si proche de Paris (moins de 2 km d’une station de métro...) n’existe plus bien sûr depuis fort longtemps, mais dans les derniers temps les fermiers pratiquaient carrément des prix dignes de Fauchon...C’était de bonne guerre, car c’était presque devenu une Réserve !
En résumé je peux dire que les quatre années passées chez les louveteaux m’ont laissé un bon souvenir. Bien sûr il y avait les moments de déprime, quand je me disputais avec un camarade par exemple, mais c’était extrêmement rare par rapport à tout ce que je subissais quotidiennement à l’école.
Parfois je voyais une cheftaine pleurer. Pour moi une cheftaine c’était une sorte de maîtresse d’école, quelqu’un d’indestructible pour mes yeux d’enfant, et je ne comprenais pas pourquoi elle pleurait, je pensais que peut-être elle s’était fait mal.
En fait Akéla ou Bagheera c’étaient des jeunes filles de 16/17 ans tout bonnement, avec leurs problèmes et leurs peines de coeur, et non pas les Superwomen que nous imaginions dans notre petite caboche de garçonnet. Dans ces années-là ça se passait ainsi, alors qu’à présent un garçon de douze ans encore puceau se considère comme un attardé notoire... Une jeune fille de 17 ans ne donnait pas encore d’idées mal placées à un gamin normalement constitué. Bien sûr nous étions en général attirés par le sexe opposé, mais dans notre tranche d’âge, et encore, dans le bas de la tranche...
(à suivre)
12:37 Publié dans beaux moments, Loisirs, moi | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : scoutisme
02/08/2010
Souvenirs d'enfance : mes plus belles vacances (Corrèze 1959)
Nous voici donc une fois de plus à la gare d’Austerlitz, pour une destination nouvelle. Je commençais à bien la connaître, cette gare, l’ayant fréquentée les cinq années précédentes.
Quai n°14, direction Ussel. Qu’est-ce que c’est que ce patelin ? Moi qui suis plongé dans les cartes en permanence, j'avoue que je sèche...
Départ à neuf heures précises. Les mêmes gares de banlieue, traversées de plus en plus vite. Juvisy à 120, Brétigny à 140, puis Etampes, qui marquait la frontière entre la banlieue et les « grandes lignes », entre la région Parisienne et la Province en somme.
Les Aubrais-Orléans. Arrêt habituel. Je me suis souvent demandé pourquoi la ligne passait sur le côté est d’ Orléans, et surtout pourquoi n’y avait-il pas de gare sur la ligne, mise à part celle des Aubrais à 6 kilomètres. J’ai appris par la suite que le maire de l’époque ne croyait pas du tout au chemin de fer. A présent les Orléanais s’en mordent les doigts.
Vierzon. Arrêt connu aussi. Jusqu’à présent on va au même endroit, me disai-je. Toulouse, Limoges,Vierzon, c'est la même ligne.
Erreur ! Je vois qu’on nous enlève notre BB électrique et qu’on la remplace par une loco vapeur crachotante.
Oh non, pas la vapeur ! Je n’aimais pas ça les locomotives à vapeur, c’était bruyant, ça n’allait pas vite et en plus - surtout - on ne pouvait pas se mettre à la fenêtre à cause des escarbilles. J’allais plus tard apprendre à les aimer ces locos, et ensuite à les regretter. Mais en 1959 j’étais en froid avec elles...
Nouveau départ, beaucoup plus poussif. On laisse (à regret) la grande ligne de Limoges et on suit une autre ligne que je ne connais pas, très belle et très roulante également, sauf qu’elle n’a pas de caténaires. On arrive à une bonne vitesse (à peu près 120) quand on freine pour s’engager sur une petite ligne à voie unique sur la droite. La vitesse devient assez faible à cause des courbes. Cela paraît interminable.
Pour moi jusqu’alors il y avait trois sortes de trains: les grands trains électriques, les trains de banlieue, et les michelines. Là c’était un grand train, pris à Austerlitz, qui se traînait comme une micheline ! J’ignorais que cela pouvait exister....
Enfin on s’arrête. Saint-Amand Montrond. Là je suis en pays complètement inconnu et décide avec mes parents de manger un morceau car il est largement plus de midi. Et puis quand on s’engage dans la Jungle, vaut mieux avoir le ventre plein....
Une demi-heure après, enfin une grande ville, Montluçon. Une heure au moins d’arrêt. On finit par repartir, mais la vitesse devient de plus en plus faible, je me demande même si on ne va pas tomber en panne ! A certains moments on va moins vite qu'une bicyclette.
Et des gares de plus en plus minuscules : Auzances, Evaux les Bains, Giat....des patelins de même pas 500 habitants dont j’ignorais que le Grand Train de Paris pouvait s’y arrêter ! On y reste un bon quart d’heure à Giat et je me dis que là pour de bon c’est la panne ! Je regarde autour de moi, et aperçois une plaque sur la façade:
ALTITUDE 824 m.
Là je comprends tout. 824 mètres c’est trois fois la hauteur de la Tour Eiffel, et pour hisser un train comme le nôtre à cette hauteur, cela ne pouvait bien sûr pas se faire à la vitesse du « Mistral » !
Enfin vers les cinq heures du soir, terminus du train. Mais pas terminus pour nous, on doit encore prendre une micheline qui doit nous amener à notre destination finale, Egletons, à seulement 30 kilomètres. En attendant on doit poireauter une bonne heure et on décide de se balader dans Ussel. Pas folichon du tout ! En plus on est crevés, il fait froid, bref au bout de 20 minutes on revient à la gare. Nouveau départ. Le paysage défile sous nos yeux, champêtre et forestier, de plus en plus joli à mesures que nous avançons.
19 heures et quelque, c’est l’arrivée en gare d’Egletons. Plus de 10 heures pour faire quelques 500 km! Mais c'était le plus court et donc le plus économique... Nous faire passer par Brive aurait presque divisé par deux le temps de parcours. Mais il y avait 60 km de plus. Donc une dépense supplémentaire. Jonasz me comprend ;-)
Une dame arrive, c’est la propriétaire, Mme Monteil, qui nous conduit au village distant de deux bons kilomètres.
Ce furent donc des super-vacances; pour moi et aussi mes parents. Nous nous fîmes tout de suite des amis, des fermiers (encore...) voisins de notre location, qui n’aimaient pas trop notre propriétaire. Déjà la location était assez chère d’après mon père, mais il me fallait absolument la montagne pour me requinquer, car je donnais de plus d’inquiétudes au niveau santé. J’étais si chétif que je ne paraissais pas plus de 6 ans !
Mais il faut dire que la dite location n’avait rien de comparable avec ce que nous avions loué les années précédentes: un vrai petit château pour moi. Qu’on en juge: une grande cuisine-salle à manger, une chambre et une petite salle de bains, le tout donnant sur un bout de jardin. Je sentais que j’allais passer des vacances de rêve, pour peu que le temps fût de la partie.
Il allait y être, de la partie, l’été 59 allait être un des plus beaux et plus chauds que l’on allait connaître depuis la guerre, moins chaud que 47 et 91 et bien sûr 2003 mais plus que 62, 90, 82 et même 83.
Pourtant ça commença mal.
Arrivés un samedi soir, le lundi après-midi nous étions déjà chez nos voisins fermiers. J’avais de suite sympathisé avec leurs enfants et nous nous appliquions à monter une cabane dans leur jardin. Il faisait une chaleur horrible.
Soudain le ciel s’assombrit. Il prit une couleur indéfinissable, un noir d’encre que jamais je ne devais revoir. Un grondement sourd se fit entendre. je n’avais pas trop peur des orages car mes parents m’avaient expliqué que la foudre tombait toujours sur des paratonnerres, la faisant en quelque sorte mourir dans le sol. Donc grâce aux fameux paratonnerres aucune chance qu’elle ne nous atteigne.
Raisonnement stupide de petit Parisien. Cela était tout à fait exact en milieu urbain, mais pas du tout à la campagne, les orages essuyés dans le Gers les deux années précédentes auraient dû me mettre la puce à l’oreille !
Je ne me méfiai donc pas, à l’inverse de mes petits camarades de jeu qui rentrèrent dare-dare chez eux. Je les traitai de « poules mouillées » . Il ne pleuvait toujours pas et le tonnerre était de plus en plus fort, les éclairs de plus en plus proches. Je savais qu’il fallait diviser par trois le nombre de secondes qui séparaient l’éclair du tonnerre pour connaître - en kilomètres - à quelle distance la foudre avait frappé.
J’étais arrivé déjà à moins de deux kilomètres lorsque le ciel me tomba littéralement dessus. Un fracas indescripitible, alors que je n’avais même pas vu l’éclair ! J’en déduisis que cela ne devait pas être très loin , quand je vis tout le monde sortir de la ferme de nos amis . A même pas 100 m de là, de la fumée sortait d’une maison, qui commençait à brûler. Les gens étaient choqués, certains brûlés par la foudre, qui était entrée par la cheminée et ressortie par la fenêtre en brûlant tout sur son passage.
A partir de ce jour j’ai commencé à avoir peur des orages. Je savais maintenant ce qu’ils étaient capables de faire...
Sinon, que du soleil, et des balades en vélo en veux-tu en voilà, moi sur le porte-bagage...
A l'époque vu le faible trafic automobile on pouvait encore se le permettre !
Et au retour, des "veillées" avec nos voisins.
Qui a dit que sans télé ni voiture des vacances ne pouvaient être réussies ? La voiture, mes parents n'en ont jamais eu, et ma foi, ça ne leur a jamais manqué. Moi j'attendrai l'âge de presque 26 ans pour passer mon permis. De force (on y reviendra)
(à suivre)
12:27 Publié dans beaux moments, moi | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : vacances, corrèze